Au détour d'un livre

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Principal de collège ou Imam de la République ?, de Bernard Ravet

Principal de collège ou Imam de la République ?, de Bernard Ravet

Résumé : Quinze années durant, Bernard Ravet s’est tu. Parce que son statut de principal de collège le lui imposait – le devoir de réserve du fonctionnaire. Parce que, dans les collèges de ZEP classés «  Violence  » qu’il dirigeait, les journées étaient rythmées par une alternance du grave et de l’urgent qui ne laissaient pas une seconde à l’introspection. Mais aussi pour ne pas craquer. Aujourd’hui à la retraite, il s’est décidé à parler. À raconter sa vie, qui est celle de tout le personnel envoyé dans ces établissements ghetto. La violence. La montée du religieux. Les familles au mieux absentes, au pire fracassées. L’hypocrisie et le clientélisme des politiques...

Auteur : Bernard Ravet
Nombre de pages : 240
Edition : Kero
Collection : KER.DOCUMENT
Date de parution : 23 août 2017
Prix : 16.90€ (Broché) - 11.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2366583878

 

Avis / Critique :


Bernard Ravet ne se doutait certainement pas en rentrant dans le système éducatif comme jeune professeur qu'il en viendrait, à sa retraite, à écrire un livre qui ferait le constat d'une école en déroute face à la montée du religieux et du radical.
Des collèges, il en a fait. Des élèves, il en a rencontré. Des parents aussi.
Certains l'ont ému au possible en se battant pour sortir d'une condition qui les condamnait à échouer. Certains parents ont illuminé les fêtes d'école par leur investissement quand d'autres ont basculé vers le radicalisme. D'autres encore se battent chaque jour pour sortir leurs enfants de cette mouvance qui grignote du terrain.
C'est une rencontre entre plusieurs mondes, plusieurs cultures, qui autrefois se comprenaient et aujourd'hui, ne se comprennent plus.
Ce sont des moments de joie, de désespérance aussi que Bernard Ravet nous livre dans ce "Principal de collège ou Imam de la République".
C'est aussi et surtout un ministère, des académies qui assènent devant les courants radicaux qui envahissent les établissements, un silence radio.
"Soyez présent et occupez-les" assène la hiérarchie quand le ton monte.
Le proviseur et l'équipe enseignante démunie ont l'impression d'être comme le dira Bernard Ravet, une ONG pour camp de réfugiés.
C'est la violence aussi qu'il décrit. Des élèves rackettés par les plus âgés qui déposent par exemple un deuxième cadenas sur les casiers afin de se faire remettre de l'argent en échange de la clé.
Ce sont les ordinateurs tout neufs, qui sont volés dans la foulée, les agressions envers le corps enseignant, envers Bernard Ravet lui-même. La police est là, mais presque aussi démunie que lui face aux injonctions de calme demandé par l'Etat.
C'est de l'assistanat envers des jeunes filles, Comoriennes pour la plupart, qui se trouvent au coeur d'un système patriarcat qui décide pour elle. L'une est promise à un garçon désigné par sa famille. Elle révèle devoir se marier avec lui dès l'obtention de son brevet obtenu. Cela en est une autre qui est le jouet des sévices sexuels d'un oncle qui rétorque pour sa défense qu'elle est de toute façon souillée et impure. L'homme sera finalement arrêté par la police avec la complicité de Bernard Ravet et la petite exfiltrée et placée dans un foyer. Une autre encore dont le père, radicalisé, emmènera toute sa famille en Algérie, confisquera les papiers de sa fille et de sa femme, les empêchant de rentrer. Là encore, Bernard Ravet trouvera le moyen de rapatrier la jeune fille.

C'est la montée du radicalisme qui s'amorce dès le début des années 2000. Des jeunes filles qui sont prises à partie devant un snack, les enseignantes aussi parce qu'elles sont en jupe. Les garçons les traitent de "putes !" de "salopes !".
Les élèves harcèlent les profs et les élèves qui ne font pas le ramadan "Vous êtes comme nous  ? Et vous mangez ? Qu'est-ce que ça veut dire ? "
Ces élèves estiment que les traitements infligés aux femmes sont normaux. Les parents eux aussi suivent le même chemin en refusant de serrer la main d'une professeure, assènent, quand les filles sont agressées que "ça ne serait pas arrivé si elle avait été voilée".
Bernard Ravet signale à l'académie ces montées en puissance de l'islamisme radical dans son collège de Marseille, le collège Versailles. Les voiles pullulent sur la tête des filles, les Grands Frères ne comprennent pas pourquoi Ravet interdit le port à l'intérieur de l'établissement et cherchent à grignoter du territoire chaque jour, prétextant que les jeunes filles sont découvertes de ce fait avant de rentrer et que cela est inadmissible, qu'elles devraient se découvrir dans le sas d'entrée et pas avant. 
A une mère qui porte le voile depuis quelques mois, Bernard Ravet demande :
"Vous portez le voile depuis quelques mois. Est-ce en signe de deuil pour votre maman ?
- Non, monsieur le principal", lui répond alors celle-ci. "Je le porte parce que j'en ai assez de me faire embêter dans le quartier".
En 2003, quatre jeunes demandent à rencontrer Ravet. Ils sont barbus. Ce sont des dealers qui traînent dans les rues aux alentours.
Le proviseur leur demande :
"- Il en dit quoi l'imam que vous vendiez de la drogue ?
- On a pas de compte à rendre à l'imam. Les consommateurs, ils ne sont pas musulmans. Si la drogue tue, elle ne tue que des mécréants. Ce n'est pas contraire à la religion."
Pour eux, vendre de la drogue s'apparente à une forme de djihad.
Les grands frères s'imposent dans la vie des jeunes du quartier, entrent dans les familles par le biais des prêches diffusés dans les mosquées qui se radicalisent, par le biais des aides aux devoirs, des associations qui poussent comme des champignons.

Chaque jour, l'éducation nationale et la laïcité perdent du terrain. Tout ce qui a trait au christianisme, à son histoire, au judaïsme est contesté. Rien n'échappe à cette dictature pas même les mathématiques où le signe + ressemble à la croix... 
L'Etat est complice de cette prise de pouvoir insidieuse, comme le fait remarquer Bernard Ravet, car elle se tait et laisse faire partout sans intervenir de peur d'être taxée de racisme par ces associations. Elle laisse les professeurs, les proviseurs régler les problèmes... Elle laisse ces jeunes filles et ces jeunes garçons qui subissent eux aussi le diktat d'un radicalisme. Combien de filles portent le voile dans les quartiers, de longs vêtements pour pouvoir marcher tranquillement sans se faire insulter, agresser ?
Bernard Ravet le note. L'école n'est pas la seule institution à subir ce phénomène. Il en est de même dans les hôpitaux, certaines administrations...

Il pose là un constat édifiant. Un "J'accuse" à la Zola envers les pouvoirs publics, apporte une prise de conscience nécessaire pour le bien de tous, et pour les enfants à qui on apprend que Rousseau est contraire à la religion, que le créationnisme est la vérité.
C'était en 2003... nous sommes en 2017, et rien n'a changé.
Un livre coup-de-poing à lire absolument.
 

"Principal de collège ou Imam de la République - audetourdunlivre.com"

 

Extrait :

Le piège du voile

La loi contre le port du voile avait-elle déclenché cette montée en puissance des signes religieux dans les quartiers ? Avait-elle, au contraire, tenté sans succès d’endiguer une vague dont, à l’époque, les Renseignements généraux mesuraient l’ampleur avec bien plus d’acuité que le ministère de l’Éducation nationale ? Je ne le saurai jamais. Tout ce que je sais, c’est que quelque chose a basculé, et que nous sommes peut-être déjà face à un retournement de valeurs irrémédiable.

Je ne me trompais pas. Deux ans plus tard, le voile frappe à la porte du collège. Je suis cette fois au collège Izzo, que nous venons d’ouvrir dans le quartier de La Joliette. La reconquête du territoire par le religieux a encore progressé, sourdement, fruit d’un patient travail en direction des familles et des jeunes. Le matin, lorsque je fais la grille, je vois désormais régulièrement arriver des élèves voilées. La plupart se 

découvrent avant d’arriver à la porte. Mais certaines tentent de forcer le passage, de retarder au maximum le moment d’enlever leur voile, de pénétrer d’un mètre, de deux mètres, dans l’enceinte du collège. Toujours grignoter du territoire. C’est une bataille pied à pied. Une guerre des tranchées où chaque portion de territoire arrachée compte.

Je la mènerai notamment contre la famille de Djamila, qui entre alors en classe de quatrième. Élève du collège depuis deux ans, elle n’a jusque-là fait aucune difficulté pour ôter son voile à l’approche du sas d’entrée, auquel on accède par des doubles portes – dispositif destiné à empêcher l’entrée du froid dans notre beau collège à « haute qualité environnementale ». Mais cette année-là, l’un des petits frères de Djamila nous a rejoints en sixième, et les enfants se rendent ensemble au collège le matin. Ce n’est plus la même Djamila. Cette fois, elle arrive avec son frère, et ils forcent ensemble la première porte, sans qu’elle se soit découverte. Les surveillants la reprennent. Nous appliquons scrupuleusement la loi et le règlement intérieur, que les élèves et les familles ont signé comme à chaque rentrée. Les couvre-chefs sont interdits. Ceux des contrevenants peuvent être confisqués. « Tu enlèves ton voile et tu présentes ton carnet ! Après tu pourras entrer. »

Tous les matins, le même cinéma se reproduit dans le sas. Djamila tente de forcer la porte son foulard sur la 

tête, le petit frère fait monter la mayonnaise lorsqu’elle est interceptée par les surveillants qui le lui confisquent. Si bien que chaque matin un nouveau foulard rejoint, dans mon bureau, la caisse des objets confisqués, tandis que le petit frère repart chez lui chercher un autre foulard afin que Djamila, à la fin de la journée, puisse se voiler à la sortie du collège avant de rentrer chez elle. Nous sommes entre le rituel et le comique de répétition, à ceci près que personne ne rit.

Il faut en finir. Je tente de convoquer le père. Personne ne répond au téléphone. J’ai l’habitude. Récupérer des coordonnées fiables est un sport de combat. On nous donne des portables qui, comme par un fait exprès, sont périmés quand nous avons besoin d’utiliser les numéros. Les fixes ne répondent pas, soi-disant parce qu’il a fallu y renoncer faute de moyens… Du classique. Les mots dans le carnet de correspondance restent lettre morte. Je contacte le directeur de l’école primaire où étaient scolarisés les enfants. Il n’est guère optimiste :

« Vous allez voir, c’est très compliqué : le père est un ultra.

 Et la mère ?

 Depuis la conversion du père, nous ne l’avons jamais revue. »

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