22 Mai 2016
Résumé :
Après la banlieue des "Ritals", l'Allemagne et la Russie des "Russkoffs" et de la guerre, Cavanna rentre à Paris. Il faut survivre, sans argent et sans relations. Ses premiers dessins, il les donne au journal "Le Déporté du Travail". Maria, la femme tant aimée, perdue en Russie, continue de hanter François. Il met des messages sur le tableau de l'association des Déportés. Il y rencontre Liliane, "petite chèvre aux cornes agacées", rescapée des camps de concentration qui recherche, elle aussi, sa famille. Après des travaux temporaires et beaucoup de portes claquées au nez, ce sont les débuts de "Hara-Kiri" avec Choron et les copains : Cabu, Wolinski, Reiser, Topor, Melvin, Gébé, Fuchs. "Hara-Kiri" devient le célèbre journal "bête et méchant". Surviennent les démêlés avec la justice, un poil bien dessiné mais mal placé, et la condamnation s'abat. La langue de Cavanna est crue mais le coeur est infiniment tendre et bienveillant. Son prodigieux humour atténue la violence et la bêtise des luttes quotidiennes. Un extraordinaire troisième volet de la vie de Cavanna."
Auteur : François Cavanna
Nombre de pages : 352
Edition : Librairie Générale Française (LGF)
Collection : Le livre de poche
Date de parution : 1983
Prix : 0.90 euros (occasion)
Avis / Critique :
Dans ce troisième volet de son autobiographie, Cavanna nous raconte donc comment, jeune prolétaire revenant du STO, malade, le coeur brisé, travaillant à l’usine, il devient en quelques années un des principaux créateurs d’Hara-kiri, le journal dont l’humour féroce a eu l’influence que l’on sait.
On le suit, jeune dessinateur débutant faisant la pige dans les différents journaux à l’humour triste de l’après guerre, puis rédacteur à « zéro », journal vendu par colportage qu’il rejoint dès le numéro 2. La rencontre avec Georges Bernier, qui allait devenir le professeur Choron, revenu d’Indochine. La genèse d’Hara-kiri et ses premiers déboires avec la censure.
Cette aventure s’entremêle avec d’autres : sa première femme, Liliane, morte trop jeune, la mort de son père, ses vacances en vélo en Italie, ses courtes expériences politiques. Des histoires qui dessinent en creux le portrait d’un homme sensible, intelligent, non conformiste.
Le récit n’est pas toujours chronologique. Son style est simple, direct et drôle. Il écrit un peu comme on parle, n’hésite pas à dire merde quand il le faut. Ni pédant ni vulgaire, il se lit avec plaisir, comme un pote qui nous raconte sa vie dans un bistrot, derrière une bière.
Ce livre est sorti en 1981. Un an après, Charlie-Hebdo première formule, moribond, allait s’éteindre suivi quelques années plus tard par Hara-kiri, tous deux victimes de leur banalisation dans l’espace médiatique français. Il y a donc probablement un peu de nostalgie chez Cavanna au moment où il écrit.
Lire « Bête et méchant » aujourd’hui, après l’attentat à Charlie-hebdo, résonne différemment. Que reste-t-il de l’esprit hara-kiri ? Que dirait Cavanna, lui qui a eu la « chance » de mourir de vieillesse quelques mois avant, devant les hommages nationaux et internationaux rendus à Cabu et Wolinski, qu’il a découverts et avec qui ils ont lutté contre la censure ? Reste le combat contre la bêtise, qui lui est loin d’être gagné ...
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Extrait :
Rue Vicq-d’Azyr, numéro huit. De l’autre côté du canal Saint-Martin, pas loin de l’hôpital Saint-Louis et de son vieux porche où les vérolés font la queue pour qu’on leur coupe la bite en quatre comme une banane pourrie, c’est ce que je croyais quand j’étais petit, je ne peux plus passer devant Saint-Louis sans y penser, tout près de la place du Combat, désormais place du Colonel-Fabien – cette sale manie de changer les beaux vieux noms un peu marrants pour ceux, gris et chiants, de vagues gaziers qui faisaient dans la politique, ou dans l’héroïsme, ou dans la culture grise et chiante… –, une de ces rues tristouilles où se chamaillent des gosses barbouillés de morve, où des femmes enceintes traînent des cabas, une de ces rues bordées d’ateliers de papier bitumé et de bâtisses de plâtras pour sous-prolétaires, une rue sortie tout droit de chez Zola qu’un rayon de soleil ou une bouffée de croissants chauds rejette soudain chez Prévert.
Au fond de la cour d’un de ces clapiers à pauvres, un de ces ateliers pour pauvres. La machine secoue la baraque à lourds coups placides bien réguliers. La porte poussée, le fracas vous avale. Trois presses se démènent, noires, luisantes de graisse, sous la verrière rafistolée. La plus grosse fait le plus de boucan, son chariot va et vient sur le bâti trapu, cueille une feuille de papier à un bout, la recrache à l’autre bout, couverte de tortillons noirs serrés serrés qui racontent des choses. Ça sent violemment l’encre, la benzine, le plomb fondu, la graisse chaude, le dessous de bras d’homme. Je suis très ému. Je me dis que j’ai pénétré dans l’antre sacré, là où s’élabore le Livre, où se multiplie la Pensée. Je me grise volontiers de majuscules sublimes, dans l’intimité de ma tête. Grandi dans la passion de l’imprimé, intoxiqué de lecture jusqu’à la moelle, et avec ça curieux comme un chiot, j’ai toujours tenu en grand respect l’invention de Gutenberg et tout ce qui s’y rattache. Tout gosse, je me hissais sur la pointe des pieds pour tâcher de voir fonctionner par la fenêtre, l’été, la petite presse à cartes de visite du père Henry, l’imprimeur du bas de la rue Sainte-Anne[15]. Le père Henry n’aimait pas, il nous envoyait nous faire foutre, va savoir pourquoi.
Les presses sont de vieilles bécanes, la grosse surtout a un jeu terrible, il faut sans cesse la régler, ses coups de corne de vieux bouc obstiné ébranlent le quartier, n’empêche, à chaque aller et retour de l’énorme balancier, vlam, vlam, une feuille imprimée sort, et s’abat, grand oiseau blanc, dans un langoureux battement d’ailes, sur le tas qui, feuille à feuille, monte. Je me dis « C’est beau », avec conviction. Vraiment le public en or. Un tour à décolleter me laisserait admiratif mais froid.
Novi me présente Guichard, un gars placide, en blouse grise, pipe au bec. Ils sont trois associés, ils se sont connus dans un stalag, ils étaient ouvriers imprimeurs, ils ont mis ensemble leurs économies et leurs dettes, ils ont racheté les bécanes et le hangar autour, tout ça bien pourri mais ils avaient du poil au cœur et l’envie stimulante d’être leurs propres patrons.
Guichard m’emmène dans un coin noir, c’est par là que ça se tient pour moi : l’atelier de composition, la typographie, le « marbre ». Là s’active une machine fascinante. Un gros insecte de métal aux gestes anguleux de mante religieuse. Un homme effleure à toute vitesse son vaste clavier, déclenchant des dégringolades de petits bazars de laiton dans un cliquetis musical. Les petits machins jaunes tombent exactement côte à côte, juste dans le bon sens, quand il y en a une certaine longueur l’opérateur appuie sur le truc qu’il faut, fchiap, une giclée de plomb fondu emplit l’ensemble des petits machins, qui sont creux, chacun d’eux porte une lettre, en creux aussi, le plomb se faufile là-dedans, se fige et, plof, tombe sur un plan incliné prévu pour ça, ça fait une ligne d’écriture en relief, d’un seul bloc, et voilà qu’un long maigre bras surgit de je ne sais où, saisit délicatement l’alignement des petits moules jaunes maintenant vides de plomb, les élève jusqu’à un point précis, les laisse tomber sur une longue vis horizontale sans fin, et alors ils se mettent à courir tout le long d’un grand entonnoir plat, cliquetant tintinnabulant, et chacun d’eux, au passage, tombe là où il doit tomber, dans sa case à lui, prêt à repartir sous la sollicitation des doigts légers du linotypiste.
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