12 Septembre 2015
Résumé : « Ce livre est le récit de ma rencontre avec L.L. est le cauchemar de tout écrivain.Ou plutôt le genre de personne qu’un écrivain ne devrait jamais croiser.»Dans ce roman aux allures de thriller psychologique, Delphine de Vigan s’aventure en équilibriste sur la ligne de crête qui sépare le réel de la fiction.
Auteur : Delphine de Vigan
Nombre de pages : 484 pages
Editeur : Jean-Claude Lattès
Date de parution : 26 août 2015
Prix : 20 euros (Broché) - 14.99 euros (epub)
Avis / Critique :
Un soir, chez des amis, Delphine rencontre L. L. est nègre pour des acteurs, des chanteurs, bref, L. est aussi dans le monde littéraire. Delphine de Vigan s'interroge. Au sortir du salon du livre, elle se demande, après que cette lectrice l'ait interpellé, si l'écriture est encore là, si elle n'a pas tout dit, si tout cela n'est pas fini. Le succès l'a emporté dans un tourbillon dont Delphine ne parvient pas à s'extraire. Commence alors le temps d'une longue traversée de son être intérieur, du blocage et puis voilà qu'arrive L. dans sa vie.
L. qui, peu à peu s'impose, jusqu'à devenir omniprésente, un double presque. Qui est-elle ? Que veut-elle ? Qui envoie à Delphine ces lettres anonymes qui l'accusent d'avoir livré sa famille en pâture au public ? Jusqu'où va aller cette amitié ? Est-ce seulement une amitié ou bien autre chose de plus pernicieux ? Jusqu'où peut aller ce faux-semblant ?
Delphine de Vigan, après le succès remporté avec " Rien ne s'oppose à la nuit ", met en scène son double aux prises elle-même avec un double... roman psychologique ? Oui, mais pas que. C'est aussi les affres de l'écrivain que Delphine raconte ici. Comment produire quand on se sent comme une coquille vide, que peut-on donner de plus, et si l'écriture s'arrêtait là, trop d'attente des autres et c'est la spirale pour l'écrivain qui ne sait plus, ne peut plus, se sent exsangue.
Et puis, arrive donc l'ange à qui Delphine se confie, donne, avec qui elle partage sa vie, avec qui elle se trouve nombre d'affinités, qui finit par venir habiter avec elle, qui est là au moindre faux pas, mais qui reste dans l'ombre des autres, du peu de monde que côtoie encore Delphine.
L. se pose dès lors comme l'unique recourt de Delphine dans son interaction avec le monde extérieur. Elle prend toute la vie de Delphine en charge, écarte les amis, se charge des mails, se charge de la préface d'un livre, va à une conférence... et finit par s'habiller comme elle.
L. devient le double fort de Delphine, un double à la facette noire, névrotique, à l'enfance jalonnée de morts, de traumas et de pathos.
Où est le roman, où est la fiction, où est la vérité, le mensonge ?
C'est incontestablement la force de ce livre, parfois un peu longuet.
Delphine de Vigan a l'art et la manière d'amener son lecteur aux bords des frontières de ce multi-univers de la conscience qu'elle a construit. Le lecteur passe son temps à tisser des conjectures, à tenter de remonter les pistes, à regrouper les indices laissés çà et là, à tenter d'interpréter, de comprendre s'il s'agit bien d'un roman écrit "d'après une histoire vraie"..., d'après l'histoire de Delphine, le double de Delphine de Vigan ou de l'écrivain elle-même...
Histoire vraie, histoire romancée, un peu des deux peut-être ? Mystère.
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Extrait :
La première fois que L. m'a demandé ce que je m'apprêtais à écrire, il m'a semblé qu'on en venait, enfin, au fait. J'ignore pour quelle raison, de manière immédiate, j'ai pensé cela : tout ce qui avait précédé, entre elle et moi, n'avait servi qu'à nous conduire là, à ce point précis, et L. venait d'abattre ses cartes pour me montrer son jeu.
J'étais assise au bar, elle se tenait debout en face de moi, la cuisine était ouverte sur le salon, une odeur de viande en sauce envahissait peu à peu l'espace. L. découpait des légumes, nous dégustions un verre de vin rouge en guise d'apéritif.
Elle m'a posé la question de manière abrupte, inattendue, sans que rien dans ce qui précédait ne pût justifier son irruption, nous parlions de tout autre chose et soudain elle m'a demandé :
- Qu'est-ce que tu vas écrire maintenant ?
Depuis des mois, des lecteurs, des amis, des gens croisés ici ou là m'interrogeaient sur l'après. La question, généralement, se formulait en ces termes : "Qu'allez-vous écrire après ça ?" Parfois, la question prenait une tournure plus générale : "Mais qu'est-ce qu'on peut écrire après ça ?" Dans ce cas, il me semblait qu'elle contenait en elle-même sa réponse : après ça, il n'y avait rien, c'était couru d'avance. J'avais ouvert la boite noire, dilapidé le stock, je n'avais plus rien en magasin. Quoi qu'il en soit, cette question n'était pas neutre. Elle me semblait abriter une confuse menace, un avertissement.
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Bande annonce "D'après une histoire vraie", Eva Green, Emmanuelle Seigner, de Roman Polanski