16 Juin 2020
Résumé : Comment imaginer lieu plus sinistre que le manoir de la Sombre Zone, perdu au cœur des Ardennes belges ? C'est là que sont réunis douze membres d'un club d'échecs très fermé, pour une compétition peu banale : chaque participant devra affronter le fondateur du club, Igor Zakharovitch Podorovieff, qui entend léguer sa fortune au vainqueur. Détail important: le joueur sera enfermé dans une pièce hermétiquement close et ne communiquera avec son adversaire que par téléphone.
Auteur : Pierre Siniac
Nombre de pages : 374
Édition : Rivages
Collection : Roman
Date de parution : 1 juin 2001
Prix : 4.48€ (Poche)
ISBN : 978-2743608255
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François Dézessarts est un homme d'affaires au bout du gouffre. Ses affaires bâtent de l'aile, son ex-amante veut le tuer, et ce serait la fin si le fisc découvrait ses malversations. Seule porte de sortie : remporter le tournoi d'échecs proposé par le millionnaire Podorovieff qui lèguera sa fortune à celui qui gagnera la partie finale et écrasera les onze autres joueurs. Le must étant que le gagnant reproduise les coups que Podorovieff lui-même a fait contre Igor Zakharovitch, des dizaines d'années auparavant et qui lui ont permis de gagner la mise. Rendez-vous est donné dans le manoir du vieil homme qui a transformé autrefois des cellules de moine en cellules pour joueur. Les parties se feront par téléphone, ainsi il aura le contrôle.
François Dézessarts décide d'y participer. D'une part, il pourra renflouer ses caisses et protéger ses enfants et d'autre part, il espère échapper à Hermine, son ex qui n'a de cesse que de vouloir le tuer. Le voilà lui et les autres membres du club dans le fameux "château" du millionnaire. Mais ils ne sont pas seuls. Le cauchemar de François arrive elle aussi malgré la neige qui a envahi les routes. Hermine compte bien lui régler son compte cette fois-là.
Alors que la partie s'engage, que François est enfermé dans sa cellule, que personne ne peut y pénétrer, voilà que les autres joueurs le retrouvent mort, un poignard enfoncé dans l'omoplate et le poumon troué. Dans un dernier râle, il a désigné une ouverture dans le mur. Une ouverture qui ne peut laisser entrer qu'une souris tout au plus...
Roman de huis clos, Pierre Siniac cherche ici à se poser en héritier de Gaston Leroux et de son célèbre "le mystère de la chambre jaune". Malheureusement, si le début commence plutôt bien et qu'on accroche au livre, la fin est vraiment tirée par les cheveux et même les dernières pages nous font nous demander si Siniac n'a pas fumé un pet ou deux en écrivant la fin de son roman.
Comme je l'ai dit, le début se montrait intéressant et on voyait se profiler un bon huis clos à savourer. Mais au fil des chapitres (longs) et des phases de mise en place du drame et de sa probable résolution, voilà qu'il nous offre une histoire finalement invraisemblable, dont la fin ne tient pas une minute debout. Ce Mystère de la Sombre zone donne l'impression que Pierre Siniac a cherché une résolution à une énigme de laquelle il ne parvenait pas à s'extraire, marquant ici un manque d'élaboration de son histoire.
Si le livre se lit facilement, il n'y a pas d'action, et globalement il n'en ressort aucun intérêt littéraire.
Bref, une bonne idée de départ avec des personnages plutôt sympathiques, mais gâchée par des redites tout au long du roman et une fin bâclée et totalement abracadabrantesque.
Une vraie déception.
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Ce qu’Hermine désirait par-dessus tout c’était accomplir un crime parfait. Elle avait la conviction qu’avec du savoir-faire et un brin d’imagination on pouvait y arriver. La seule idée d’être soupçonnée, mise entre les mains de la police puis dans celles d’un juge d’instruction, la prison pour des années et ne retrouver la liberté qu’une fois sexagénaire, sa beauté offerte à quatre murs sales et à un judas, tout cela lui faisait horreur. Elle était persuadée qu’en s’y prenant bien elle finirait par obtenir ce qu’elle voulait : pouvoir abattre François Dézessarts. Si ce n’était pas pour cette fois, si cette tentative devait en définitive s’avérer n’être qu’un simple coup d’essai comme la précédente en forêt d’Amboise, se disait-elle, je sais que la fois suivante… ou la quatrième… et pourquoi pas la cinquième – je ne suis pas une femme à baisser les bras au premier échec, ni au deuxième, ni même au troisième – je sais que finalement, il arrivera un jour où je réussirai.
La première fois – elle avait pris si peu de précautions ! après tout, ne devient pas meurtrier qui veut – ça n’avait pas marché. Si cela avait réussi on eût probablement cru à un banal accident de chasse tel qu’il s’en produit plusieurs chaque année ici ou là en France. Mais ce coup-ci, pensait-elle, cela devrait aboutir. Elle avait pour ce faire trouvé une idée toute simple, souvent les meilleures.
Elle ne pourrait être soupçonnée. Elle resterait libre. Elle aurait vengé sa petite fille. De là-haut, Gwenaëlle pourrait lui dire merci. Son joli coup accompli elle n’aurait plus qu’à rejoindre Gregory à Montréal et poursuivre sa carrière de danseuse orientale qui avait été un moment interrompue – ce séjour dans une clinique psychiatrique, aussi ! oh ! un court séjour, quelle tuile ! mais n’est-il pas normal d’être victime d’une grave dépression après qu’un saligaud vous a tué la petite fille que vous chérissiez ? – il ne lui resterait plus qu’à reprendre sa carrière de bayadère, de danseuse sacrée – « Cela t’ennuie vraiment que des journalistes te comparent parfois à Mata Hari ? » lui avait demandé plusieurs fois Dézessarts, un rien moqueur, – qu’à retrouver la danse, et, désormais, sous les auspices de l’homme qu’elle aimait, Gregory Kodinidès, producteur de spectacles de danse de caractère de renommée internationale, qui l’attendait là-bas, au Canada, et lui avait assuré qu’il la conduirait au succès.
Mais avant tout il fallait venger Gwenaëlle, sa fille adorée. Tuer Dézessarts, responsable de cette mort.
Un crime parfait…
Au matin de cette brumeuse journée du début de novembre, elle se sentit prête.
Dame ! quand une femme volontaire – et dont la soif de vengeance est implacable – a une idée bien ancrée dans la tête, il est rare qu’elle ne finisse pas par décrocher la timbale, et raison de plus si la chance veut bien lui apporter une solution sans pareille sur un plateau !
Elle priait pour que cela réussisse.
Mâles visés, tenez-vous sur vos gardes ! ces sortes de bonnes femmes pétries de rancune sont plus dangereuses qu’une vipère sur qui on a eu le malheur de mettre le pied !
Au matin de ce lundi 5 novembre, Hermine se dit que tout était prêt pour qu’elle puisse agir.
Elle quitta son studio de la rue Jeanne-d’Arc, à Paris, prit sa voiture dans le parking de l’immeuble, une petite Rover GTI rouge vif, son sac de voyage placé à l’arrière. Elle traversa le sud de la capitale lentement car il y avait les habituels encombrements et parvint à la bretelle de l’autoroute A 10, porte de Saint-Cloud. Direction Tours. Où elle arriva un peu avant midi. Elle prit une chambre à l’hôtel du Vingtième siècle, rue de la Scellerie. C’était tout près de la grande maison particulière nichée au fond d’un parc à l’anglaise qu’habitait François Dézessarts. Cette belle maison qu’avait fait bâtir le P.-D.G. de la société immobilière Sibol (Société Immobilière des Bords de Loire), six ans plus tôt, par
l’un de ses entrepreneurs de travaux publics attitrés – un type qui avait trempé dans les magouilles du P.-D.G., d’ailleurs, qui avait été mêlé à quelques-unes de ses escroqueries, l’argent public détourné avec la complicité d’un élu local… tout cela était d’un banal… et bien sûr personne n’en avait jamais rien su, Dézessarts ayant toujours eu l’habileté d’avoir à sa botte des hommes de loi et des administrateurs friands d’enveloppes et aptes à nager sans problème dans des eaux troubles – cette jolie maison au confort moderne elle la connaissait bien puisqu’elle y avait vécu près de cinq années, concubine de l’homme d’affaires.
Elle avait choisi à dessein cet hôtel, situé à moins de trois cents mètres du domicile du personnage exécré. De la sorte, pensait-elle, il lui serait plus facile d’observer les allées et venues de celui qu’elle voulait faire disparaître.
Les habitudes domestiques de la maison Dézessarts, Hermine les connaissait. Une foule de choses, de détails liés à la vie quotidienne du chef d’entreprise et qu’elle n’aurait pu oublier après si peu de temps, la rupture remontant à dix-huit mois. Jusqu’aux plats préférés de Dézessarts qui lui étaient restés en mémoire. On ne vit pas aux côtés d’un homme pendant cinq ans sans connaître ses manies, ses petits péchés mignons.
L’ancienne bonne, Gertrude, une Alsacienne, avait été remerciée. Trop curieuse, trop fouinarde. Dézessarts ne l’aimait guère et se méfiait d’elle. Mais Gertrude avait été la protégée d’Hermine. Et c’est par elle que la jeune femme – elle l’avait retrouvée quelques semaines plus tôt dans un restaurant de la ville, serveuse – avait appris que Renaud et Gautier, onze et dix ans, les fils de Dézessarts, dont il avait obtenu la garde après son divorce, étaient en pension, à Saumur. Le champ était donc libre. À part la nouvelle bonne, l’homme d’affaires vivait seul dans la somptueuse maison de la rue de la Scellerie. Hermine n’avait pas été remplacée. Oui, le champ était libre car le plan diabolique conçu par la danseuse eût été inapplicable si les deux jeunes garçons s’étaient trouvés là, à vivre auprès de leur père.
Espionnant avec adresse, Hermine avait pu remarquer que le rituel domestique de la maison Dézessarts n’avait pour ainsi dire pas varié depuis sa séparation d’avec le maître des lieux : on faisait toujours les courses le matin, le mardi et le vendredi. Et la nouvelle bonne – une petite femme noiraude bien en chair, l’air pas commode – en bavardant avec des commerçants du coin, Hermine avait pu apprendre son nom : Marthe Lauret – tout comme Gertrude naguère, se rendait immanquablement à l’hypermarché situé un peu en dehors de Tours, sur la route de Vendôme.
La nouvelle bonne allait faire ses provisions au volant d’une Fiat blanche.
Quinze jours plus tôt, Hermine, venue dans la ville, avait eu à cœur de répéter. Elle avait suivi Marthe Lauret le long des allées de l’hypermarché, où il y avait toujours beaucoup de monde. Elle s’était discrètement inquiétée de ce que la domestique plaçait dans son Caddie… N’était-elle pas allée jusqu’à subtiliser un gros paquet de gaufrettes du Caddie plein à ras bord pour y mettre à la place un autre paquet, identique, même marque, qu’elle avait elle-même pris sur un rayon du département « Biscuiterie » ? Cela avait eu lieu dans le hall, juste après que Marthe Lauret eut réglé ses achats à la caisse.
Mais cela ne s’était pas très bien passé, puisque…
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