15 Mars 2020
Résumé : vers l’an mille : la fille d’Erik le Rouge met cap au sud.
1492 : Colomb ne découvre pas l’Amérique.
1531 : les Incas envahissent l’Europe.
À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être ?
Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l’histoire du monde est à refaire.
Auteur : Laurent Binet
Nombre de pages : 384
Edition : Grasset
Collection : 01
Date de parution : 14 août 2019
Prix : 22€ (Broché) - 15.99€ (epub, mobi) - 22.90€ (cd) - 0€ (audible)
ISBN : 978-2246813095
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Et si ?
Et si les Scandinaves n'avaient pas fait machine arrière et n'étaient pas rentrés en Norvège ?
Et si Christophe Colomb était tombé sur des indigènes qui avaient massacré son équipage ?
Que serait devenue l'histoire que nous connaissons aujourd'hui ?
C'est la question que pose Laurent Binet avec ce roman et à laquelle il tente de proposer une réponse.
Grand prix du Roman de l'Académie Française en 2019, le livre de Laurent Binet est incontestablement bien écrit du point de vue littéraire. La plume est belle, mais peut-être trop pour que le lecteur puisse s'y plonger totalement et adhérer à son contenu et à son postulat. Pas de dialogues, et peu d'actions dans ces pages qui semblent bien longues à parcourir. L'auteur, qui aime revisiter l'histoire nous offre ici un opus bien terne. On s'ennuie ferme passé le quart du livre.
Certes l'idée de départ est intéressante et donne envie de se plonger dans ce roman. Revisiter l'histoire de l'Europe et se demander comment celle-ci aurait évolué si Christophe Colomb avait péri en arrivant aux Amériques et avait entraîné par ricochet l'émergence de la conquête du vieux continent par des Amérindiens en proie aux guerres fratricides.
Car il s'agit ici finalement de cela. Christophe Colomb a échoué à Cipango et les Incas, par l'intermédiaire d'un roi mis à la porte par son frère, prend la route à bord des caravelles du Génois et vient s'échouer sur les côtes du Portugal. Là, l'Inca et les deux cents hommes qui l'accompagnent tombent sur une ville quasiment vidée de ses habitants à cause d'un tremblement de terre. Ils poursuivent leur quête vers la Castille, puis Tolède, avant d'être présentés à la reine Isabelle qui veut les convertir. Prenant la fuite, ils massacrent au passage presque tous les gardes de la cité, accueillent avec eux un certain Pizzaro, marchent sur Salamanque à la rencontre de Charles Quint, qu'ils capturent puis tuent.
Atahulpa, leur roi se pose alors en libérateur, fait venir de l'or des Amériques, baisse les impôts, impose une certaine égalité des droits, une liberté du culte sous l'égide du Dieu Soleil qui accueille juifs, chrétiens, musulmans sous une même bannière. Mais le neveu de Charles Quint, Ferdinand, menace et Atahulpa se ligue avec François 1er et Soloman le Magnifique contre lui et décide d'aller voir en Europe du Nord de quoi il en retourne. Tout va de nouveau se retrouver chamboulé quand son frère décide à son tour d'accoster les terres portugaises.
Bref, vous l'aurez compris, ce livre fourmille de faits contrariés et réécris les évènements pour nous en délivrer d'autres possibles. Si j'ai globalement aimé la première partie du livre avec l'histoire de la Scandinave Freydis parcourant Cuba, puis Panama pour finalement s'échouer en Amérique du sud et donner naissance à un enfant qui lui-même laissera à ses descendants la couleur des cheveux roux dont seront affublés certains incas, je me suis franchement ennuyé pour le reste. Ce livre m'a paru foncièrement long, interminable, mal construit, improbable comme si l'auteur avait fini par se perdre lui-même dans son récit, tentant de raccrocher tant bien que mal à son postulat de départ. Un sentiment de brouillon arrive même passé la seconde moitié du livre.
Bon, peut-être que le manque de dialogues, d'actions, sont pour quelque chose dans mon ennui littéraire, mais sincèrement, je m'attendais à mieux pour ce roman qui a été l'un des plus vendus en 2019.
Alors, ce Civilizations est-il un livre à conseiller à autrui ? Pour moi, ce sera définitivement, non.
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Critique du livre "Civilizations" de Laurent Binet - www.audetourdunlivre.com
PREMIÈRE PARTIE
La saga de Freydis Eriksdottir
Il y avait une femme qui s’appelait Aude la Très-Sage, fille de Ketill au nez plat, qui avait été reine. C’était la veuve d’Olaf le Blanc, roi-guerrier d’Irlande.
À la mort de son époux, elle était venue dans les Hébrides et jusqu’en Écosse où son fils, Thorstein le Rouge, devint roi à son tour, puis les Scots le trahirent et il périt dans une bataille.
Quand elle connut la mort de son fils, Aude prit la mer avec vingt hommes libres et partit en Islande où elle colonisa les territoires situés entre la rivière du Déjeuner et celle du Saut de Skrauma.
Arrivèrent avec elle beaucoup de nobles hommes qui avaient été faits prisonniers lors d’expéditions vikings à l’ouest et que l’on disait esclaves.
Il y avait un homme nommé Thorvald qui avait quitté la Norvège pour cause de meurtre, avec son fils, Erik le Rouge. C’étaient des fermiers qui cultivaient la terre. Un jour, Eyjolf la Fiente, parent d’un voisin d’Erik, tua des esclaves de ce dernier parce qu’ils avaient provoqué un glissement de terrain. Erik tua Eyjolf la Fiente. Il tua aussi Harfn le Duelliste.
Alors il fut banni.
Il colonisa l’île aux Bœufs. Il prêta ses poutres à son voisin mais quand il vint les réclamer, celui-ci refusa de les rendre. Ils se battirent et d’autres hommes moururent. Il fut banni à nouveau par le thing de Thorsnes.
Il ne pouvait plus rester en Islande et ne pouvait pas rentrer en Norvège. C’est pourquoi il choisit de voguer vers le pays qu’avait aperçu le fils d’Ulf la Corneille, un jour que celui-ci avait été dérouté vers l’ouest. Il baptisa ce pays Groenland, car il dit que les gens auraient fort envie d’y aller si ce pays portait un beau nom.
Il épousa Thjodhild, petite-fille de Thörbjorg Poitrine de Knörr, avec qui il eut plusieurs fils. Mais il eut aussi une fille d’une autre femme. Elle s’appelait Freydis.
Sur la mère de Freydis, nous ne savons rien. Mais Freydis, comme ses frères, avait hérité de son père Erik le goût des voyages. Aussi embarqua-t-elle sur le bateau que son demi-frère, Leif le Chanceux, avait prêté à Thorfinn Karlsefni pour que celui-ci retrouve le chemin du Vinland.
Ils voyagèrent vers l’ouest. Ils firent étape au Markland, puis ils atteignirent le Vinland, et retrouvèrent le campement que Leif Eriksson avait laissé derrière lui.
Le pays leur parut beau et boisé, les forêts étant à peu de distance de la mer, avec des sables blancs le long des côtes. Il y avait là beaucoup d’îles et de hauts-fonds. Le jour et la nuit étaient de longueur plus égale qu’au Groenland ou en Islande.
Mais il y avait aussi des Skraelings qui ressemblaient à des trolls de petite taille. Ce n’était pas des Unipèdes comme on le leur avait raconté mais ils avaient la peau foncée et aimaient les étoffes de couleur rouge. Les Groenlandais leur échangèrent celles qu’ils possédaient contre des peaux de bête. On commerça. Mais un jour, un taureau mugissant qui appartenait à Karlsefni s’échappa de son enclos et effraya les Skraelings. Alors ils attaquèrent le campement et les hommes de Karlsefni auraient été mis en déroute si Freydis, furieuse de les voir fuir, n’avait ramassé une épée pour se porter au-devant des assaillants. Elle déchira sa chemise et se frappa les seins du plat de l’épée en insultant les Skraelings. Elle était dans une fureur démente et elle maudissait ses compagnons pour leur lâcheté. Alors les Groenlandais eurent honte et firent demi-tour, et les Skraelings, effrayés par la vision de cette créature plantureuse, hors d’elle-même, se débandèrent.
Freydis était enceinte et avait mauvais caractère. Elle se brouilla avec deux frères qui étaient ses associés. Comme elle voulait s’approprier leur bateau qui était plus grand que le sien, elle ordonna à son mari Thorvard de les tuer, ainsi que leurs hommes, ce qui fut fait. Freydis tua leurs femmes avec une hache.
L’hiver avait passé et l’été approchait. Mais Freydis n’osa pas rentrer au Groenland car elle craignait la colère de son frère Leif, quand il saurait qu’elle s’était rendue coupable de meurtre. Cependant, elle sentait que désormais on se défiait d’elle et qu’elle n’était plus la bienvenue au campement. Elle équipa le bateau des deux frères, puis embarqua avec son mari, quelques hommes, du bétail et des chevaux. Ceux de la petite colonie qui restaient au Vinland furent soulagés de son départ. Mais avant de reprendre la mer, elle leur dit : « Moi, Freydis Eriksdottir, je jure que je reviendrai. »
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