Au détour d'un livre

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Chambre 128, de Cathy Bonidan

 

Résumé :

Quand Anne-Lise réserve la chambre 128 de l’hôtel Beau Rivage pour de courtes vacances en Bretagne, elle ne sait pas encore que ce séjour va transformer son existence.

Autrice : Cathy Bonidan
Nombre de pages : 264
Édition : Points
Date de parution : 4 juin 2020
Prix : 17.90€ (Broché) - 7.99€ (epub, mobi) - 7.90€ (poche)
ISBN : 978-2757880036

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Avis / Critique :

Que feriez-vous si vous trouviez un manuscrit dans un tiroir d'une commode alors que vous êtes en vacances, près de la mer ?
1) Vous le jetez à la première occasion.
2) Vous le laissez dans la commode.
3) Vous le lisez et vous tentez de vous faire publier, quitte à spolier l'auteur de son œuvre ?
4) Vous le lisez et vous vous mettez en tête de retrouver celui qui a pondu les fameuses pages.

C'est cette dernière option que va choisir Anne-Lise, mariée, mère de famille qui se trouve être en vacances dans un petit hôtel du Finistère, le Beau Rivage (ça ne s'invente pas.) En plus, cela tombe bien, elle loge non loin de sa meilleure amie qui habite le coin et qu'elle va pouvoir mettre dans la confidence.
Bon, comme Anne-Lise s'ennuie un peu dans sa vie, qu'elle est en bisbille avec son cousin qui travaille avec elle dans la maison d'édition familiale. (Ben tiens, curieuse coïncidence !) Tout est là pour qu'elle se lance dans une quête, tel Indiana Jones tentant de retrouver le Graal : ici, comprenez l'auteur !
Elle a une adresse qu'elle retrouve au milieu des pages et hop, voilà le manuscrit réexpédié manu militari avec un petit mot tout de même. Mais ce qu'il ne sait pas l'ex-futur auteur, c'est que quelqu'un a poursuivi son œuvre ; D'abord en pondant quelques vers puis en achevant l'histoire d'amour-séparation, faisant du tout un bon mélo prêt à être édité, cependant de moins bonne facture que ce qu'il a lui-même produit.

Et c'est là que Sylvestre Fahmer entre en lice puisque c'est à lui que son parrain remet la lettre et son contenu. L'homme en l'ouvrant tombe des nues. Cela fait des dizaines d'année qu'il a perdu de vue ces pages et surtout, il ne comprend pas comment son écrit à pu se retrouver en Bretagne où il n'a jamais mis les pieds ! Il faut dire que lui, Sylvestre avait égaré son chef d'œuvre à Montréal en 1983. Autant dire, loin du Finistère et qu'il l'avait rangé au rang des pertes, sans profit.
Bon, le bonhomme est content néanmoins de ce retour, mais ne jubile pas plus que cela. Il avoue à Anne-Lise qu'il s'agit là de son unique écrit et qu'il l'a rédigé 33 ans plus tôt.
Finalement, si l’œuvre a été perdue, c'est qu'elle devait l'être. Fin de l'histoire pour Sylvestre.
Mais Anne-Lise, elle ne lâche pas l'affaire. Tel un roquet qui a trouvé un os à ronger, elle est bien décidée, contre l'avis de Sylvestre, à remonter la piste et retrouver les protagonistes qui ont eu en main le dit-chef d’œuvre. Bon, il faut dire que travaillant dans une maison d'édition, elle a en tête aussi d'éditer la chose, d'autant qu'elle aimerait que Sylvestre se remette devant son ordinateur et réécrive la fin. Parce que, bon, il faut bien le dire, celui qui l'a poursuivie n'a pas le talent de Sylvestre.
Donc, lancée dans son idée, Anne-Lise se confie à son amie Maggy qui connait bien la gérante de l'hôtel et demande à celle-ci de lui fournir l'identité de celle qui a occupé la chambre avant elle au Beau Rivage. S'ensuit alors tout un périple où Anne-Lise, aidée par Maggy va parvenir à retrouver tout ceux qui ont eu en main l'ouvrage. En plus, bonus sur le gâteau, chacun va avouer que les 156 pages du manuscrit leur ont changé radicalement la vie. Quel  bonheur cette lecture ! Ah, quel écrivain ce Sylvestre !
Cette œuvre aurait donc un effet bénéfique sur ses lecteurs ?

Apparemment, oui, si l'on en croit ce qui sera rapporté à Anne-Lise par l'intermédiaire de lettres que s'échangeront chacun des protagonistes de cette histoire qui vont finir d'ailleurs par se lier d’amitié et passer les fêtes de Nouvel an ensemble, voire même faire naitre des histoires d'amour.

Ce sont donc ces échanges épistolaires que nous offrent ici, Cathy Bonidan, l'auteur de chambre 128, la fameuse chambre de l'hôtel Beau Rivage où sera retrouvé le manuscrit.

Comme il s'agit de lettres, on suit les recherches dans l'ordre des découvertes. De ce point de vue, c'est un plus. Pas la peine de se tournebouler l'esprit.
Bon, ce joli roman feel good proposé par Cathy Bonidan, institutrice vivant près de Vannes, dans le Morbihan se laisse lire agréablement dans l'ensemble. La quête nous interpelle, on se jette à bras perdu avec Anne-Lise pour tenter de retrouver avec elle les auteurs et ceux qui ont eu le manuscrit entre les mains. C'est plutôt sympa et le style est plus qu'abordable. Cela se lit bien et ce n'est pas prise de tête. Parfois, quand même, on aura du mal à s'y retrouver, car les différents protagonistes qui sont peu nombreux à l'origine finiront par voir leur cercle s’agrandir et comme ils vont interagir entre eux, cela donnera une sensation d'entrecroisement qui augurera pour certains une perte d'intérêt. D'autant que le feel good est omniprésent et que ce manuscrit n'aura eu que des bonnes effluves sur chacun, c'est un sentiment linéaire qui s'en détache. Trop de bon sentiment tue le sentiment, dirons-nous.

Allez, ne soyons pas mauvaise langue. Même si à la fin, l'intérêt diminue, on a envie de finir ce livre au demeurant charmant, pour savoir si Sylvestre va oui ou non être édité, si oui ou non Maggie va céder à l'amour, etc.

Cathy Bonidan signe avec Chambre 128 un roman qui fait du bien au moral, avec des pointes d'humour asséné par chacun des intervenants. C'est d'ailleurs mon bémol, justement. Les personnages semblent avoir le même sens de l'humour comme si on avait un peu affaire à des clones. Cela m'a un tantinet dérangé, car j'ai parfois eu l'impression de lire les mêmes lettres. Hormis cela, c'est un roman que l'on a plaisir à finir, sans prise de tête, simple dans sa construction, qui possède des rebondissements amusants.
Il ne restera pas dans les annales, mais il fera passer un bon moment de lecture.
Chambre 128, c'est un livre donc qui nous met la banane et qui nous donne envie de nous retrouver nous aussi à l'hôtel Beau Rivage avec Anne-Lise, Maggy et les autres comme voisins de palier pour passer un week-end en compagnie de gens sympathique.

Et ce n'est déjà pas si mal. 

Chambre 128, un bon livre pour la plage cet été ou pour la couette cet hiver. Au choix.

 

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Chambre 128, de Cathy Bonidan - www.audetourdunlivre.com

Extrait :

de Anne-Lise à Sylvestre
Rue des Morillons, le 5 mai 2016

Cher Sylvestre,

 

Je vous remercie d’avoir accusé réception de cet envoi un peu particulier. J’ai maintenant l’impression d’avoir réalisé une bonne action et j’aime cette pensée, comme la plupart des gens. J’ai, comme votre mère, une tendresse particulière pour les échanges épistolaires. Depuis longtemps je n’ai plus l’occasion d’utiliser mon papier à lettres et l’on répond à mes cartes par mail, ou pire, par SMS. D’ailleurs vous remarquerez que j’ai mis de côté le numéro de téléphone que vous m’avez transmis pour privilégier définitivement votre adresse postale qui fleure bon le lieu-dit et la campagne française.

 

Vous souhaitez connaître mon avis de lectrice et je vais vous en faire part. Tout d’abord, j’ai été émue par l’intrigue. Ce récit pourrait sembler mièvre, il ne l’est pas. Les bons sentiments abondent mais, racontés par la voix d’un homme et entachés de tant d’inexactitudes sur la nature féminine, ils en deviennent rafraîchissants. Et les réflexions nostalgiques, semées çà et là par des personnages aussi jeunes, nous laissent une sensation d’urgence comme si nous abordions un jour nouveau en sachant qu’il risque d’être le dernier. Maintenant que je sais que seule la première partie vous incombe, je peux vous révéler sans hypocrisie que j’ai été déçue par la fin.

Certes, comme vous l’avez humblement remarqué, cette deuxième partie gagne en fluidité. Le style est plus percutant et plus élaboré. Les phases de descriptions sont réparties avec subtilité pour apporter de la poésie sans jamais rompre le rythme de l’intrigue et l’on sent dans la rédaction un professionnalisme que je n’avais pas perçu au début de l’écriture… Si je peux vous dire tout ceci sans

crainte de vous vexer, c’est aussi parce que cette habileté nuit à votre texte. J’y ai perdu mon émotion, de la même manière que la perfection dans les traits d’une personne la prive de son charme. Je pense que vous me comprenez.

En bref, le premier auteur de ce livre y a introduit une candeur et une sensibilité qui m’ont fait frissonner, alors que le deuxième l’a muni d’une excellence linguistique qui réjouirait un professeur de français.

Si je peux vous donner un conseil – et il s’agit là d’une formule de politesse puisque je n’attends pas votre accord : terminez-le ! Reprenez votre récit et accordez-vous le droit de lui rendre sa fin.

L’annotation ajoutée par notre deuxième auteur (excusez-moi pour ce possessif car je n’ai rien à faire dans cette histoire) montre qu’il s’est approprié votre manuscrit. Qu’il y est entré sans permission et lui a accordé une issue digne d’admiration, certes, mais bien éloignée, j’en suis certaine, de celle que vous auriez choisie. Alors que je vous écris ces quelques phrases, je rêve à ce qu’aurait produit une telle rencontre : vous, l’homme à la sensibilité meurtrie, à fleur de peau, et lui, le brillant conteur, capable de mettre le bon mot au bon endroit sans jamais faillir. Mais certains rendez-vous ne doivent pas avoir lieu et privent le monde de possibles chefs-d’œuvre…

 

Voilà, cher Sylvestre, mes sentiments de lectrice. J’espère qu’ils vous aideront à terminer votre roman, car les choses qu’on laisse inachevées nous accompagnent toute notre vie comme autant de douleurs chroniques qui résistent aux meilleurs antalgiques.

En espérant vous relire un jour, car il n’est jamais trop tard pour publier,

 

Bien à vous,

Anne-Lise

 

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