24 Janvier 2020
De New York à la Bretagne, du Grand Ouest américain à l'Île des Pendus, Gustave Le Rouge nous entraîne dans des lieux étonnants et mystérieux, où vont s'affronter une galerie de personnages aux conceptions antagonistes du monde : l'une, incarnée entre autres par le débonnaire savant français Prosper Bondonnat dont les recherches sont orientées dans le seul but d'ajouter une pierre à "l'édifice radieux de la modernité", l'autre, par le maléfique docteur Cornélius Kramm, chirurgien esthétique américain, inventeur de la "carnoplastie" (un procédé qui permet de donner à un individu l'apparence d'un autre), obsédé par la conquête du pouvoir et de l'argent...
Auteur : Gustave Le Rouge
Nombre de pages : 1512 pages (18 tomes)
Editeur : © Ink Book édition
Date de parution originale : 1912-1913
Date de parution domaine public : 01/07/2007
Prix intégrale 18 tomes : 1.99€ (mobi, epub)
Télécharger la version gratuite domaine public en epub (tome1)
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Gustave Le Rouge est un auteur du début du XXème siècle aujourd’hui un peu oublié… Il a pourtant énormément écrit… Selon Blaise Cendrars, qui l’admirait, il aurait écrit 312 œuvres. Le mystérieux docteur Cornélius est considéré comme son chef d’œuvre.
On y suit les péripéties d’un génie du mal, le docteur Cornélius, assisté de son frère Fritz et de Baruch Jorgell, fils déshérité d’un milliardaire américain, maître de la mystérieuse organisation de la main rouge, et qu’affrontent de nombreux personnages : Fred Jorgell, le père de Baruch, Prosper Bondonnat, savant génial assisté de ses filles et de ses gendres, Lord Burydan, le milliardaire blasé assisté d’Agénor Marmousier, poète chargé de le distraire…
C’est sûr : on ne s’ennuie pas une seconde à lire ces aventures qui vont de rebondissements en rebondissements, qui fourmillent de trouvailles scientifique plus farfelues les unes que les autres : chirurgie plastique permettant de donner n’importe quelle physionomie à n’importe qui, machine à maîtriser la météo, pendus ressuscités, aéroplane improbable...
On sent une proximité avec Gaston Leroux, Maurice Leblanc ou Souvestre et Allain, les auteurs de Fantômas. D’ailleurs les exploits de la sinistre main rouge n’ont rien à envier à ceux du célèbre bandit.
Le mystérieux docteur Cornélius se distingue par une imagination débridée : on n’y croit pas une seconde, on se dit « mais où va-t-il chercher tout ça ? »... Du coup, l’ensemble se lit avec plaisir mais il manque tout de même l’épaisseur ou le lyrisme des collègues cités plus haut, qui eux non plus n’étaient pas avares d’imagination.
On y trouve aussi quelques considérations politiques, plutôt de gauche, dénonçant notamment un certain capitalisme américain.
Une lecture agréable, idéale pour se distraire, qui permet de changer des feuilletonistes plus connus , même si on est ici un ton en dessous.
Cerise sur le gâteau, les livres de l’auteur étant dans le domaine public, on peut le télécharger gratuitement sur toutes les bonnes plateforme de téléchargement d’Ebooks libre.
Pour les mal lisants (il y en a), il existe aussi une version radiophonique de ce roman qui a été rediffusée cet été sur France Culture et qui est disponible en podcast sur le site web de la chaîne. Cette version date de 1977, elle est donc un peu datée, mais cela colle parfaitement avec le style du roman.
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Critique du livre "Le mystérieux Docteur Cornélius" -- audetourdunlivre.com
À l’heure même où Fred Jorgell apprenait la mort tragique de son client Pablo Hernandez, Baruch sortait du pavillon isolé qu’il habitait par une porte donnant sur la rue et dont lui seul avait la clef. Il pouvait ainsi sortir ou rentrer à sa guise, sans déranger aucun des domestiques.
La rue, quoique indiquée sur le plan officiel de la ville, n’était encore constituée que par des clôtures de planches et des monceaux de gravats. Baruch la franchit en sautant au petit bonheur les flaques d’eau et les fondrières, il suivit quelque temps le boulevard encore inachevé qui traversait Jorgell-City et qu’éclairaient de loin en loin de puissantes lampes à arc. Enfin, il s’arrêta en face d’un grand cottage d’aspect sévère.
Baruch Jorgell se rendait chez le docteur Cornélius Kramm.
Le docteur Cornélius était célèbre dans toute l’Amérique, mais ses cures merveilleuses étaient d’un genre très particulier.
Le docteur était la providence de tous ceux et de toutes celles qu’une laideur ou une tare physique affligeait et qui étaient en état de payer les frais d’un traitement des plus coûteux. Il redressait les nez crochus, diminuait les oreilles copieuses, agrandissait les yeux, rapetissait les bouches, exhaussait les fronts et rectifiait les tailles ; en un mot, grâce à la chirurgie, il traitait la substance vivante comme une véritable matière plastique qu’il façonnait au gré de son caprice.
C’était son incontestable dextérité qui lui avait valu ce bizarre surnom de « sculpteur de chair humaine », sous lequel on le désignait familièrement.
On connaissait peu de chose du passé de Cornélius, Il était arrivé un beau matin, s’était magnifiquement installé et, depuis, grâce à une savante réclame, grâce à des cures heureuses et aussi à son savoir très réel, sa réputation n’avait fait que grandir.
Il courait pourtant une sinistre légende sur les débuts de sa fortune : quelque dix ans auparavant, prétendait-on, Cornélius était attaché, comme médecin, à une compagnie minière de la province de Matto Grosso, au Brésil, qui occupait plus de cinq cents travailleurs noirs.
En dépit d’une surveillance active et minutieuse, les vols étaient assez fréquents. Un fait de ce genre se produisit précisément peu de temps après l’installation du docteur : un diamant de sept cents carats disparut et toutes les perquisitions faites pour le retrouver demeurèrent sans résultat. Quelques semaines s’écoulèrent, le vol commençait à s’oublier, lorsqu’un vieux Noir tomba malade et dut être transporté à l’hôpital que dirigeait Cornélius. Celui-ci diagnostiqua sans peine une péritonite aiguë, causée par la présence d’un corps étranger dans l’intestin ; il s’apprêtait à tenter une opération lorsque le diamant disparu lui revint en mémoire ; il n’ignorait pas que, souvent, les Noirs n’hésitent pas à avaler, pour les mieux cacher, les pierres qu’ils ont volées.
Deux jours plus tard, le patient succombait à l’absorption d’un cachet d’acide prussique ordonné « par erreur » et le docteur, comme il l’avait prévu, retrouvait en disséquant le cadavre le diamant de sept cents carats. Dans le courant du même mois, Cornélius donnait sa démission pour cause de santé et partait pour l’Europe où l’on perdait sa trace.
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