Au détour d'un livre

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Les liens mortifères, de Sophie Lebarbier

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Résumé : Qui a tué la ravissante Ingrid ? Et pourquoi ? Sa sœur Léonie, psychologue trentenaire, aussi vive que névrosée, tente de comprendre. En parallèle, Fennetaux, une commandante de police atypique, légèrement allumée mais redoutable, mène l'enquête officielle.

 

Auteure : Sophie Lebarbier
Nombre de pages : 304
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 28 septembre 2022
Prix : 19.90€ (Broché) - 9.99€ (epub, mobi)
ISBN :
978-2226470294

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Avis / Critique :

Léonie est psychologue. Cela fait un an qu'elle n'a pas vu sa sœur et quand celle-ci lui envoie un message lui demandant de la retrouver, elle se rend à l'invitation. Mais là, elle va découvrir un bébé d'un mois, mais pas de sœur. Où est passée Ingrid ? Personne n'a de ses nouvelles, pas plus son amie d'enfance que son mari avec lequel elle était séparée depuis plus d'un an, ni leur mère Laurence, prof d'histoire.
Léonie fait alors appel à Fenneteaux, une flic proche de la retraite pour mener l'enquête. Celle-ci va alors tenter de remonter le fil de l'histoire et au fur et à mesure, les deux femmes qui enquêtent finalement chacune de leur côté, vont découvrir la vérité.
Que s'est-il passé pendant l'année où Ingrid a disparu ? Qui est le père de son enfant ? Quel est le rapport entre la série qu'elle a tourné jeune adulte "Succube" et la sorcière Halaïde ? Qu'est donc cette communauté qui vit comme au moyen-âge et dont Jeanne, Marguerite, Pierre faisaient partie ? Quel rapport ont-ils avec Ingrid et Léonie ?

Sophie Lebarbier, créatrice de la série profilage signe un premier thriller à la toile pleine de questions tissée avec minutie. Autant le dire, ce roman est une réussite et se lit d'une traite, devenant addictif dès les premières pages. On suit ce duo d'enquêtrices, la psy et la flic, chacune de leur côté et avec elles, on se laisse emmener dans l'histoire d'Ingrid, d'Halaïde, de Marguerite. C'est une histoire de femmes qui nous est contée avec un destin qui s'enchevêtre inexorablement et n'en finit pas de se croiser sans jamais être connue l'une de l'autre, et ce, jusqu'à la fin. D'un côté, on suit Léonie, de l'autre, on se retrouve plongé dans une communauté médiévale sans jamais savoir très bien dans quelle époque le lecteur navigue.

Sophie Lebarbier a réussi à entremêler légende, histoire, sorcellerie, communauté, le passé, le présent et le futur en nous prenant comme passager sans jamais nous laisser sur le bas côté.
C'est un premier roman et c'est une réussite. On sent la pointe de la scénariste qui connait bien son affaire et sait comment donner envie de voir le second, le troisième épisode. Il en est de même ici avec les chapitres que l'on tourne encore et encore pour découvrir où cela va nous mener.

L'aspect psychologique des personnages est bien marqué, tous sont bien définis, et l'intrigue aux multiples racines tend à la fin vers le tronc commun après mille rebondissements d'une manière tout à fait naturelle. La part de surnaturelle pourra en déranger certains, mais elle permet aussi de donner une couleur nouvelle au thriller classique sans devenir pompeuse et irrationnelle pour autant.

Le moins que l'on puisse dire en refermant ce livre, c'est que l'on a hâte de lire une prochaine aventure de Léonie ou de Fenneteaux et pourquoi pas voir une enquête menée cette fois-ci pleinement en duo.

Un thriller addictif à lire.

 

 

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Extrait :

1

Mercredi 3 avril

FOLIE-MÉRICOURT, PARIS 11E

Certaines journées valent plus que d’autres, un peu comme placer « xylophone » sur une case mot compte triple. On ne s’en rend pas compte sur le moment, c’est après quand on y repense, on se dit : « Si j’avais su… » Et si on avait su, alors quoi ? On aurait pris un bon petit déjeuner ? Mis d’autres fringues ? Appelé un avocat ?

Inconsciente de ce qui allait s’abattre sur elle, Léonie observait sa patiente. Elle sentit une vague d’empathie monter en elle. Après cinq années de pratique, elle était toujours aussi chamboulée par son métier. Elle s’attachait évidemment à garder la bonne distance avec ses patients, mais leurs angoisses, leurs névroses, leurs psychoses même parfois, la secouaient toujours autant à l’intérieur. La colère et la vulnérabilité qu’éprouvait la jeune femme en face d’elle étaient palpables, Léonie en avait le ventre noué.

De toute évidence, Marion Gardette ne comprenait pas ce qu’elle faisait là. Sa vie était en train de dérailler à cause d’un accident domestique. Un simple accident, et l’intervention d’un juge qui avait décidé de s’immiscer dans son intimité. Élève boursière, Marion incarnait à merveille ce que le XXe siècle avait appelé la méritocratie républicaine. Elle avait gravi un à un les barreaux de l’échelle sociale avec une détermination qui forçait le respect. En témoignaient son job de biologiste, son appartement du Haut Marais, son mari toujours amoureux après dix ans de vie commune, sans oublier ses jumeaux de cinq ans beaux à tourner dans une pub Évian. On ne construit pas un tel parcours en pleurnichant sous l’œil complaisant d’un psy. Alors non, clairement, sans l’injonction du juge, Marion ne serait pas en train de perdre son temps dans le cabinet de cette fille boulotte qui la fixait avec un insupportable sourire de bonne sœur.

Léonie se plongea dans le dossier de sa patiente. Elle le connaissait par cœur, mais sentait que Marion avait besoin d’un peu d’espace psychique pour la mépriser un bon coup. Défense classique. C’était leur cinquième séance de travail depuis les événements et Marion n’avait toujours pas prononcé le mot magique. Léonie tourna une page et reçut un coup de poing dans le plexus solaire. Encore une fois, elle se faisait happer par les photos de Romy et Achille. Leurs petits corps couverts de gaze stérile, leurs cheveux fondus. Six mois plus tôt, ils avaient failli mourir brûlés vifs dans l’incendie de leur appartement. Leur père était au restaurant pour un dîner d’affaires. Marion avait couché les enfants et s’était autorisé une cigarette, la seule de la journée. Fumée à la fenêtre de la cuisine à cause de l’odeur. Mal écrasée dans la poubelle, la cigarette avait embrasé les déchets plastique. Marion n’avait pris conscience de l’incendie qu’à l’arrivée des pompiers. Elle était ivre morte.

Sans qu’elle sache bien comment cela avait commencé, elle s’était mise à boire le soir. Seule, quand son mari et ses enfants dormaient. Sauf que l’incendie avait révélé son vilain petit secret au grand jour, brûlé sa respectabilité en même temps que son mobilier vintage. Depuis six mois maintenant le serpent se mordait la queue : tant que Marion refusait d’admettre son alcoolisme, le juge refusait de lui rendre ses enfants. Les petits avaient été confiés aux parents de son mari, et Marion aux bons soins de Léonie. Suivi psycho-judiciaire. On se lance rarement dans une psychothérapie de gaieté de cœur, alors quand la Justice vous l’ordonne…

 

Malgré l’hostilité visible de Marion, Léonie souriait, imperturbable. À ce petit jeu, c’est toujours le patient qui perd. Marion se tortilla sur son siège, croisa et décroisa ses jambes… et c’était parti.

– Les enfants sont en Normandie. Franck les a rejoints hier pour le week-end. Ils ont beau temps…

– Ça se passe comment pour eux ? demanda Léonie d’une voix douce.

– Bien… pourquoi ça n’irait pas ?

– Vous pensez que vous leur manquez ?

– Mirmont vous dirait que non.

– Le juge Mirmont n’est pas mon patient. Ici il n’y a que votre ressenti qui compte.

Marion baissa les yeux, sûrement pour s’empêcher de les lever au ciel. Léonie la relança.

– Donc vous étiez toute seule hier soir…

Le rouge monta tout de suite au front de sa patiente.

– J’ai rien bu si c’est ce que vous insinuez !

Léonie eut un flash. Ce ton passif-agressif, la force de ce déni. L’espace d’un instant elle se retrouva face à Ingrid. Sublime. En colère. Ingrid.

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