Au détour d'un livre

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Trois jours et une vie, de Pierre Lemaitre

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Résumé :

Avis / Critique :

Antoine est un jeune garçon un peu introverti, coincé avec une mère possessive qui ne lui laisse pas beaucoup de latitude ni voir ses copains pour jouer à la Playstation. Quand il construit sa cabane dans les bois, il pense trouver un peu de liberté en compagnie du chien des voisins, mais sa vie va changer quand le chien va se faire renverser et achever par son propriétaire. Antoine est en larmes. Quand Rémi, le fils des voisins passe le voir, Antoine ne peut retenir les coups. A travers Rémi, c'est son père qui a tué le chien qu'il veut punir. Un seul coup donné sous la rage et voilà qu'il vient d’ôter la vie de Rémi. Mais quand il réalise ce qu'il vient de faire, Antoine est pris au dépourvu. Que faire de Rémi ?
Après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, il opte pour cacher celui de son ami.
Mais devant les gendarmes et la famille tiendra-t-il ?

Pierre Lemaître raconte dans ce livre la décision malheureuse que va prendre un jeune ado de 12 ans en frappant son ami et les conséquences que ce geste des plus fâcheux va avoir ensuite. Il ne peut en effet se résoudre à avouer la vérité, car il pense que personne ne croira qu'il s'agit d'un accident. Et les évènements ainsi vont s'enchaîner. Les recherches vont s'engager, la tempête va éclater, car nous sommes lors du Noël 1999, époque où les deux tempêtes Lothar et Martin ont frappé. Antoine va-t-il voir son sort celer ou bien au contraire va-t-il s'en sortir mais en rester marqué à jamais ? Et surtout quelles conséquences vont avoir son geste pour sa vie d'adolescent mais aussi et surtout d'adulte ?

Pierre Lemaître parvient magistralement à nous faire ressentir les affres d'Antoine. Tel un spectateur, le lecteur a vraiment l'impression d'assister à la scène du meurtre puis de la torture morale qui s'impose à son auteur. Il nous dépeint aussi avec justesse la détresse des parents du jeune disparu et les questions que se posent les différents habitants du petit village. Chacun devient dès lors la proie des soupçons des autres à cause d'un comportement étrange, d'un mot malheureux ou d'amours cachés. Comme dans un documentaire, on suit la préparation de la battue puis les dégâts de la tempête.
La première partie est donc la meilleure, car, malheureusement je dois dire que j'ai trouvé la seconde et dernière bien moins bonne. Si l'on suit toujours Antoine, Lemaître n'arrive plus à nous faire vivre de près la vie de son personnage principal. Nous devenons spectateur, puis lointain spectateur. Et surtout on assiste à une situation rocambolesque qui nous fait dire "Non, mais... pas à notre époque". Et là, tout s'écroule plus ou moins même si dans le dernier virage, Lemaître arrive à nous sortir un petit lapin du chapeau qui nous fait terminer sur une note positive.
A lire pour la tension psychologique de l'adolescent bien décrite.

 

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Extrait :

2

Le bâton vient de lui tomber des mains. Il regarde le corps de l’enfant, tout près de lui. Il y a quelque chose de si étrange dans sa posture, il ne saurait dire quoi, un abandon… Qu’est-ce que j’ai fait ? Et maintenant, quoi faire ? Aller chercher du secours ? Non, il ne peut pas l’abandonner là, non, ce qu’il faut, c’est l’emporter, courir jusqu’à Beauval, foncer chez le docteur Dieulafoy.

– T’inquiète, murmure Antoine, on va t’emmener à l’hôpital.

Il a parlé très bas, comme pour lui.

Il se penche, glisse ses bras sous le corps de l’enfant et se relève. Il ne sent pas sa force et c’est tant mieux parce qu’il va falloir en faire, du chemin…

Il se met à courir, mais le corps de Rémi, dans ses bras, est soudain très lourd. Antoine s’arrête. Non, ce n’est pas qu’il est lourd, c’est qu’il est mou. La tête est totalement rejetée en arrière, les bras tombent le long du corps, les pieds ballottent comme ceux d’un pantin. C’est comme porter un sac.

La volonté d’Antoine cède d’un coup, il plie les genoux, contraint de reposer Rémi au sol.

Est-ce qu’il est vraiment… mort ?

Devant cette question, le cerveau d’Antoine se bloque, plus rien ne fonctionne, les idées ne passent plus.

Il fait le tour pour regarder son visage. S’accroupir lui demande un effort terrible. Il observe la couleur de la peau, la bouche entr’ouverte… Il tend le bras, mais ne parvient pas à toucher le visage de l’enfant, un mur invisible s’est élevé entre eux, sa main bute sur un obstacle impalpable qui l’empêche de l’atteindre.

Les conséquences commencent à se faire jour dans l’esprit d’Antoine.

Il s’est relevé et marche de long en large en pleurant, il ne parvient plus à regarder le corps de Rémi. Les poings serrés, l’esprit chauffé à blanc, tous les muscles tendus, il va et vient, que faut-il faire, ses larmes coulent tellement qu’il ne voit plus très bien, il s’essuie d’un revers de manche.

Soudain, une vague d’espoir le submerge, il vient de bouger !

Antoine a envie de prendre la forêt à témoin : il a bougé, là, non ? Vous l’avez vu ? Il se penche.

Mais non, pas le moindre tressaillement, rien.

Sauf l’endroit où le bâton est venu le frapper qui change de couleur, c’est maintenant d’un rouge sombre, une marque large qui enveloppe toute la pommette, qui semble s’agrandir comme une tache de vin sur une nappe.

Il faut en avoir le cœur net, savoir s’il respire. Antoine a assisté à ça une fois, à la télé, on mettait un miroir sous les lèvres de quelqu’un pour voir s’il y avait de la buée. Mais ici, tu parles, un miroir…

Il n’y a rien d’autre à faire : Antoine tente de se concentrer et se penche sur le corps, tend l’oreille vers sa bouche, mais les bruits de la forêt et son cœur qui cogne l’empêchent d’entendre.

Alors, il faut s’y prendre autrement. Antoine écarquille les yeux, avance la main, les doigts largement écartés vers la poitrine de Rémi, son T-shirt Fruits of the Loom. Lorsqu’il entre en contact avec le tissu, Antoine ressent un soulagement : de la chaleur ! Il est vivant ! Sa main se pose alors résolument sur le ventre de l’enfant. Où est le cœur ? Il cherche le sien, pour le localiser. C’est plus haut, plus à gauche, il ne voyait pas ça par là, il imaginait… Et du coup, à force de tâtonner, il en oublie ce qu’il est en train de faire. Ça y est, sa main gauche sent son propre cœur et la droite est au même endroit, sur le torse de Rémi. Sous l’une, ça frappe fort, mais sous l’autre, rien. Il appuie, tâte ici et là, mais non, il plaque les deux mains, bien à plat, rien ne bat. Le cœur est mort.

C’est plus fort que lui, Antoine le gifle. À la volée. Pourquoi t’es mort, hein ? Pourquoi t’es mort ?

La tête de l’enfant dodeline sous les coups. Antoine s’arrête. Qu’est-ce qu’il est en train de faire ! Taper sur Rémi… qui est mort !

 

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