Au détour d'un livre

Critiques littéraires, avis, livres gratuits, news. “Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux.” (Jules Renard) -

Vous n’avez rien compris à 2001 (et c’est normal)

 

"Et si l’humanité n’était qu’un projet ?
Et si notre intelligence, nos outils, notre civilisation…
...n’étaient pas venus de nous, mais d’ailleurs ?"

"2001, l’Odyssée de l’espace n’est pas un simple roman de science-fiction.
C’est une prophétie déguisée.
Une théorie cosmique.
Une réponse possible à cette question qu’on évite souvent :
Pourquoi sommes-nous là ?"

"Aujourd’hui, on plonge dans l’un des livres les plus ambitieux jamais écrits.
Et je vous préviens… ça risque de bousculer vos certitudes."

 

Partie 1 : L’Aube de l’Homme

Nous sommes au début du roman, 3 millions d’années dans le temps. Dans la savane africaine, Un groupe d’hominidés (les « Hommes-Lunes ») lutte pour sa survie dans un environnement hostile. La nourriture manque atrocement, la famine manque de les tuer tous, les prédateurs sont nombreux, et un groupe rival les chasse de leur point d’eau. La situation est dramatique. 

Mais un jour, un mystérieux monolithe noir apparaît. Ce n’est pas un objet naturel, mais une construction artificielle, laissée par une civilisation extraterrestre, mais ça, les hominidés qui vivent sur place ne le savent bien évidemment pas. Le monolithe éveille la conscience d’un d'entre eux, Moon-Watcher, "le chef du groupe qui découvre l’usage d’un os comme arme. Cette invention marque le début de l’intelligence humaine, mais aussi de la violence consciente : Moon-Watcher va utiliser son nouvel outil pour tuer le chef du clan rival, mais aussi les animaux et pouvoir donner enfin à manger tous les jours à son groupe.

Mystérieusement, Le monolithe disparait. Mais il a éveillé d'autre chose chez Moon-Watcher que la violence. Il a éveillé une sorte de conscience et de réflexion...

TMA-1

Nous sommes à présent en 1999. Le docteur Heywood Floyd voyage vers la Lune pour enquêter sur une découverte top secrète qui a eu lieu dans le cratère Tycho : il s'agit d'un mystérieux monolithe enfoui sous la surface, baptisé TMA-1 (Tycho Magnetic Anomaly 1).

Ce monolithe, identique à celui vu dans la première partie, est enterré depuis 4 millions d’années sur la lune, soit 1 million d'années antérieur à celui de la Terre. Lorsqu’il est exposé à la lumière du Soleil pour la première fois depuis des millénaires, les scientifique se rendent compte qu'il émet un puissant signal radio en direction de Japet, une lune de Saturne. Le monolithe semble être une sorte de balise, laissée là pour avertir ses créateurs que l’humanité a atteint un certain niveau d’évolution qui l'a amené à découvrir les prémices du voyage spatial.

Mission vers Saturne

En 2001, le vaisseau Discovery One part donc en mission vers Japet. À bord se trouvent deux astronautes éveillés (David Bowman et Frank Poole). Il y a aussi trois scientifiques en hibernation, et HAL 9000, une intelligence artificielle qui gère les systèmes du vaisseau.

HAL est présenté comme infaillible, mais il commence à manifester des signes de dysfonctionnement. Il annonce en effet une défaillance imminente d’un module, qui s’avère finalement fausse. Poole et Bowman décident alors de le déconnecter d'autant que l'erreur s'est reproduite. Pour se protéger, HAL va alors éliminer Frank Poole en le projetant dans l’espace, puis va tuer les scientifiques en hibernation.

Bowman parvient à désactiver HAL au terme d’une lutte intense et Il reste dès lors seul à bord du Discovery

Partie 4 : Japet

Bowman va atteindre Japet quelques semaines plus tard et va découvrir un gigantesque monolithe en orbite autour de la lune de Saturne. Celui-ci est bien plus imposant que les précédents et lorsqu’il va s’en approcher à bord d’un module, il va se retrouver aspiré dans un tunnel de lumière :  un trou de ver ou une sorte de portail spatial.

Partie 5 : Au-delà de l’Infini

Bowman traverse alors une série d’environnements visuels étranges — un voyage hallucinant à travers l’espace et le temps où il va voir l'univers, mais aussi un spatioport extraterrestre, des images d'une beauté infinie. Il se retrouve ensuite dans une sorte de chambre artificielle, recréée à partir de décors humains, avec une télé qui émet d'anciennes émissions terriennes et où le temps semble se déformer. Bowman va alors vieillir rapidement, et juste avant de mourir, il va voit le monolithe une dernière fois.

Le monolithe agit alors comme un catalyseur de transformation : Bowman renaît sous une nouvelle forme, celle d’un Enfant-Étoile, une entité surhumaine et consciente, libérée des contraintes physiques.

Partie 6 : Retour sur Terre

L’Enfant-Étoile revient sur Terre et contemple l’humanité. Il n’est plus David Bowman, mais une entité supérieure capable de manipuler la matière et l’énergie. Le roman se termine sur cette vision ambiguë : l’évolution humaine n’est pas terminée, et les créateurs du monolithe veillent toujours.

 

Le monolithe  

1. Un Symbole de la science 

Le monolithe est une construction artificielle parfaite : un bloc noir, lisse, aux dimensions précises (1:4:9). Ce rapport correspond aux carrés des trois premiers entiers (1² : 2² : 3²), suggérant une intention mathématique, donc une intelligence ordonnée, supérieure, étrangère à l’humanité.

Il représente une technologie si avancée qu’elle semble magique, rejoignant l’adage de Clarke :
« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. »

2. Un Symbole de l’évolution intellectuelle

Chaque apparition du monolithe va marquer une transition évolutive chez l'homme :

  •  À l’Aube de l’Humanité : il déclenche l’utilisation d’outils et la naissance de la conscience qui va conduire à la naissance de la civilisation.

  • Sur la Lune : il déclenche un signal vers Japet amenant l'homme qui a découvert le voyage spatial à explorer son environnement et à passer le stade suivant de l'évolution. 

  • Autour de Japet : le monolithe ouvre un passage vers un nouvel état supérieur de conscience, celui de la transcendance.

L'intention d'Arthur C.Clarke dans son livre, est donc de signifier ici que le monolithe sert non seulement de balise mais aussi de déclencheur évolutif. Sa manière à lui de donner une explication, si on reprend l'histoire de l'humanité, de démontrer la possibilité que l'humanité doit ce qu'elle est aujourd'hui à une intelligence extraterrestre qui aurait à différents moments de notre histoire impulsé un palier d'évolution à l'homme. L'idée est intéressante d'autant que les scientifiques sont toujours à la recherche de l'élément qui a amené l'homme à faire des bonds d'évolution tout d'un coup sans que rien ne vienne expliquer le pourquoi de ce bond soudain comme la révolution technique et la soudaine complexification des outils employés par nos lointains ancêtres.  

3. Un Symbole quasi religieux

Le monolithe agit sans mot, sans contact, comme un artefact sacré. Il est observé avec révérence, et les effets qu’il produit sont incompréhensibles pour ceux qui le rencontrent. Il prend ici la forme d’un archétype mystique :

  • C'est une relique, mais  extraterrestre ;

  • C'est aussi un vecteur de transcendance (tel un ange annonciateur)  

  • Et c'est un  artefact de l’éveil (comme la pomme du Jardin d’Éden, mais technologique).

Le monolithe est dans ce livre non pas la main d'un Dieu au visage humain, mais la main invisible d’un Dieu qui serait scientifique.

4. C'est aussi un Symbole de la communication interespèces

Lorsqu’il émet un signal depuis la Lune, le monolithe joue un rôle de capteur : il détecte que l’humanité a acquis la technologie nécessaire pour le déterrer — preuve qu’elle est prête pour l’étape suivante.

Le monolithe n’est ni message ni messager, c'est un intermédiaire silencieux.

5. C'est aussi et surtout le Symbole du seuil

Le monolithe est toujours situé à des points de rupture :

  • Entre l’animal et l’homme (dans la savane) avec l'hominidé ;

  • Entre la Terre et l’espace (la Lune) pour le voyage spatial ;

  • Entre l’espace physique et l’espace transcendant (Japet) la préscience ;

  • Entre l’humain et l’Enfant-Étoile (chambre "hors du temps") avec l'éveil de la supraconscience.

Il est donc une porte entre deux états d’existence.

 

L' Origine du monolithe 

Dans les suites du roman (2010, 2061, 3001) que je vous invite à lire, car à mon sens, ils sont bien meilleurs que 2001 au niveau de la lecture j'entend, Clarke révèle que :

  • Les monolithes sont créés par une ancienne race d’êtres incorporels qui, dans le lointain passé, ont transcendé leur forme physique.

  • Leur objectif est de détecter et de favoriser des formes de vie prometteuses, puis de les pousser vers des bonds évolutifs majeurs.

  • Le monolithe devient donc une sonde-éducatrice, à la fois passive (en observation) et active (en intervention).

Le monolithe est une métaphore du mystère de la connaissance : à chaque fois qu’il apparaît, les êtres qui le rencontrent sont poussés à évoluer, sans jamais comprendre qui l’a placé là ou pourquoi. Il incarne le paradoxe d’une humanité qui progresse sans jamais tout comprendre de ce qui la guide.

 

QUI EST L’ENFANT-ÉTOILE ?

L’Enfant-Étoile (ou Star Child en anglais) est la forme finale de l’évolution de David Bowman dans 2001, l’Odyssée de l’espace

L’Enfant-Étoile est David Bowman transformé après avoir traversé le portail ouvert par le monolithe, près de Japet (Saturne dans le livre, Jupiter dans le film).

Il n’est plus un homme. Il est devenu une entité nouvelle, post-humaine, un être de conscience pure capable de percevoir et d’agir à des échelles qui dépassent la compréhension humaine.

 

CE QU’IL SYMBOLISE

1. Le stade final de l’évolution humaine

Dans la logique du roman, l’humanité est constamment poussée vers l’évolution :

  • L’hominidé devient Homo sapiens,

  • L’homme devient voyageur spatial,

  • Le voyageur devient l’Enfant-Étoile.

Bowman ne meurt pas : il mue, comme une chenille devenant papillon — un symbole de renaissance cosmique.

L’Enfant-Étoile est un être de pure pensée, d’énergie et de volonté. Il flotte autour de la Terre, observant l’humanité comme une conscience supérieure, mais sans hostilité.

C’est une figure de divinité nouvelle, ni humaine ni totalement extraterrestre. Il est l’union du biologique et du cosmique.

Clarke insiste sur le paradoxe du visage d’un nouveau-né et d’un pouvoir illimité. L’Enfant-Étoile est innocent mais surhumain, potentiellement capable de contrôler la matière et l’énergie.

Dans la dernière scène du roman, il détruit un satellite nucléaire en orbite autour de la Terre — non par violence, mais par volonté pacifique, comme un acte d’équilibre cosmique.

 

DANS LES SUITES DE CLARKE

Dans 2010 : Odyssée deux (et les livres suivants), l’Enfant-Étoile est nommé explicitement comme David Bowman, et il continue à interagir avec le monde physique. Il apparaît à Floyd, communique avec HAL, et agit en guide silencieux.

Clarke le présente comme une conscience fusionnée à l’intelligence cosmique des monolithes, capable d’influencer la matière et de modeler l’avenir.

L’Enfant-Étoile est l’un des grands archétypes de la SF spirituelle, une réponse poétique à la question :
"Et après l’humanité, quoi ?"

Vous n'avez rien compris à 2001, et c'est normal (L'odyssée de l'espace - Le livre)

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