Au détour d'un livre

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Pascal Obispo adapte Marceline Desbordes-Valmore

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Poétesse française méconnue, voici Marceline Desbordes-Valmore remise au goût du jour par Pascal Obispo qui reprend une partie de ses textes dans son nouvel album "Billet de femme".

Née à Douai d'un père cabaretier, ruiné par la révolution française, Marceline trouve refuge chez un cousin à la Guadeloupe. Durant le trajet, sa mère meurt d'une épidémie de fièvre jaune. C'est le premier drame qui jalonnera sa vie et agrèmentera ses poèmes. De retour à Douai, elle tente une carrière de comédienne et finit par parvenir à se produire à l'Odéon de Paris puis à Bruxelles. Marceline monte quelques pièces, a une liaison passionnée avec l'écrivain-journaliste, Henri de Latouche dont elle aura un fils qui périra presqu'aussitôt. Deuxième drame de cette femme qui se marie l'année suivante avec un acteur de théâtre, Valmore. Des quatre enfants qu'elle aura avec lui, deux meurent en bas âge, la troisième à l'âge de 31 ans. Seul, son fils lui survivra. 

C'est en 1819, qu'elle compose son premier recueil de poèmes "Elégies et romances" qui lui ouvre les pages des journaux de l'époque et lui permet de publier notamment par la suite, "Elégies et poésies nouvelles" ainsi que "Les pleurs".

En 1832, elle arrête sa carrière au théâtre pour se consacrer entièrement à l'écriture et à ses poèmes. Ses oeuvres lui valent plusieurs distinctions académiques et elle publie en 1833 son autobiographie dans laquelle elle raconte les drames qui ont jalonné sa vie, mais aussi la difficulté d'une femme en tant qu'artiste à se faire reconnaître par ses pairs.

Parmi ses fans, on comptera Honoré de Balzac, Verlaine et inspiratrice, elle le sera de la poétesse Renée Vivien.

Ses écrits parcourus de textes tristes, empreints de deuils, de mélancolie, rédigés en partie en onze pieds, n'en demeurent pas moins passionnés et enlevés.

Marceline Desbordes-Valmore s'éteindra le 23 juillet 1859 à Paris, rue de Rivoli et sera inhumée au cimetière de Montmartre.

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Poèmes :

 

L’église d’Arona
 

On est moins seul au fond d’une église déserte :
De son père inquiet c’est la porte entr’ouverte ;
Lui qui bénit l’enfant, même après son départ,
Lui, qui ne dit jamais : « N’entrez plus, c’est trop tard ! »

Moi, j’ai tardé, seigneur, j’ai fui votre colère,
Comme l’enfant qui tremble à la voix de son père,
Se dérobe au jardin tout pâle, tout en pleurs,
Retient son souffle et met sa tête dans les fleurs ;
J’ai tardé ! Retenant le souffle de ma plainte,
J’ai levé mes deux mains entre vous et ma crainte ;
J’ai fait la morte ; et puis, en fermant bien les yeux,
Me croyant invisible aux lumières des cieux,
Triste comme à ténèbre au milieu de mon âme,
Je fuyais. Mais, Seigneur ! votre incessante flamme,
Perçait de mes détours les fragiles remparts,
Et dans mon coeur fermé rentrait de toutes parts !

C’est là que j’ai senti, de sa fuite lassée,
Se retourner vers vous mon âme délaissée ;
Et me voilà pareille à ce volage enfant,
Dépouillé par la ville, et qui n’a bien souvent
Que ses débiles mains pour voiler son visage,
Quand il dit à son père : Oh ! que n’ai-je été sage !

Marceline Desbordes-Valmore, Elégies

 

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Les roses
 

L’air était pur, la nuit régnait sans voiles ;
Elle riait du dépit de l’amour :
Il aime l’ombre, et le feu des étoiles,
En scintillant, formait un nouveau jour.

Tout s’y trompait. L’oiseau, dans le bocage,
Prenait minuit pour l’heure des concerts ;
Et les zéphyrs, surpris de ce ramage,
Plus mollement le portaient dans les airs.

Tandis qu’aux champs quelques jeunes abeilles
Volaient encore en tourbillons légers,
Le printemps en silence épanchait ses corbeilles
Et de ses doux présents embaumait nos vergers.

Ô ma mère ! On eût dit qu’une fête aux campagnes,
Dans cette belle nuit, se célébrait tout bas ;
On eût dit que de loin mes plus chères compagnes
Murmuraient des chansons pour attirer mes pas.

J’écoutais, j’entendais couler, parmi les roses,
Le ruisseau qui, baignant leurs couronnes écloses,
Oppose un voile humide aux brûlantes chaleurs ;
Et moi, cherchant le frais sur la mousse et les fleurs,

Je m’endormis. Ne grondez pas, ma mère !
Dans notre enclos qui pouvait pénétrer ?
Moutons et chiens, tout venait de rentrer.
Et j’avais vu Daphnis passer avec son père.

Au bruit de l’eau, je sentis le sommeil
Envelopper mon âme et mes yeux d’un nuage,
Et lentement s’évanouir l’image
Que je tremblais de revoir au réveil :

Je m’endormis. Mais l’image enhardie
Au bruit de l’eau se glissa dans mon coeur.
Le chant des bois, leur vague mélodie,
En la berçant, fait rêver la pudeur.

En vain pour m’éveiller mes compagnes chéries,
En me tendant leurs bras entrelacés,
Auraient fait de mon nom retentir les prairies ;
J’aurais dit :  » Non ! Je dors, je veux dormir ! Dansez ! « 

Calme, les yeux fermés, je me sentais sourire ;
Des songes prêts à fuir je retenais l’essor ;
Mais las de voltiger, (ma mère, j’en soupire,)
Ils disparurent tous ; un seul me trouble encor,

Un seul. Je vis Daphnis franchissant la clairière ;
Son ombre s’approcha de mon sein palpitant :
C’était une ombre, et j’avais peur pourtant,
Mais le sommeil enchaînait ma paupière.

Doucement, doucement, il m’appela deux fois ;
J’allais crier, j’étais tremblante ;
Je sentis sur ma bouche une rose brûlante,
Et la frayeur m’ôta la voix.

Depuis ce temps, ne grondez pas, ma mère,
Daphnis, qui chaque soir passait avec son père,
Daphnis me suit partout pensif et curieux :
Ô ma mère ! Il a vu mon rêve dans mes yeux !

Marceline Desbordes-Valmore, Idylles

 

 

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Les séparés

 

N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !

N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu’à Dieu... qu’à toi, si je t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
N’écris pas !

N’écris pas. Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire :
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N’écris pas !

N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon cœur.
N’écris pas !

 

Marceline Desbordes-Valmore, Idylles

 

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Le dernier rendez-vouu
(Sur l'album de Pascal Obispo)

Mon seul amour ! embrasse-moi.
Si la Mort me veut avant toi,
Je bénis Dieu ; tu m’as aimée !
Ce doux hymen eut peu d’instants :
Tu vois ; les fleurs n’ont qu’un printemps,
Et la rose meurt embaumée.
Mais quand, sous tes pieds renfermée,
Tu viendras me parler tout bas,
Crains-tu que je n’entende pas ?

Je t’entendrai, mon seul amour !
Triste dans mon dernier séjour,
Si le courage t’abandonne ;
Et la nuit, sans te commander,
J’irai doucement te gronder,
Puis te dire : « Dieu nous pardonne ! »
Et, d’une voix que le ciel donne,
Je te peindrai les cieux tout bas :
Crains-tu de ne m’entendre pas ?

J’irai seule, en quittant tes yeux,
T’attendre à la porte des cieux,
Et prier pour ta délivrance.
Oh ! dussé-je y rester longtemps,
Je veux y couler mes instants
A t’adoucir quelque souffrance ;
Puis un jour, avec l’Espérance,
Je viendrai délier tes pas ;
Crains-tu que je ne vienne pas ?

Je viendrai, car tu dois mourir,
Sans être las de me chérir ;
Et comme deux ramiers fidèles,
Séparés par de sombres jours,
Pour monter où l’on vit toujours,
Nous entrelacerons nos ailes !
Là, nos heures sont éternelles :
Quand Dieu nous l’a promis tout bas,
Crois-tu que je n’écoutais pas ?

 

Marceline Desbordes-Valmore

 

Sur l'album de Pascal Obispo, retrouvez les poèmes :

 

- Un billet de femmes
- Je ne sais plus, je ne veux plus
- Le secret perdu
- S'il l'avait su
- Le Serment
- Le dernier rendez-vous
- Qu'en avez-vous fait ?
- On me l'a dit
- Le soir
- Sans l'oublier
- Je vous écris
- Jamais adieu

Découvrir ses autres oeuvres :
marceline-desbordes-valmore (poésie française)

 

 

 

 

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