19 Avril 2016
Résumé :
Une petite fille, Olympe, veut courir avec les garçons du village qui la sèment près de la forêt. Elle découvre au pied d'un manguier une chauve-souris qu'elle emporte avec elle. Chez les Boutouls, société de guerriers et de chasseurs, les garçons rapportent le cadavre d'un énorme gorille qu'ils prétendent avoir tué. Transportée au village, la bête est dépecée et cuisinée, et tous les voisins sont invités à prendre part au festin...
Auteur : Paule Constant
Nombre de pages : 176
Editeur : Gallimard
Collection : Blanche
Date de parution : 3 mars 2016
Prix : 17.50 euros (Broché) - 12.99 euros (Broché)
Avis / Critique :
Afrique. Clan des Boutul. Situation du clan : près du fleuve Ebola.
Olympe est une jeune fille. Comme toutes les jeunes enfants, elle aime jouer, mais dans son clan, elle a ce statut de fille qui lui vaut d'être considérée moins qu'un garçon. Un jour, elle part néanmoins avec eux et sa tante, à la chasse. Là, elle trouve un bébé chauve-souris qu'elle ramène au village.
Elle nourrit ce bébé à la bouche. Contact.
De leur côté, les garçons ramènent un singe, un gorille mort dont ils disent qu'il était vivant quand ils l'ont tué.
Les garçons ont menti. Le singe était déjà mort depuis longtemps quand ils l'ont trouvé. En ces temps de disette, c'est une incroyable chance. Sa chair va permettre de nourrir le village pour une semaine. Pas de cérémonie de déshumanisation, mais un banquet gargantuesque.
Contact.
De l'autre côté, dans un dispensaire, se trouve Agrippine. Elle est médecin sans frontière et a tout plaqué pour se rendre en Afrique et aider les habitants. Près d'elle, des soeurs. Elles sont là pour aider les populations. Elles partent sur le fleuve Ebola et trouvent une petite fille... Olympe.
Contact.
Le titre, "Des chauves-souris, des singes et des hommes", dit tout du livre. Ce sont les agents contaminants de la nouvelle épidémie d'Ebola qui va se répandre.
Ce n'est pas un roman qui nous parle des effets de la maladie, mais bien des prémices de la contamination, comment elle se répand, quels en sont ses agents, comment elle agit.
L'auteur, Paule Constant, connaît son sujet. Elle a vécu longtemps en Afrique, et son mari est infectiologue. Le sujet qu'elle aborde dans son livre, on le sent, est parfaitement maitrisé.
Le lecteur est tout entier plongé dans la vie de ce dispensaire et de ce village d'Afrique. Ce sont les coutumes, les rites, les pensées, qui nous sont livrés sans fioriture sur un ton presque poétique alors que l'agent pathogène s'installe insidieusement. C'est un voyage le long du fleuve Ebola que l'on parcourt, une aventure humaine que l'on découvre. Les images s'installent dans notre esprit, les odeurs sont presque apparentes aussi.
C'est un roman à découvrir, tout en subtilité
Une belle découverte.
Extrait :
Dans la préhistoire de la médecine qui correspondait à l'enfance de Violaine et s'étendait encore sur celle de Virgile, dans une famille de médecins militaires, faute de connaître les agents pathogènes de l'affection de ses proches, on en cherchait comme dans les guerres les causes proches et lointaines, on désignait un ennemi et l'ennemi était presque toujours le malade. Virgile n'était pas fiévreux par la faute d'une bactérie résistante mais parce qu'il ne s'était pas assez couvert, qu'il avait caressé un chien, mangé trop ou pas assez, de lait, de légumes, de viande, de fromage. Le médecin-général faisait même un lien entre roquefort et acné. Par analogie et en dramatisant à l'extrême, quelques boutons sur le visage de l'adolescent renvoyaient aux cratères bleus du roquefort. Devant le plateau de fromages, scruté par son grand-père qui surveillait son choix en émettant un bourdonnement plus ou moins puissant selon que sa main s'écartait ou se rapprochait du roquefort, Virgile se sentait à la fois coupable et humilié comme un prisonnier entravé devant le procureur qui l'observe avant de lancer son réquisitoire. il gardait le silence face à l'autorité scientifique à la fois explosive et moralisatrice du Médecin-Général.
Cependant, bien avant l'acné et le roquefort, la coupable désignée était la mère. Pauvre Violaine, elle avait dû rendre des comptes sur tout : le froid, le chaud, le cuit, le cru... Pauvre mère dont le corps, bien après la grossesse, continuait de s'offrir à son rejeton comme la chenille s'immole au papillon pour le nourrir de sa propre substance. Violaine avait non seulement donné ses seins, son ventre et ses bras mais elle avait aussi offert sa bouche en guise de tétine. Elle avait surtout sacrifié son sommeil comme un navigateur solitaire sur son bateau toujours en alerte. Elle ne s'appartenait plus, son corps avait fondu dans celui de Virgile dont elle était désormais comptable de chaque désordre. Toute maladie, édictait le Médecin-Général en s'appuyant sur sa désastreuse expérience des gangrènes gazeuses, naît d'un transgression.
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