23 Février 2020
Résumé : Marc Tanzi est un voyageur et photographe par passion. Il aime à mettre en valeur l'histoire et le patrimoine que les hommes ont transmis.
Auteur : Marc Tanzi
Nombre de pages : 156
Édition : Entreprendre éditions
Date de parution : 17 novembre 2018
Prix : 25€
ISBN : 978-2900696149
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Le livre est divisé en 2 parties. La première est constituée du récit d’un explorateur niçois du XIXème siècle, Joseph-Amédée Laugier. Parti de Nice, il va parcourir l’Éthiopie à dos de dromadaire jusqu’à la ville de Harar. La deuxième partie est, elle, constituée de photographies des paysages et des peuples que l’explorateur a pu croiser au cours de son périple.
L’idée de confronter ce texte d’explorateur avec des photos contemporaines est vraiment pertinente. Les deux parties se complètent et permettent de s’immerger dans ces paysages de fin du monde.
On traverse ainsi un désert de sel, si plat que lorsqu’il y pleut, des lacs entiers se forment qui ne sont profond que de quelques centimètre. Puis une zone volcanique, alternance de paysage de cendres et d’autres où explosent les couleurs. Et dans ces contrées où tout semble hostile à l’être humain et où il n’y a quasiment pas de ressources naturelles, de rares habitants arrivent à vivre dignement malgré un dénuement total.
Il y a ensuite l’arrivée à Harar, ville qui à l’époque était interdite aux non musulmans, mais dans laquelle notre explorateur parvient malgré tout à pénétrer grâce à la complicité de son jeune guide, Amir.
Les photos ne sont pas en regard du texte, mais dans la deuxième partie du livre. Il faut donc faire de nombreux aller-retours entre les deux parties si on veut aller vérifier de visu ce que raconte l’explorateur. Ce petit exercice n’est pas gênant et permet au contraire d’imaginer le paysage avant d’aller le découvrir de l’autre côté du livre.
Le récit se lit facilement, il n’y a pas de longueur, le texte est simple et agréable. Tout au plus peut-on reprocher à l’explorateur un fort chauvinisme niçois – rappelons qu’à l’époque Nice n’était pas encore en France – à moins que ce chauvinisme ne soit malicieusement né sous la plume de l’auteur, Marc Tanzi, Niçois lui aussi. Car on peut douter de l’authenticité du texte de l’explorateur : une recherche sur Google est infructueuse et ses propos humanistes semblent plus issus du XIXème siècle que du XXIème…
Quoi qu’il en soit, ce livre est un vrai dépaysement, à lire au cœur de l’hiver pour se remonter le moral.
Sur le site de l’auteur - https://marctanzi-photographie.com/ - on pourra retrouver, entre autres, les photos du livre. Je conseille fortement d’aller y jeter un coup d’œil car même si les reproductions photographiques sont de bonne qualité, le format du livre, A5 à l’italienne, est parfois un peu juste. Voir ces photos sur un grand écran lumineux leur rendra vraiment justice.
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Ethiopie de sel et de cendres, de Marc Tanzy - Evil.g - "audetourdunlivre.com"
Nous avons abandonné la platitude salée pour nous diriger toujours en direction du Sud vers des paysages qui ne sont que d’autres variations de l‘enfer. Nous passons du sel blanc à la lave noire, épandue à l‘infini en vastes champs d’éructations basaltiques. Entre les blocs de lave, apparaissent quelques dunes de sable ou bien des flaques d’eau dues aux précédentes pluies qui n’ont pas encore été absorbées par le sol assoiffé. Nous laissons nos dromadaires se désaltérer abondamment.
La poussière, présente dans l’air m’oblige à utiliser mon turban comme un filtre, mais les larmes provoquées par l’irritation sont la seule protection de mes yeux. Des tornades de sable apparaissent soudainement et s’élèvent dans les airs, se déplaçant lentement avant de disparaître sans que le vent ne perde de son intensité. Nous longeons de modestes huttes construites de branchages, mais non encore recouvertes de leur protection végétale habituelle. Elles ne peuvent donc offrir aucune protection à ces vents agressifs.
Je n’avais pas imaginé rencontrer de peuples vivant au milieu d’un désert salé. La rencontre de ces cueilleurs de sel m’a prouvé que l’homme est capable d’une grande adaptation. La présence de huttes, ici, laisse supposer que des humains sont établis dans ce milieu inhospitalier d’un autre type. Quels pauvres hères sont donc condamnés à y vivre ?
Avançant entre les dromadaires pour nous protéger du vent, nous apercevons à peu de distance, un troupeau d’une vingtaine d’autruches arrachant avec délectation de maigres herbes jaunes desséchées. Elles ne fuient pas, notre odeur doit avoir été masquée par celle de nos bêtes de bât, à moins qu’elle ne soit devenue similaire ! Nos pas s’étirent dans une plaine recouverte d’une croûte sèche comme celle d’un pain oublié dans un four.
Sans raison apparente, mes compagnons s’animent et entament des discussions ponctuées de grands gestes et de rires tonitruants. A mes yeux, rien n’a changé dans le paysage qui puisse expliquer de tels débordements. C’est à ce moment que je vois au bord de la piste que nous suivons, des enfants venir vers nous en courant, se disputer la première place sur la ligne d’arrivée. Nous étions donc à proximité d’un campement, ce qui explique l’attitude joyeuse de mes caravaniers et de mon guide. Pieds nus et en haillons, les enfants ne voient pas tout de suite qu‘ils ont à faire à un étranger, mais lorsque leurs questions restent sans réponse, ils comprennent ma différence et sans l’assistance d’Amir, j’aurais fini nu tant ils voulaient toucher ma peau blanche et les poils de mes bras dont les adultes de leur race sont dépourvus.
Bien qu’ils ne manifestent aucune agressivité, leur immense curiosité me prive d’air. Mon répit survient avec notre arrivée au cœur d’un campement, grâce aux adultes qui, munis de lourds bâtons, font fuir les enfants, telle une nuée de moineaux piaillant.
]e suis pris en charge par deux patriarches du campement que je n’ose appeler village. Ils m’invitent à pénétrer dans une grande hutte, éclairée uniquement par l’ouverture par laquelle nous sommes entrés. Après quelques instants, je m’habitue à la pénombre et vois une rangée circulaire d’hommes tout autour de la construction. Des nattes recouvrent le sol. Un jeune homme vient avec un bassin et un broc et. d'un geste, me fait comprendre que je dois me laver les mains. Une fois l’opération achevée, un grand plat recouvert d’un couvercle de terre cuite m'est présenté et on me verse un breuvage dans un pichet d’argile. Je me sers des aliments offerts, céréales et modestes morceaux de chèvre et bois ce qui est une boisson fermentée à la saveur maltée et aigre. Le repas qui m‘a été offert doit être exceptionnel. Tout le monde s’est servi, et une fois le dîner achevé, on m’amène à une petite hutte qui allait être mon toit pour la nuit. Une calebasse emplie d‘eau est à ma disposition pour que je puisse effectuer une toilette rudimentaire. Cette eau si précieuse doit m’être offerte comme un présent royal. le connais la rigueur de nos habitats dans les montagnes du pays niçois, mais ce regroupement d‘âmes vivant dans de telles conditions frustes est pour moi un saut dans une époque que j’imaginais révolue partout sur terre. Il leur manque l’élément essentiel à la vie, l’eau, que nous avons pure et fraîche, en abondance dans nos torrents, alors qu’ils en sont réduits à utiliser des eaux de pluie qui croupissent au fil des jours. Leurs bâtisses sommaires sont légères et faites pour être transportées alors que nos lourdes maisons de pierre aux toitures de lauzes, de tuiles d’argile ou de bardeaux de mélèze sont destinées à abriter des générations successives d’une même famille. L’habitat d’une société humaine reflète-t-il sa croyance en une permanence ou en un passage éphémère sur cette terre ?
De même que nos villages se sont développé autour d’un lieu de culte, rassembleur et central, les Afars disposent leurs huttes sans arrangement particulier, isolées les unes des autres, plus proches de leurs troupeaux de chèvres que de leurs semblables. Ici non p1us,pas de points d’eau autour duquel la vie s’organise, pas de lieu de réunion. L’homme, sur ces terres ingrates, maudites, n’a pas d’autre choix que d’économiser l’essentiel, son eau, sa nourriture, jusqu’à son souffle.
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