Au détour d'un livre

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Nomades du Nord, de J.O. Curwood

 

Résumé :

Curwood dépeint ici l'amitié singulière née entre le chien Miki et l'ourson Nioua. Entre les espèces, les différences sont grandes ! Et voilà que de dramatiques événements viennent encore séparer les deux amis. Mais Miki, le chien au grand cœur, cache sous des dehors féroces un ardent besoin de tendresse et de dévouement. Il n'a de cesse qu'il n'ait retrouvé son camarade Nioua l'ourson, au milieu des forêts et des solitudes…
 

Auteur : J.O. Curwood
Nombre de pages : 252
Édition : Hachette
Date de parution : 1918 (édition originale) - 1961
Prix : 15.75€ (Broché) - 8€ (poche)

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Avis / Critique :

Souvent associé à Jack London pour ses romans dont l’action se situe dans le grand Nord américain, James-Oliver Curwood a fait les beaux jours de la bibliothèque verte… Ses œuvres ne sont cependant pas forcément réservées à un public de pré-adolescent. D’ailleurs, de son vivant, la popularité de Curwood dépassait largement le lectorat jeune. Il était même, à son époque, l’écrivain le mieux payé des États-Unis. Autre preuve de sa popularité : il a fait l’objet de 180 adaptations cinématographiques ! C’est donc un auteur probablement un peu sous estimé de nos jours.

Le présent livre raconte l’amitié improbable entre un chiot et un ourson qui se retrouvent malgré eux emportés dans un tourbillon d’aventures.

Ici, l’histoire est racontée du point de vue des animaux. Il y a bien des humains, mais même si ils ont une influence déterminante sur le cours du récit, leur présence est plutôt secondaire. Se mettre dans la tête d’un animal n’est pas forcément un exercice facile, mais c’est un style de narration que maîtrise l’auteur, il l’a fait dans plusieurs romans, notamment dans le Grizzly, adapté plus tard au cinéma sous le titre L’Ours. Il est fort probable qu’un comportementaliste animalier n’y retrouverait pas ses petits, mais ça reste crédible pour le lecteur moyen. Et, détail amusant, l’auteur donne un nom à chacun des protagonistes de l’histoire, même aux animaux, même si ce sont des personnages secondaires.

L’histoire se déroule sur une grosse année. Les deux personnages, livrés à eux-même dans une nature hostile, en prennent plein les museaux. Ça commence par une quasi noyade, puis un attaque d’abeilles, et ça continue tout au long de la première partie du livre, avec de solides batailles contre toutes sortes d’animaux : ours, chouettes, corbeaux, loups… Puis survient l’hiver, et l’ours va hiberner. Le livre entre dans une deuxième partie et va se focaliser uniquement sur les péripéties du chien Miki, qui va continuer seul la lutte, dans des épreuves encore plus dures qui vont faire de lui un chien vigoureux et rusé... À chaque fois, ses blessures sont plus graves, et à chaque fois il arrive à y survivre. À tel point que cette accumulation de malheur n’est pas sans rappeler les malheurs de Justine, dans le livre du marquis de Sade…

Pour ne rien arranger, la météo elle aussi paraît excessive, elle n’est qu’une succession de catastrophes climatiques : tempête de neige et sécheresse y sont exceptionnellement intenses, histoire de bien montrer que même de ce côté-là, le sort s’acharne sur notre héros.

Et puis de temps en temps le héros glisse au cours du livre de courtes digressions sur quelques sages indiens, témoin ou non de la scène en cours, afin de donner une couleur plus locale à l’histoire.

Il ne faut donc prendre ce livre que pour ce qu’il est : un récit d’aventures, bien ficelé, dans lequel il ne faut pas chercher trop de crédibilité. N’empêche, malgré l’accumulation de catastrophes qui tombent sur les personnages, c’est dépaysant et rafraîchissant.

 

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Extrait :

 

Si Makoki, le vieil Indien à face de cuir, de la tribu des Cree, qui faisait le courrier entre le lac Dieu et le fort Churchill, avait connu l’histoire de nos deux héros jusqu’au moment où ils vinrent se repaître de la carcasse en partie dévorée du caribou, il aurait dit qu’Iskou-Wapou, la bonne Divinité des bêtes, veillait sur eux de façon toute particulière. Car Makoki croyait fermement aux dieux de la forêt, aussi bien qu’à ceux de sa propre hutte. Sans doute il eût fourni une version personnelle et pittoresque de cette aventure, qu’il aurait racontée aux enfants de ses petits-enfants ; et ceux-ci à leur tour l’auraient transmise à leur postérité.

Il n’est pas dans l’ordre de la nature, aurait-il argué, qu’un ourson noir et un jeune chien Mackenzie, mâtiné de Spitz et d’Airedale, se lient d’une pareille camaraderie. C’est donc que la Puissance bienfaisante qui préside aux affaires des quadrupèdes, eut l’œil sur eux dès le début. C’est elle - car Iskou-Wapou est une déesse et non un dieu - qui, ayant poussé Challoner à tuer la mère de Nioua, l’incita à attacher d’une même corde l’ourson et le chien, afin qu’en tombant dans les rapides ils échappent à la mort et trouvent l’un dans l’autre un sauveur et un ami. Makoki les aurait appelés Neswa-pawuk, les deux petits frères ; et en toute circonstance, il se serait coupé un doigt plutôt que de leur faire du mal. Mais le vieil Indien ne savait rien de cette épopée : ce matin-là il était à cent milles de distance, en train de marchander avec un blanc qui cherchait un guide. Il devait toujours ignorer qu’Iskou-Wapou se tenait à ses côtés en ce moment même, préparant le plan d’événements qui devaient avoir une si grande importance dans la vie des deux bêtes.

Cependant les inséparables déjeunaient gloutonnement. Profondément pratiques, au lieu de s’attarder au passé, ils s’absorbaient complètement dans le présent. Ces quelques jours d’aventures excitantes semblaient les avoir vieillis d’une année. Chez Nioua, le regret de sa mère perdait de plus en plus de son intensité ; et pour Miki, la perte de son maître ne comptait plus, au train dont allaient les choses.

Ce qui occupait une place prépondérante et nette dans leur mémoire, c’était la nuit dernière, leur lutte pour la vie contre les hiboux monstres, leur fuite, l’abatage du jeune caribou par les loups, et, pour Miki en particulier, sa brève et amère expérience avec la louve renégate. L’épaule lui brûlait à l’endroit où elle avait planté ses crocs. Mais son appétit n’en était pas diminué. Il grognait en mangeant, et se gorgea jusqu’à ce qu’il lui fût impossible d’avaler un morceau de plus.

Alors il se tassa sur les hanches et regarda dans la direction qu’avait prise Mahigune, c’est-à-dire vers l’est, du côté de la baie d'Hudson. Une immense plaine s’étendait entre deux chaînes semblables à des murs de forêts, dorés par le soleil matinal. Il n’avait jamais vu le monde tel qu’il lui apparaissait maintenant. Les loups avaient tué le caribou au bord d’un escarpement qui faisait saillie comme un pouce gros et court sur la forêt infestée de hiboux, et la carcasse gisait en contrebas dans une descente herbeuse qui dominait le paysage. De là les regards de Miki pouvaient plonger sous lui et devant lui, si loin que les merveilles aperçues finissaient par se fondre dans l’éclat du soleil et l’azur du ciel. Son champ visuel embrassait un paradis plein de promesses ; de vastes prairies, vertes et grasses ; une série de bosquets semblables à des parcs, avant-garde de l’autre grande forêt qui commençait au pied des chaînes lointaines ; des étendues couvertes de buissons et diaprées des riches teintes du mois de juin ; de-ci, de-là, des eaux scintillantes, et, à un demi-mille de distance, un lac qui semblait un miroir géant encadré dans la verdure empourprée des Cèdres et des sapins.

Voilà donc où était allée la louve. Il se demandait si elle reviendrait. Il huma l’air, cherchant quelque odeur d'elle. Mais le désir de la revoir n’existait plus dans son cœur. Quelque chose commençait à l’avertir de la grande différence entre chien et loup. Pendant un instant, espérant encore que le monde lui tenait une mère en réserve, il avait pris une étrangère pour celle qu’il avait perdue. Mais il comprenait, maintenant. Les dents de Mahigune avaient failli lui briser l’épaule ou lui trancher la veine jugulaire.

Tebah-Gone-Gawin, la grande et unique loi, l’implacable norme de la survivance du plus apte, s’imposait à lui. Vivre, c’était combattre, c’était tuer ; c’était vaincre tout ce qui agite des pattes ou des ailes. La terre et l’air lui réservaient des menaces. Depuis la disparition de Challoner il n’avait trouvé d’amitié nulle part, sauf dans le cœur de Nioua, l’ourson sans mère. Et c’est vers Nioua qu’il se tourna maintenant, tout en grognant contre un oiseau des élans au gai plumage, qui voletait à l’affût d’un morceau de viande.

Nioua, dont quelques minutes plus tôt le poids ne dépassait pas une douzaine de livres, en pesait bien maintenant quatorze ou quinze. Son ventre était tendu comme les flancs d’un sac trop plein ; assis en plein soleil, il faisait le gros dos, se pourléchant les babines, copieusement satisfait du monde et de lui-même. Miki se frotta contre lui ; Nioua proféra un grognement de camaraderie, puis se roula sur le dos en l’invitant à jouer.

C’était la première fois que cela lui arrivait, et Miki, avec un jappement de joie, lui sauta dessus. Dans cette amicale escarmouche à coups de pattes, de griffes et de dents, ponctuée de grondements féroces par Miki, de grognements et de petits cris de goret par Nioua, ils déboulèrent jusqu'au bord de la plongée de terrain. De là jusqu’en bas il y avait bien une centaine de pieds ; c’était une pente gazonnée mais abrupte : comme des projectiles lancés par une catapulte ils dégringolèrent jusqu’à la plaine.

Pour Nioua, cette acrobatie n’offrait rien de désagréable : gras et rond comme il l’était, il roulait facilement. Mais il en allait autrement pour le cabot. Tout en pattes, en saillies de peau et d’os, il exécuta en tombant une telle série de contorsions, de boucles et de sauts périlleux, qu’en touchant la dure veine de schiste au bord de la plaine il était complètement étourdi et à bout de souffle. Il se remit sur pied, tout haletant, et pendant quelque temps le monde lui parut décrire une ronde écœurante. Puis il reprit ses sens, et aperçut son camarade à une douzaine de pieds de distance.

Nioua venait de faire une réjouissante découverte. Nulle créature au monde n’apprécie mieux une glissade qu’un ourson noir, sauf peut-être un jeune garçon sur un traîneau ou un castor sur sa queue ; et tandis que Miki remettait de l’ordre dans ses esprits dispersés, Nioua remonta délibérément à vingt ou trente pieds sur la pente, et se laissa de nouveau rouler jusqu’en bas ! La mâchoire inférieure de Miki en tomba de surprise. Nioua renouvela la manœuvre et l’autre en perdit la respiration. Cinq fois il regarda l’ourson grimper ces vingt ou trente pieds et s’ébouler sur l’herbe. À la dernière chute il bondit sur lui et lui donna une telle bousculade qu’elle faillit dégénérer en un combat pour tout de bon.

Miki entreprit ensuite d’explorer la base de la colline. Nioua le suivit par condescendance pendant une centaine de mètres tout au plus, mais refusa carrément d’aller plus loin. Parvenu au quatrième mois de son intéressante existence, le jeune ours était convaincu que la Nature l’avait fait naître pour lui donner le plaisir de se remplir indéfiniment le ventre. Manger était pour lui la seule et unique excuse de l’existence. Il avait une sérieuse tâche à accomplir pendant les quelques mois à venir s’il voulait maintenir le record de sa famille, et il se sentait rempli d’alarme et de révolte en constatant que Miki semblait disposé à abandonner la grasse et juteuse carcasse du jeune caribou. Du coup, il oublia toute idée de jeu et se mit à remonter la pente dans une disposition qui contenait cent pour cent d’esprit pratique.

Voyant cela, Miki abandonna son projet d’exploration et le rejoignit. Ils atteignirent le palier de la pente à vingt pas de la carcasse du renne et s’arrêtèrent derrière un amas de grosses pierres pour examiner leur provision de viande. Ils restèrent muets et immobiles de surprise. Deux hiboux gigantesques étaient en train de déchirer la carcasse.

Miki et Nioua les identifiaient avec les monstres de la sombre forêt d’où ils s’étaient échappés au péril de leur vie. Mais en réalité ceux-ci n’appartenaient pas à la race d’Ouhoumisiou et des pirates nyctalopes. C’étaient des hiboux de neige, qui diffèrent de leurs congénères en ce que leur vision est aussi perçante, en plein jour, que celle du faucon. Mispoul, le gros mâle, était d’un blanc immaculé, et sa femelle, un peu plus petite, était rayée de bandes d’un brun ardoisé ; leurs têtes rondes et l’absence de houppes d’oreilles leur donnaient une apparence terrifiante.

Mispoul, ses magnifiques ailes à demi étendues sur la carcasse d’Ahtik, déchirait la chair du caribou si gloutonnement que Nioua et Miki entendaient claquer son bec puissant. Sa femelle Niouish avait la tête presque enfouie dans les entrailles d'Ahtik. Leur aspect et le bruit qu’ils faisaient en mangeant auraient suffi à troubler les nerfs d’un ours plus âgé que Nioua ; celui-ci se tapit derrière une pierre, ne laissant dépasser que la tête.

Un grognement maussade se forma dans la gorge de Miki. Mais il le retint et s’aplatit sur le sol. Cette fois encore, le sang de son père, le chasseur géant, s’éveillait en lui comme une flamme. Cette carcasse était à lui, et il était disposé à la défendre. En outre, n’avait-il pas battu le grand hibou dans la forêt ? Mais ici, il avait affaire au couple. Cette constatation le fit rester coi une minute ou deux de plus, et dans ce bref intervalle il survint de l’inattendu.

Il vit Mahigune, la louve renégate, sortir des broussailles de l’autre côté de la pente.

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