6 Août 2023
Résumé : Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se confier et se réchauffer dans sa loge. Avec la petite équipe de fossoyeurs et le jeune curé, elle forme une famille décalée. Mais quels événements ont mené Violette dans cet univers où le tragique et le cocasse s’entremêlent ?
Auteure : Valérie Perrin
Nombre de pages : 672
Édition : Le Livre de Poche
Date de parution : 24 avril 2019
Prix : 22.50€ (Broché) - 9.20€ (poche) - 8.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2253238027
L'histoire se concentre sur Violette Toussaint, gardienne de cimetière, qui mène une existence solitaire et mystérieuse en Bourgogne après avoir été durant plusieurs années, garde-barrière. Elle est l'épouse d'un homme qui la trompe, file sur sa moto dès qu'il le peut, joue à la Playstation pour passer le temps, laisse sa femme faire vivre le foyer, un père aimant mais pas très attentif, et surtout un homme qui s'enfuit un jour pour ne plus jamais revenir.
La vie de Violette bascule lorsqu'un jour, Julien Seul, un homme énigmatique et attachant, entre dans sa vie et l'invite à dévoiler les secrets enfouis de son passé au travers du journal de sa mère. Par le biais de cette rencontre, Valérie Perrin tisse son récit où chaque personnage va se retrouver d'une manière ou d'une autre lié par des destins entremêlés, créant ainsi une trame narrative riche et captivante.
Chacun des personnages est construit avec une profondeur psychologique qui les rend extrêmement réels et attachants, voire parfois même détestable à l'instar des parents. Violette, elle, est une héroïne à la fois vulnérable et forte, dont le parcours de vie tumultueux nous touche droit au cœur, de sa vie d'enfant en foyer jusqu'à sa vie de femme mariée, de mère, puis de femme délaissée. Violette qui nous parait intemporelle, tant on a du mal à lui donner un âge, à l'imaginer physiquement, qui nous semble s'être figée dans les années 70 alors que le roman se déroule sur une période allant de 1985 à 2017. On ressent la même chose avec les autres personnages. Un air d'époque désuète recouvre ce roman tel un voile de brume.
D'ailleurs, cette plongée tantôt dans le passé, tantôt dans le présent nous permet de mieux comprendre les motivations et les blessures de chaque personnage, tout en nous offrant des révélations inattendues.
Au-delà de l'intrigue, "Changer l'eau des fleurs" aborde des thèmes universels et profonds tels que la mort, le deuil, la mémoire et la quête de rédemption. Valérie Perrin nous pousse à réfléchir sur la fragilité de la vie et l'importance de laisser perdurer les souvenirs de ceux qui nous ont quittés.
Sa plume est très belle. Ses descriptions des paysages et des émotions nous transportent dans un univers à la fois poétique et réaliste. Les mots semblent danser sur les pages.
On trouve cependant au cours de la lecture un rythme narratif qui peut se montrer parfois un peu lent, ce qui amènera certains lecteurs à lâcher le livre pour y revenir ensuite par petites touches. Les personnages et leurs histoires entrelacées pourraient également sembler complexes, nécessitant une attention soutenue. Ensuite, la longueur du livre : 672 pages pourraient en rebuter certains.
En conclusion, "Changer l'eau des fleurs" est un roman d'une profondeur émotionnelle rare, une ode à la vie, à l'amour et à la mémoire écrit sur un rythme lancinant mais avec une très belle plume. Valérie Perrin nous offre un bonbon littéraire que l'on suce lentement pour mieux le garder en bouche. Un roman qui fait du bien à l'âme.
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Julien Seul est venu me chercher à l'hôpital. Nous avons roulé en silence. Il a repris la route pour Marseille tout de suite après m'avoir déposée devant chez moi. Le commissaire Seul m'a dit qu'il reviendrait vite. Il a pris ma main droite et a déposé un baiser dessus. C'était le deuxième depuis que nous nous connaissons.
Je suis rentrée dans mon cimetière avec une ordonnance de fortifiants et de vitamine D. Et des résultats d'examens qui étaient bons. Eliane m'attendait sur le perron. A la maison, Elvis, Gaston et Nono m'attendaient aussi. La femme de Gaston m'avait préparé un plat à faire réchauffer. Ils se sont gentiment moqués de moi parce que j'étais tombée dans les vapes en voyant un mort et que "pour une gardienne de cimetière, ça, c'est un comble."
J'ai demandé des nouvelles du mort comme on demande des nouvelles d'un collègue parti en retraite. Le corps de "l'inconnu à la moto" avait été emmené à Mâcon. Personne ne savait de qui il s'agissait. Sa moto n'était pas immatriculée et c'était un modèle courant dont le numéro de série avait été effacé. Sans doute un moto volée. La police avait lancé un avis de recherche.
Nono m'a montré l'article dans le Journal de Saône-en-Loire titré : "Virage maudit".
On parle d'un tragique accident à l'endroit où Reine Ducha a trouvé la mort en 1982. Le motard n'avait pas attaché son casque et roulait à vive allure. Il a été défiguré. C'est ce qui ne permet pas de faire de photographie pour l'identification mais un portrait-robot".
Je regarde le portrait-robot qui a été crayonné. Philippe Toussaint est méconnaissable. En légende, on peut lire : "Homme d'environ cinquante-cinq ans, peau claire, cheveux châtains, yeux bleus, 1.88 mètre, sans tatouage ni signe distinctif. Pas de bijou. Tee-shirt de marque Levi's. Bottes noires et blouson en cuir noir de marque Furygan. Pour tout renseignement, se présenter au commissariat le plus proche ou composer le 17 (police secours et gendarmerie)".
Qui va le rechercher ? Françoise Pelletier, j'imagine. Avait-il des amis à part elle ? Quand nous vivions ensemble, il avait des maitresses mais pas d'amis. Deux ou trois copains motards à Charleville et à Malgrange. Et des parents. Mais ses parents sont morts à présent.
Je ne m'attarde pas sur les pages du journal. Je monte dans ma chambre pour me doucher et me changer. En ouvrant ma penderie été et hiver, je me demande si je mets ma robe rose sous mon imperméable, ou si j'enfile une robe noire. Je suis veuve et personne ne le sait.
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