Le Reich de la Lune, de Johanna Sinisalo

Résumé : Après le suicide de Hitler, quelques dignitaires nazis sont parvenus à rejoindre un complexe souterrain sur la Lune. Depuis, ils y ont reconstruit une véritable société, bien décidés à prendre leur revanche un jour. Lorsqu’ils découvrent un téléphone portable à bord d’une fusée qui alunit en 2018, ils sont persuadés que cette nouvelle technologie est la clef de leur victoire et envoient une délégation d’espions sur Terre.
Mais la mission part en vrille : la mondialisation et la révolution numérique sont passées par là et ces nazis “lunaires”, endoctrinés jusqu’à la moelle, découvrent que rien ne correspond à ce qu’ils ont appris en cours d’histoire…

Auteure : Johanna Sinisalo
Nombre de pages : 480
Éditeur : Babel
Date de parution : 2 octobre 2024
Prix : 23€ (Broché) - 9.90€ (poche) - 9.99€ (epub, mobi)
ISBN : ‎ 978-2330197391

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Avis / Critique :

Vous aimez les uchronies ? Vous vous souvenez de ce nanar devenu culte "Iron Sky" qui racontait l'histoire de Nazi sur la lune revenant sur Terre des décennies plus tard ? Alors, voici son pendant littéraire. Oui, car, pour une fois, ce n'est pas le film qui est tiré du livre, mais le livre qui s'inspire du film. C'est en effet ce qu'a fait Johanna Sinisalo, donnant ici l'occasion de mieux se mettre dans la peau de Renate Richter, la narratrice du roman.

La lune.
Après la fin de la seconde Guerre Mondiale, plusieurs nazis ont fui vers leur base dans l’Antarctique avant de gagner à bord de soucoupes volantes, le satellite terrien : la Lune. Là, les nazis y ont bâti une base qu'ils ont nommée Schwarze Sonne (Soleil noir). Près de 30 ans ont passé depuis la guerre et la deuxième génération, puis troisième, a vu le jour, ne connaissant de la Terre que ce que le nouveau Reich leur inculque. Heureusement, pour cela, il y a les bases de données sauvées de la destruction. Dans ce roman, nous suivons Renate qui relate ce qu'elle a vécu dans son journal intime dont elle relit les pages des années plus tard, alors qu'elle vient de fêter ses cinquante-deux ans.
Le gouvernement est nommé le Mondreich. Sur la lune, tout est fait à base de chanvre : les uniformes, la nourriture, le papier. Sur la lune, il y a l'élite, mais il y a aussi les sous-hommes, une catégorie d'Allemands nés hors mariage essentiellement et qui ne sont donc pas pur. A eux, donc, les basses besognes à accomplir. Mais tout le monde a un rôle sur Schwarze Sonne : ingénieur, docteur, et surtout instituteur (ce que deviendra Renate par la suite, ce rôle revenant aux femmes qui ne peuvent être militaire ou chef). A l'âge adulte, il y a les mariages arrangés par une sélection et c'est ainsi que Renate va se retrouver liée à Klaus Adler, un nazi aux dents longues qui ne rêve que d'une chose : prendre le commandement de la Lune et envahir la Terre. Oui, car, même s'ils sont coupés de l’évolution culturelle et technologique de la Terre, ces descendants de nazis perpétuent un régime totalitaire rigide, avec pour seul objectif :  préparer méticuleusement leur revanche. Le tout sous l’œil d'Hitler dont le corps a été momifié et qui repose dans un sanctuaire sur la lune.

Mais figés en 1945, les nazis de la lune en sont encore à lire "Heidi", à visionner "Le dictateur" de Chaplin dont les images injurieuses contre Hitler ont été coupées, à voir les films allemands de Marlène Dietrich, à parcourir des microfilms. Tout juste parviennent-ils à espionner la Terre... du moins partiellement. Car, voilà qu'après être parvenu à se camoufler des américains qui ont envoyé une mission appelée "Apollo" sur la lune, une autre, elle, va avoir des conséquences plus terribles. En effet, des décennies plus tard, en 2018, une visite terrienne inattendue sur le sol lunaire va accélérer la mission d'infiltration et de préparation d'invasion des nazis sur Terre. En effet, sur James, l'astronaute noir américain qui est emprisonné, les nazis découvrent un téléphone portable, symbole d’une technologie qu’ils ne maîtrisent pas. Convaincus, que cet outil est la clé de leur suprématie militaire, James est alors "reconditionné", c'est-à-dire que les nazis le transforme en blond aux yeux bleus avec la peau blanche et le renvoie en compagnie de Klaus Adler et de Renate (qui s'est infiltrée dans la fusée) sur terre.

Mais le séjour sur Terre va être semé de péripéties en découvrant notamment ce qu'est le monde moderne, la nourriture qui rend les gens obèses, la télévision, le numérique, et les réseaux sociaux. Les ambitions et la rigueur de Klaus vont se nourrir de ce que peut offrir la planète bleue, alors qu'il devient l'objet de propagande d'une campagne présidentielle où la suprématie blanche est plus que d'actualité pendant que les certitudes de Renate, elles, vont finir par voler en éclats.  

Mon avis

Johanna Sinisalo ,qui est une écrivaine finlandaise, s'inspire donc du film Iron Sky auquel elle a participé en co-écrivant le scénario pour élargir sa pensée et étoffer sa vision dans ce livre. On retrouve donc dans ce roman le côté satyrique et la critique sociale qui ont fait les belles heures de ce nanar devenu culte. Ici, ce qui est intéressant, c'est le décalage entre la vie des nazis sur la lune, toujours ancré dans leur système tiré des années 40 et la réalité moderne qui s'impose à eux via James tout d'abord, puis la Terre. A travers l'ignorance des Nazis sur les avancées technologiques et culturelles, l'autrice pointe les dérives de notre société actuelle : l'endoctrinement, la perte de liberté, la démocratie à géométrie variable, la manipulation des masses et le rôle des réseaux sociaux dans la vie de chacun, mais aussi des politiques.

Ce sont donc les ressentis, les confrontations, les explorations de Renate qui nous permettent de nous faire découvrir cette dichotomie entre ces deux mondes. C'est donc aussi une manière pour Johanna Sinisalo de dénoncer les dérives de deux systèmes : celui des nazis, mais également le nôtre sous la forme de l'ironie.

Mais si cette confrontation est intéressante, il y a aussi beaucoup de problèmes à mon sens dans ce roman. Tout d'abord, les personnages. Hormis celui de Renate qui est très creusé, les autres sont sous-développés. Le rythme est également très inégal. J'ai beaucoup aimé tout ce qui a trait à la vie sur la lune, comment les gens s'y sont adaptés, leur société. J'ai vraiment beaucoup moins aimé la seconde partie quand Klaus Adler et Renate viennent sur Terre. D'abord, parce que le rythme est plus lent, les éléments sont, à mon sens, moins captivants. Ce livre souffre également du peu de dialogue. Ceux-ci sont quasi inexistants. Nous ne sommes que dans le récit de Renate et il faut le dire, la lecture est longue, très longue.

Conclusion

Une satire intéressante entre deux mondes qui s'entrechoquent. Une uchronie originale avec des thématiques profondes, une écriture pleine de réflexion, mais un oubli dans l'élaboration profonde des divers personnages et surtout beaucoup de longueurs. C'est long, parfois trop long.

 Une lecture donc en demi-teinte pour ce "Le Reich de la lune". Peut-être vaut-il mieux d'abord voir le film avant de lire le livre.

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