23 Mai 2019
D’une authenticité sans fard, les mémoires tragicomiques de Georges Bernier, alias le Professeur Choron, livrent une hallucinante et réelle contre-histoire de la France des années 1930 aux années 1990. Va-nu-pieds issu d’une famille modeste, ouvrier itinérant puis voyou, arnaqueur, proxénète ou gigolo, Bernier raconte sa jeunesse misérable et la sale guerre d’Indochine, où il s’engage de 1949 à 1952. Réformé de l’armée pour tuberculose, il croise sur le pavé de Paris la route de François Cavanna avec qui il créera Hara-Kiri (1960-1985) puis Charlie hebdo (1970-1982).
De Cavanna à Reiser et Wolinski, de son pote Coluche à sa fille Michèle Bernier, de l’Olympia à Canal +, ce Diogène moderne, d’une totale intransigeance, qui révolutionna la presse et l’humour français, retrace dans cette virulente et hilarante autobiographie, qui se dévore comme un roman, un destin d’homme, d’éditeur, d’artiste et de libre penseur exceptionnel.
Auteur : Georges Bernier, alias le Professeur Choron
avec Jean-Marie Gourio
Nombre de pages : 320
Edition : Wonpat
Collection : Les intempestifs
Date de parution : 1993, puis 20 septembre 2018
Prix : 22€ (Broché) - 13.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2374981185
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On connaît l’humour du professeur Choron, ses frasques, ses provocations ; l’homme de Hara-Kiri et Charlie hebdo, ses extravagances, ses frasques, ses chansons, ses fiches bricolages, son langage fleuri, avec son éternel fume cigarette à la main et une ou deux filles nues à ses côtés.
Ici, avec la complicité de son ami Jean-Marie Gourio, l’homme des brèves de comptoir, il nous raconte sa vie… Et c’est passionnant !
Car, derrière le professeur Choron, il y a Georges Bernier, une vraie force de la nature. Gamin né dans une modeste famille de cheminot, dans un village de l’Argonne, il va vite partir pour écumer la France d’un bout à l’autre, vivant de petits boulots et d’arnaques. Pour échapper à la police, il part pour la guerre d’Indochine. Là-bas, devenu dépanneur radio, il écume le pays en passant mille fois à côté de la mort sans jamais s’en effrayer.
Revenu en France, il s’engage dans les commandos et subit un entraînement intensif, avant d’être démobilisé pour cause de tuberculose.
C’est à ce moment là, revenu à la vie civile, qu’il commence à vendre à la criée le journal « zéro », dans lequel écrit Cavanna. Il a tellement de succès qu’il devient vite directeur des ventes… qui explosent grâce à lui. Et quand Cavanna et son compère Fred veulent créer leur propre journal, ils font appel à lui. La suite, c’est l’histoire d’Hara-Kiri.
Cette histoire, on l’a déjà lue sous la plume de Cavanna, dans « Bête et Méchant », qui fut chroniqué ici il y a quelques temps. Mais ici, vue par Choron, elle est assez différente. Car non seulement Choron faisait le clown dans le journal, mais c’est aussi lui qui gérait les finances, et ce n’était pas du gâteau.
Car même si Hara-Kiri et Charlie-Hebdo ont été une référence dans l’humour et la satire en France au long des années 60, 70 et jusqu’au milieu des années 80, il n’ a jamais gagné beaucoup d’argent et a souvent été sauvé par les méthodes peu orthodoxes de Choron.
Tout au long de cette aventure, il passe son temps à picoler, à faire l’amour, à arnaquer banquiers et hommes d’affaires avec un aplomb surprenant. Il semble inépuisable, son incroyable résistance physique lui permettant d’être autant à l’aise en homme d’affaire qu’en saltimbanque provocateur.
Forcément, un tel personnage ne peut pas être modeste, et c’est un peu ce qu’on peut lui reprocher dans ce livre : son manque de collectif. Il parle assez peu de sa complicité avec Cavanna, et à le lire on a l’impression que Hara-Kiri c’était lui et personne d’autre.
On peut dire que Choron et Cavanna, c’étaient les Lennon et McCartney de l’humour bête et méchant, même si ils se sont déchirés à la fin de leurs vies pour la propriété des titres Hara-Kiri et Charlie-Hebdo. Mais cela est une autre histoire, postérieure à l’écriture de ce livre, qu’il faut absolument lire si on s’intéresse à cette aventure, qui s’est tragiquement terminée le 7 janvier 2015, victime de la bêtise.
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On était tous d’accord pour rentrer de la publicité dans Hara-Kiri. On avait quand même un tirage à proposer aux annonceurs. La vente marchait bien. Cabu avait un beau dessin, une fille en jupe. Il avait tendu la jupe de la fille avec des piquets de toile de tente et dessous, un mec était allongé, une marguerite à la bouche. On se dit : c’est pour les tentes Trigano. À l’époque, Trigano avait pas encore le Club Méditerranée. Il vendait des toiles de tente. On l’a démarché. Tout le monde était d’accord, à condition qu’on fasse notre propre pub. On voulait pas passer de la pub traditionnelle. Déception : tous les projets qu’on proposait, ça allait pas, ça choquait. C’étaient vraiment des sales cons !
Un jour, Aubry me dit : « J’ai une bonne touche avec un couturier qui s’appelle Renoma. Il a deux fils qui sont fans d’Hara-Kiri. Je crois qu’ils ont décidé leur père. Vous allez leur faire une pub payante. » Je dis : « Nom de Dieu, et combien ils te paient ? – Tant. – Formidable ! Ils sont d’accord pour qu’on la fasse ? – Complètement d’accord ! » J’annonce ça dans la salle de rédaction : « Hé les mecs ! On a le GRAND couturier Renoma qui nous achète une pub dans Hara-Kiri ! – Oh chouette ! » On se met au boulot. Dans nos archives photo, qu’est-ce qu’on découvre ? Une photo d’Adolf Hitler, avec un imperméable qui lui descendait jusqu’aux chevilles. Il avait vraiment l’air d’un con. En face il y avait Goebbels ou Goering qui était habillé de la même façon. Tu vois le gros Goering, avec son imperméable en caoutchouc ? Voilà notre pub pour Renoma. « Pourquoi Adolf Hitler et Goering étaient-ils aussi chics ? Parce qu’ils s’habillaient chez Renoma ! » Hara-Kiri sort avec ça. À peine sorti, les NMPP m’appellent et me disent : « Dites donc, il y a des demandes de réassort dans la rue du Sentier. – Ah bon ? » J’annonce ça aux mecs : « Ça se vend fort, il y a demande de réassort… » Tout le monde est content. Un peu après, je reçois un coup de téléphone
d’Europe. « On a chez nous les déportés juifs qui veulent tout casser, et qui demandent surtout qu’on arrête la publicité pour Hara-Kiri. » Une heure après, je reçois un coup de téléphone d’un fils Renoma : « Il faut retirer le journal de la vente, parce qu’ils viennent de casser les devantures de la boutique à coups de cailloux. » Une demi-heure après, les déportés arrivent au bureau. C’était notre première pub payante. Mais après tout ça, comment veux-tu que j’aille me faire payer par le père Renoma ? Avec nos conneries, sans le faire exprès, on avait déclenché une émeute dans les associations d’anciens déportés qui avaient laissé leur sens de l’humour derrière les barbelés. Mon agence Snob Publicité commençait à aller à vau-l’eau. La première page qu’on se paie, pan !
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