Les héroines du plaisir, de Judith Spinoza et de Raphael Turcat

Résumé : Elles sont jeunes, belles, étranges, charmantes, charmeuses et scandaleuses. Elles lorgnent les têtes couronnées, les personnalités en vue, les artistes en vogue, les hommes pleins aux as. On les appelle les "demi-mondaines" et elles traversent le XIXᵉ siècle comme leur destin : à la vitesse de la lumière, souvent tragiquement. Mais bien plus que de banales hétaïres, ces "grandes horizontales", ces "lionnes" font souffler un vent de modernité sur une époque où les cartes sociales se redistribuent au rythme de la révolution industrielle, de la transformation de Paris et des divers changements de régime. Libres et impétueuses, modestes de naissance et cependant ambitieuses de caractère, elles imposeront leur place dans une société figée et pèseront sur la condition de la femme.

Auteurs : Judith Spinoza et de Raphael Turcat
Nombre de pages : 336
Édition : Flammarion
Date de parution : 20 octobre 2021
Prix : 21€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2080236739

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Échapper à la fatalité de son sexe et surtout à la pauvreté. Pour cela, des femmes sont devenues ce qu'on a appelé de grandes horizontales, des prostituées de luxe pour lesquelles des grands de ce monde payaient des fortunes colossales rien que pour passer quelques heures en leur compagnie. A l'instar des influenceuses d'aujourd'hui, elles savaient faire leur publicité pour se faire connaitre, d'abord en s'exhibant au côté de leur protecteur, mais aussi en posant pour des photographies, futures cartes postales qui feront leur renommée et les inscriront dans la légende. On les surnommait, "Le plat du jour", "Mademoiselle Maximum", "La reine du demi-monde", "la diplomate allongée", "l'amazone du bois de Boulogne". Mais plus que des prostituées, ce sont avant tout des femmes qui aiment le plaisir sous toutes ses formes : les biens, les bijoux, les robes, la nourriture, les immeubles, la littérature, et parfois le saphisme aussi.

C'est leur destin que nous content dans ce livre, les journalistes Judith Spinoza et Raphaël Turcat au travers de 20 portraits scindés en cinq thématiques.
Il y a d'abord les superstars du genre : Cora Pearl, Léonide Leblanc, Liane de Pougy, Mata Hari.
Puis les éminences grises : Virginia de Castiglione, Jeanne de Tourbey, La belle Otero, Marguerite Steinheil.
Ensuite, les Muses : Apollonie Sabatier, Marie Duplessis, la reine Pomaré, Valtesse de la Bigne.
Les subversives avec La Païva, Blanche d'Antigny, Marthe de Florian, Émilienne d'Alençon.
Et enfin, les féministes : Lola Montès, Céleste Mogador, Alice Regnault, et Clémence de Pibrac.

Chacun des portraits commence par une rapide présentation de l'enfance, de ce que l'on en sait de chacune des héroïnes de ce livre. Souvent, en grande majorité, toutes ces femmes sont issues du monde ouvrier, paysan, ou d'une petite bourgeoisie dont les règles les oppressent. Certaines veulent se libérer du carcan familial, d'autres s'extirper par tous les moyens de leur condition et échapper à un destin qui les condamnerait à continuer de vivre dans la fange. Elles ne sont pas forcément très belles, mais toutes ont un caractère bien trempé et une volonté de s'en sortir. Et pour cela, elle mettront tout en œuvre pour le faire que ce soit par le charme, voire plus. Elles veulent prendre leur revanche sur la vie de leur enfance.  

Leurs protecteurs leur offriront des hôtels particuliers, des bijoux, des fortunes surtout. Elles se lèvent à 11 heures et vivent le soir et la nuit. Elles fréquentent les théâtres, les dîners mondains, la vie parisienne. Certains de leurs amants se ruinent rien que pour passer quelques heures en leur compagnie. Elles engrangent des fortunes et papillonnent de l'un à l'autre, dépensent sans compter pour rester au top, en achetant bijoux et robes ou en se les faisant offrir. Et, puis certaines, quand leur âge les rattrapent finissent dans la pauvreté, d'autres bifurquent vers une carrière, ou même rentre dans les ordres.

Les auteurs nous racontent donc ces destins incroyables commençant par leur enfance puis mettant l'accent sur le moment qui va les faire émerger, en livrant le nom de leurs amants les plus connus, des gains gagnés, leur train de vie, puis leur fin. A la fin de chaque histoire qui prend une vingtaine de pages pour chacune, les auteurs nous finissent leur portrait en nous livrant leur devise, leurs demeures les plus chères, une brève liste de leurs principaux amants, leur style d'habillement et parfois aussi leur bijoux emblématiques.

Je dois dire que j'ai trouvé dans ce livre quelques infos que je ne connaissais pas sur ces différents personnages qui ont marqué à leur manière l'histoire de France et parfois politique aussi (on se souviendra de la mort d'une crise cardiaque du président Félix Faure, en 1899 en pleins ébats avec Marguerite Steinheil, dont les auteurs dressent ici un portrait.)
Ce qui a été intéressant pour moi de lire ici, c'est leur cheminement depuis leur enfance jusqu'à ce fameux statut d'horizontale, comment elles y sont arrivées, puis comment elles ont fini leur vie, une fois remplacée par d'autres plus jeune. Chacun de ces destins est assez intéressant, je dois le dire, et plusieurs m'étaient inconnues en-dehors des plus célèbres comme Lola Montès ou Liane de Pougy. J'ai vraiment trouvé cela intéressant, mais le problème, c'est que les auteurs se sont un peu perdus en nous bombardant de détails sur la mode, les robes, les bijoux, etc. (Judith Spinoza est journaliste de mode, ceci explique sûrement cela.) Nous avons aussi le droit à la liste des demeures, des sommes, des biens gagnés par chacune (alors que cela est reporté ensuite dans le paragraphe final), ce qui devient vraiment redondant au fur et à mesure que les pages se tournent.

C'est un livre au plaisir en demi-teinte qui me reste en mémoire. Si le destin de ces femmes est vraiment intéressant et les anecdotes croustillantes souvent, l'enchaînement des gains rend le tout lourd et je dois dire qu'il m'est arrivé plus d'une fois de sauter des passages. J'aurais préféré que soit creusé leur vie que de me voir abreuver de ces sommes même si le fait de les convertir nous donne une idée très précise du montant que les hommes pouvaient débourser pour elles. Cela inonde trop les portraits et nous les rend moins appréciables à lire.

Cela reste toutefois un ouvrage agréable à lire, mais je conseillerai aux lecteurs de commencer d'abord par le ou les portraits qui l'intéresse, puis de parcourir ensuite l'un ou l'autre au gré des journées. Ce n'est pas un ouvrage que l'on lit d'un trait ou d'une suite. Sinon, la saturation arrive très vite. C'est donc un livre à effeuiller comme l'on pourrait effeuiller l'habit d'une de ses grandes horizontales afin de découvrir les plaisirs qu'il nous cache en dessous.

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