Au détour d'un livre

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Retour à Birkenau, de Ginette Kolinka

 

Résumé : "Moi-même je le raconte, je le vois, et je me dis c'est pas possible d'avoir survécu..."
Arrêtée par la Gestapo en mars 1944 à Avignon avec son père, son petit-frère de douze ans et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau : elle sera seule à en revenir, après avoir été transférée à Bergen-Belsen, Raguhn et Theresienstadt.
 

Auteure : Ginette Kolinka
Nombre de pages : 112
Édition : Grasset
Collection : Documents Français
Date de parution : 9 mai 219
Prix  : 13€ (Broché) - 8.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2246820703

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Avis / Critique :

 

16 avril 1944, elle arrive après trois jours de train sans voir le soleil dans le camp de concentration de Birkenau.
Cinquante-cinq ans plus tard, Ginette Kolinka retourne sur place et découvre un tout autre paysage que celui qu'elle a connu. Les champs boueux qui composaient les allées du camp sont remplies de fleurs, une joggeuse fait son footing là où des milliers de personnes sont mortes, les baraquements sont propres. Birkenau est devenu un décor pour touristes.
Ginette Kolinka décide en rentrant, après avoir reçue plusieurs demandes de journalistes de raconter son histoire à Marion Ruggieri, celle de son arrivée, celle de l'internement, celle de la souffrance, mais aussi celle de la résilience.
Ce livre fait parti du devoir de mémoire afin que personne n'oublie ce qui s'est passé et surtout pense que ça n'est jamais arrivé.

Ginette Kolinka raconte à travers un récit poignant, mais jamais en tombant dans le sensationnel cette période de sa vie. C'est cru, brut, sans ambages. Quand une femme demande à une "kapo" "On m'a dit de donner mon bébé à ma mère, je l'ai donné à ma mère, quand vais-je les revoir ?", celle-ci lui répond, un air mauvais sur le visage "Vous voyez la fumée, dehors ? Ils sont là ! Ce sont leurs corps, vos familles qu'on brûle !"
Ce livre, c'est l'arrivée au camps de Ginette Kolinka, la perte de son père et de son frère, la tête et le sexe rasés, le tatouage du matricule, aucune douche, un haillon comme vêtement, nue sous ce haillon, une ravine comme toilettes où on les emmène à heure fixe, des levés en pleine nuit avec les malades et les morts pour l'appel, les pous de corps, la crasse, une écuelle de café ou de soupe à se partager à quatre, un pain pour quatre jours en guise de repas, le travail dans la boue, les coups et la mort souvent au bout "Inutile d'aller à l'hôpital. Leur premier réflexe est de vous renvoyer, le deuxième de vous tuer".
Trop maigre ? C'est la chambre à gaz. Alors, il faut tenir coûte que coûte.
Voilà le quotidien dans ce camp qui fait 325 fois la taille d'un terrain de foot et où s'entassent alors 15000 prisonniers. 
En janvier 1945, les nazis quittent Auschwitz, les prisonniers aussi. 56 km dans le froid, puis le train sans eau ni nourriture durant sept jours avant la libération.
Ginette a 19 ans, pèse 26 kg...
Dans les camps d'extermination et de concentration, 6 000 000 de juifs sont morts, 250 000 à 5000 000 tziganes, 275 000 handicapés mentaux, 15 000 homosexuels, 150 000 slaves et noirs...

50 ans de silence avant de raconter son histoire, des années de dépression, l'oubli, puis la résilience voilà ce qu'il a fallu à Ginette Kolinka pour accepter ensuite de faire connaître ce pan de sa vie dans le bloc 27 situé à côté des chambres à gaz, la privation des droits des juifs au début de la guerre, puis la dénonciation, l'arrestation, son amitié avec sa voisine de camp, une certaine Simone Veil, et finalement le passage de ce récit aux élèves des classes de CM2 pour que les générations n'oublient pas.
Un témoignage poignant, formidable leçon de vie, de résilience.
A lire absolument.

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Extrait :

C’est étrange, les lycéens que j’accompagne dans les camps d’Auschwitz et de Birkenau depuis le début des années 2000, et même les plus petits, les élèves de CM2, à qui je raconte mon histoire dans les écoles qui m’en font la demande, me posent tout un tas de questions pertinentes, mais jamais sur ça, la faim. Alors que le camp, c’est la faim. Je crois même que c’était ma seule obsession.
Ils ne demandent jamais : « Que mangiez-vous ? »

Que demandent-ils ? « Avez-vous vu Hitler ? »

Il y a la question des règles aussi, parfois, juste avant la fin du cours : « Comment faisiez-vous ? » Je leur explique qu’on ne faisait pas. Plus personne n’avait ses règles. Était-ce la nourriture ? La peur ? Les conditions d’hygiène ? Certaines avaient encore leurs règles en arrivant. Je me souviens d’une fille qui les a eues pour la première fois au camp. Elle venait de la prison de Mont-Luc à Lyon. Je le redis, nous ne portions pas d’uniformes rayés, mais des vêtements déjà utilisés. À l’époque, toutes les robes, toutes les jupes, avaient une doublure. Elle s’est servie de sa doublure pour se protéger. C’est d’ailleurs ce que d’autres ont fait, au début, pour aller aux toilettes. Elles ont utilisé leur doublure.

Je creuse un fossé. Il pleut des cordes. Le sol est liquide. J’ai de la boue partout. Nous travaillons avec Simone, qui a gardé un peu de cheveux, comme moi. Il pleut tellement que même la kapo en a marre de se faire mouiller. Il n’y a pas de soldats, pas de baraque à proximité, elle nous autorise à nous mettre à l’abri, sous un mirador vide, et part s’abriter elle aussi, un peu plus loin. Je me souviens qu’il y a de la laine de verre par terre, cela doit drôlement gratter. Nous nous allongeons, Simone et moi, trempées et blotties pour tenter de nous réchauffer. Nous restons un instant comme ça, dans la vapeur de l’autre, et nous nous endormons. Combien de temps ? La pluie a cessé. La kapo, qui a la réputation d’être la plus hargneuse de toutes, nous tire de là et, soudain, tombe en extase devant Simone : « T’es trop belle, trop belle pour rester habillée comme ça, je vais t’apporter une robe. Et t’es trop belle pour rester ici, je vais te trouver un camp où ce sera moins dur pour toi. »

Simone lui répond qu’elle ne peut pas partir : « Ma mère et ma sœur sont avec moi. » Je m’attends à ce que la kapo la rabroue, lui dise que ce n’est pas son problème, qu’elle s’en fout, mais non, elle acquiesce : « Eh bien, tu pourras emmener ta mère et ta sœur avec toi ! » Elle doit en avoir, du pouvoir.

Comme promis, la kapo est revenue avec une robe que Simone a prise et m’a donnée. Pourquoi moi ? Je me suis souvent posé la question. Pourquoi ne l’a-t-elle pas offerte à sa mère ou à sa sœur ? Peut-être lui ai-je fait pitié ? J’avais assisté à toute la scène et la kapo ne m’avait pas remarquée. Il faut dire que je n’étais pas belle à voir, avec ma jupe et mon tricot. J’étais seule, dans mon coin, je ne connaissais personne, j’avais envoyé mon père et mon frère se faire tuer. Et Simone me fait cadeau d’une robe. Sans elle, je me serais sans doute laissée…

Perdre le moral, c’est précipiter la mort.

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