Au détour d'un livre

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La relique du chaos (Le soleil noir, tome 3), de Giacometti et Ravenne

 

Résumé : Juillet 1942. Jamais l’issue du conflit n’a semblé aussi  incertaine. Si l’Angleterre a écarté tout risque d’invasion,  la Russie de Staline plie sous les coups de boutoir des  armées d’Hitler. L’Europe est sur le point de basculer.
À travers la quête des Swastikas, la guerre occulte se  déchaîne pour tenter de faire pencher la balance. Celui  qui s’emparera de l’objet sacré remportera la victoire.
Tristan Marcas, agent double au passé obscur, part à la  recherche du trésor des Romanov, qui cache, selon le  dernier des tsars, l’ultime relique.

Auteurs : Giacometti et Ravenne
Nombre de pages : 450
Édition : XO Editions
Collection : Thriller
Date de parution : 3 juin 2020
Prix : 22€ (Broché) - 15.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2709663366

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Avis / Critique :

3ème tome des aventures de Tristan, le père de notre commissaire Marcas, héros habituel du duo Giacometti et Ravenne, qui part à nouveau à la recherche de la quatrième Swastika afin de retourner le cours de l'histoire et vaincre le 3ème Reich.
L'action commence dans ce tome par la fin des Romanov et la quête de cette 4ème Swastika qui va nous mener de la Russie à l'Allemagne, de l'Angleterre à la France. On retrouve les principaux protagonistes des précédents tomes des auteurs : Tristan, l'expert en œuvres d'art et espion double, Laure, la châtelaine employée comme espionne par Londres, Erika, la responsable de l' Ahnenerbe, qui est en proie à ses trous de mémoire suite à la balle reçue dans la tête tirée par Tristan à Venise, Moira, la tenancière du Hellfest, Conrad et Suzan, les tueurs en série allemands qui se plaisent à dessiner le signe nazi sur leurs victimes, et enfin Alaister Crowley, le mage fou et loufoque qui navigue au milieu de tout cela et n'hésite pas à retourner sa veste suivant les évènements.

Ce tome met donc la touche finale aux aventures de Tristan Marcas et doit dessiner la fin de la Seconde Guerre mondiale. On côtoie Churchill, De Gaulle, Staline, Himmler, Goering, bref, tous les plus importants personnages de 39-45 auxquels sont confrontés de près ou de loin nos héros.
Cette aventure est la moins axée vers l'action, mais nous plonge plus dans l'ambiance de la guerre et surtout de l'espionnage. Car l'espionnage est clairement ici au premier plan de l'histoire que ce soit du côté allemand ou anglais, et les auteurs nous font partager les arcanes du SOE, du MI5, des SS et de la Gestapo.
La deuxième héroïne du récit est clairement la 4ème Swastika qui est recherchée par tous. L'occulte a donc ici la part belle et Giacometti et Ravenne n'hésitent pas à en rajouter un peu pour rendre le tout plus attrayant. Rien ne pourrait cependant tenir sans les histoires d'amour qui se dessinent en trame de fond, entre amour et trahison avec un revirement sur la fin qu'on n'attendait pas forcément.
Une nouvelle fois donc, le lecteur ne sortira pas déçu de ce troisième tome. Il se laissera embarquer par l'ambiance et s'imaginera facilement faire partie presque intégrante des évènements.

A la fin de l'histoire, les auteurs nous distillent quelques informations sur les lieux et les personnes qui leur ont servi de matrice.
Férus d'histoire, ce roman mêlé d'ésotérisme, d'action, d'espionnage, ravira les lecteurs avec cette Relique du Chaos de Giacometti et Ravenne, qui vient donc clôturer la saga "Le Soleil Noir".

 

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La relique du chaos, de Giacometti et Ravenne "www.audetourdunlivre.com"

Extrait de la "Relique du Chaos" :

Allemagne
Poméranie
Juillet 1942

La voiture glissait doucement sur une route de gravier concassé, qui semblait n’être plus empruntée depuis des années. Tout autour, des bois gris et impénétrables s’étendaient à perte de vue. Tristan se demandait si cette région était encore habitée. On voyait bien parfois des chemins de traverse se perdre entre les arbres, mais jamais les toitures d’un village ou la silhouette trapue d’une ferme. Depuis qu’ils avaient quitté Königsberg, la route n’en finissait pas de s’enfoncer dans une forêt opaque qui menait jusqu’à la mer. De temps à autre, Tristan observait le chauffeur en uniforme qui jetait des coups d’œil fébriles sur les cartes étalées sur le siège passager. Lui aussi devait avoir la sensation grisante et absurde d’être perdu dans un monde sans fin. À bien y regarder, Tristan finit par découvrir des traces d’activités humaines passées. Ici des fagots de branches enlacées de ronces, là un arbre abattu à la hache et déjà couvert de mousse. Tout semblait à l’abandon.

— Nous sommes loin du château ? interrogea Tristan.

 

Le chauffeur prit son temps pour répondre. Dans la SS, la discipline imposait de bien peser ses mots.

— Selon moi, une demi-heure pour atteindre le bord de mer, puis une bonne heure encore pour arriver au domaine von Essling.

Tristan baissa la vitre pour passer la tête au-dehors. Les lourdes ramures des arbres formaient une voûte de feuillage au-dessus du chemin. Impossible de voir la couleur du ciel. En revanche, il sentit un vent iodé lui fouetter la joue. La mer Baltique n’était pas loin. Cette proximité le décida à mettre de l’ordre dans ses pensées.

Il était parti sur injonction expresse d’Himmler. Dans le bref entretien que le Reichsführer avait accordé à Tristan, il avait clairement indiqué qu’avec l’entrée en guerre des États-Unis et le conflit devenu total sur le front de l’Est, l’Ahnenerbe allait devoir prendre de nouvelles responsabilités. Et il voulait savoir si Erika, depuis sa blessure à Venise, était capable de les assumer.

— Regardez, indiqua le chauffeur.

La masse sombre de la forêt était en train de s’éclaircir. À travers les arbres, on devinait un reflet d’argent qui jouait au feu follet. Des pins aux troncs tordus gémissaient sous le vent. La lisière se rapprochait. Soudain, au détour d’un virage, la mer apparut, immense et grise, l’échine frissonnante caressée par de lourds nuages blancs.

La voiture s’arrêta.

Tristan sortit sous le vent.

Dans une heure, il verrait Erika.

Et il serait face à son destin.

Liebendorf
Domaine von Essling

Il y avait des années qu’Erika n’était pas entrée dans sa chambre d’adolescente. Quand elle était revenue en convalescence au château, sa famille avait préféré la loger dans une autre chambre que la sienne, pour ne pas brusquer ses souvenirs. Les médecins disaient qu’elle était devenue amnésique et qu’il fallait ménager sa mémoire. Erika haussa les épaules. Les imbéciles ! Elle se 

souvenait de tout, de sa première dent tombée et glissée sous l’oreiller jusqu’à sa dernière nuit d’amour avec Tristan. Mais ce qu’elle avait oublié, c’était ce qui s’était réellement passé à Venise lors de la rencontre d’Hitler avec Mussolini. Elle s’était réveillée à l’hôpital, la tempe droite labourée par une balle d’origine inconnue. On lui avait expliqué qu’elle avait été blessée lors d’un échange de coups de feu avec le commando anglais qui avait tenté d’assassiner le Führer, mais elle ne se souvenait de rien. Depuis, elle tentait de reconstituer ce qui avait bien pu se passer. En vain.

Elle poussa la porte. Les volets de la chambre étaient clos. Elle ne les ouvrit pas. Elle savait ce qu’il y avait derrière. Une longue allée, bordée de massifs, qui traversait le parc jusqu’à la grille d’entrée. C’est par là qu’arriverait Tristan. Elle connaissait cette vue par cœur, et de toute façon elle préférait la pénombre. Depuis sa blessure, trop de lumière lui provoquait des vertiges.

Elle se coucha sur le lit. Il était plus moelleux qu’avant. Sans doute avait-on superposé des couvertures pour protéger les draps de l’humidité. Les murs étaient nus, sauf un sur lequel on voyait deux photos dans des cadres de verre. La première, en sépia : une femme dont le front scintillait sous un large diadème d’or tandis que d’innombrables colliers ruisselaient sur sa poitrine. C’était Sophia Schliemann, la femme de l’archéologue qui avait découvert les ruines mythiques de Troie et de Mycènes. Parée comme une idole, Sophia portait des bijoux exhumés par son mari et vieux de plusieurs milliers années. Cette femme avait fasciné Erika jusqu’à décider de son avenir d’archéologue. La seconde photo représentait un homme d’une trentaine d’années, au visage brun et enjoué, qui maniait une pioche devant un mur. Son professeur d’archéologie à l’université, Hans. Et surtout, son premier amour. Elle effleura le cadre avec tristesse. Qu’aurait-il dit s’il avait su qu’elle allait devenir la directrice de l’Ahnenerbe ? Elle se demandait toujours comment elle avait fait pour se retrouver à sa tête. De jeune archéologue prometteuse, elle était devenue une des têtes chercheuses du Reich. Comment elle, la fille de bonne famille, avait-elle fini par chercher d’improbables swastikas sacrées à Montségur, en Crète, puis à Venise ? La première fois, elle avait agi sur ordre du Reichsführer, mais ensuite, qu’est-ce qui l’avait empêchée de tout abandonner ?

La réponse était un prénom : Tristan.

C’était pour lui qu’elle avait continué. Elle se leva du lit et se rattrapa au mur. Ses vertiges la reprenaient. Mais lui, où était-il quand cette balle avait failli la tuer à Venise ? Que faisait-il ? Pourquoi ne l’avait-il pas protégée ? Dans le trou noir de sa mémoire, une ombre ne cessait de se dérober. Et cette ombre, c’était l’homme qu’elle aimait.

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