29 Juin 2015
Résumé :
Pourquoi Sade qui fut, au dire même de ses hagiographes, coupable de séquestrations, de viols en réunion, de menaces de mort, de traitements inhumains et dégradants, de tortures, de tentatives d'empoisonnement, fut-il porté aux nues par l'intelligentsia française pendant tout le XXe siècle ? De Breton à Bataille, de Barthes à Lacan, de Deleuze à Sollers, tous ont vu en lui un philosophe visionnaire, défenseur des libertés, un féministe victime de tous les régimes?
Auteur : Michel Onfray
Nombre de pages : 180
Editeur : Editions autrement
Date de parution : Août 2014
Prix : 13 euros en broché - 9.99 euros en epub
Avis / Critique :
Après Freud, voilà Sade qui tombe dans l'escarcelle de notre pourfendeur philosophe nouvelle génération, Michel Onfray.
Meurtrier, violeur, menteur, sadique (forcément), scatophile, nécrophile, coprophage, pédophile, érotomane, incapable de ressentir l'amour, l'émotion, piètre écrivain, voilà Donatien Alphonse de Sade rhabillé pour l'hiver mais aussi pour l'été. J'ôte volontairement le printemps et l'automne, je vous fais confiance pour les intégrer de vous-même dans la phrase.
A travers son essai de 180 pages, le sieur Onfray s'attaque donc à l'auteur de "Justine ou les malheurs de la vertu", de "Philosophie dans le boudoir", "Aline et Valcour" et j'en passe. Il dépeint ainsi notre homme en l'affligeant de toutes les caractéristiques du tueur en série. Sade, devient le Gilles de Rais de la fin du 18ème siècle. Il tue, il torture, il se repait de vices, de délices, devient subversif, débauché, pornographe, il se dérobe devant la loi, il retourne sa veste au gré du vent qui tourne, devient abolitionniste quand la mort rôde sous ses fenêtres et le menace, devient républicain quand la royauté tombe, bref, c'est un salaud !
Et pour une fois, oui, il n'est pas coutume, je serai presque de son avis. Sade n'est pas le béni oui-oui au portrait magnifiquement dressé par Apollinaire qui occulte la part sombre de l'écrivain emprisonné et le pare d'oripeaux fantasmatique édulcorant sa vraie nature d'enfoiré aux allures romantiques qui lui vaudront de passer 13 années à l'asile de Charenton.
Sade a tué, Sade a violé, Sade a brûlé, Sade a trompé son monde et porté le sadisme jusqu'à l'élaboration d'un art d'être, sublimant le caractère fou de la folie humaine à son summum et envoyant ad patres les pères symboliques jusqu'ici reconnus dans le domaine, Machiavel et Gilles de Rais.
Mais Sade fut aussi un écrivain de romans à clef, un philosophe d'une certaine philosophie de vie et l'auteur sulfureux d'une certaine manière d'être qui fut poussée à son extrème dans certains de ses écrits en montrant jusqu'où l'homme au sens général pourrait aller s'il laissait ses penchants les plus noirs s'emparer de lui. Sade, l'homme a-t-il lui-même expérimenté tout ce qu'il a écrit ? Personne n'en sera jamais rien hormis le principal protagoniste et comme celui-ci est mort... on ne retiendra donc que ces seules vérités : Sade était un pornographe, érotomane, menteur, profiteur, un passionné de la méchanceté au sens le plus poussé du terme et certainement un assassin.
Le sieur Onfray, malheureusement dans cet essai et comme il le fait à chaque fois, tel le chevalier pourfendeur dont il a endossé le rôle depuis plusieurs années, fait d'un trait, une généralité de la personne, prend des phrases, les malaxe, les recoupe avec d'autres, s'interesse à celles qui le servent et oublie d'en incorporer d'autres. Il se repète de chapitre en chapitre de sorte que l'on se demande parfois si ce que l'on est en train de lire n'est pas déjà ce que l'on a lu les pages précédentes. Le pire étant de délivrer une idée générale sur des personnes comme Bataille, Foucault, etc. qui ont cherché de leur côté à apporter une certaine vision du marquis et élaborer quelques pensées à ce sujet.
Un livre interessant, je le reconnais mais trop pourfendeur et dont l'oeil critique manque d'une certaine mesure dans sa diatribe et qui aurait mérité comme les précédents de proposer une synthèse plus juste.
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Extrait :
Sade, alors âgé de 23 ans, ramasse dans la rue une jeune ouvrière au chômage, enceinte, à qui il promet de l'argent, avant de la séquestrer, d'exiger ses faveurs sexuelles, de la menacer de mort et de multiplier les scènes scathologiques et anticléricales - se masturber sur les morceaux d'un crucifix brisé par ses soins, éjaculer dans un calice, fouiller le sexe avec les hosties, etc. ; l'affaire Rose Keller, donc le 3 avril 1768 ; l'affaire de Marseille, le jeudi 25 juin 1772, au cours de laquelle son valet Latour ramasse quatre jeunes prostitués que le marquis drogue à la cantharide avant de les sodomiser, de se faire lui-même "pédiquer" par son valet, puis "irrumer", autrement dit sucer..., par son domestique. L'aristocrate utilise un martinet dont les lanières portent des épingles et s'en fait frapper, puis frappe.
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