12 Mai 2024
Quel est le secret des sœurs-servantes de Saint-Michel, société secrète liée aux toutes premières heures du christianisme?
Nick Lee, lui, travaille pour l'Unesco à la sauvegarde des œuvres d'art en péril. Alors qu'il vient de retrouver une amie, Kelsey, une religieuse et restauratrice de tableaux, un attentat est perpétré contre un chef-d'œuvre de la peinture flamande datant de 1428. Celui-ci renfermerait-il un secret bien gardé ?
Auteur : Steve Berry
Nombre de pages : 600
Édition : Pocket (Poche)
Date de parution : 22 juin 2023
Prix : 23€ (Broché) - 15.99€ (epub, mobi) - 9.50€ (poche)
ISBN : 978-2266332491
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Steve Berry est avocat. Il vit aux États-Unis, dans l’État de Géorgie. Kelsey, Saint-Michel, société secrète dépositaire depuis plusieurs siècles de mystérieuses reliques liées aux premières heures du christianisme, et que le Vatican veut éliminer. Quelques heures plus tard, la supérieure de Kelsey lui demande de lui livrer l'ordinateur portable que Nick a pu récupérer et qui est la dernière preuve de ce que révélait l’œuvre d'art détruite.
De son côté, le mécène qui avait missionné Kelsey pour restaurer le tableau se trouve être le descendant des comtes de Foix, Bernart de Foix. Mais pas que. Il est aussi et surtout un Parfait, un Cathare. Et il mène une lutte acharnée contre l'église et ses prêtres pédophiles avec l'aide d'un ancien délinquant converti : André.
Kelsey et Nick Lee vont alors se retrouver au milieu d'une double guerre fratricide, d'abord celle qui oppose les sœurs faisant parti des Vautours, cette société secrète qui a vu Jeanne d'Arc comme adepte et qui protège le tombeau de Marie, mère de Jésus contre le Vatican qui pourchasse cet ordre pouvant déstabiliser la Chrétienté. Et d'autre part, le Vatican qui se bat contre les Cathares qui ressurgissent. Le cardinal Fuentes qui aspire à devenir le prochain Pape va alors tout mettre en œuvre pour se débarrasser enfin des Vautours, mais aussi de Bernat de Foix, qui menace son prélat, l'Archevêque de Toulouse.
L'auteur, Steve Berry, nous transporte tantôt en 1209 à la fin de la main-mise des musulmans sur l'Espagne, tantôt à l'heure de l'église des Albigeois et des Cathares, avant de revenir à notre époque actuelle avec la quête de Nick Lee. L'histoire, d'ailleurs, commence en 1209 avec un homme qui tente d'échapper dans le sud de la France aux musulmans. Et alors qu'il est sur le point de mourir, une femme se dresse près d'un arbre sur le tronc duquel un vautour est gravé, le symbole de l'ordre de Saint-Michel.
Même si le début du livre est un peu lent et que Steve Berry s'attarde sur de longues descriptions, je pense par exemple au repas du héros qui nous est énuméré et décrit de long en large, l'histoire en elle-même est passionnante. Mâtinée de mystère, d'histoire, de peinture, de théologie et d'actions, la lecture nous fait découvrir une quête qui a trait aux Cathares et à des ordres catholiques cachés. J'aime ces livres où l'on apprend des choses tout en suivant une intrigue. Même si à certains moments, le lecteur sautera des passages à cause de longues descriptions, il trouvera plaisir à découvrir les origines de l'ordre de Saint-Michel et des Vautours. Comme l'intrigue principale se déroule aux environs de Carcassonne, c'est aussi l'occasion d'en apprendre plus sur la croisade des Albigeois.
Premier livre donc des aventures de Nicolas Lee, alias Nick Lee et on espère que ce ne sera pas le dernier. Alors, effectivement, par moments, Steve Berry prend du temps à poser les choses et parfois se répète, notamment dans l'histoire concernant ses deux protagonistes principaux, mais finalement on passe outre devant l'intrigue qui se montre intéressante. Les personnages sont bien campés, et on se prend d'intérêt pour eux, quels qu'ils soient.
Steve Berry a l'art de l'intrigue depuis le temps qu'il écrit. Il sait comment happer son lecteur. C'est donc, un bon livre d'aventures qu'il nous offre là. Concernant les Vautours, on pensera, pour ceux qui l'ont vu, à la série "Warrior Nun". Peut-être s'en est-il inspiré. On aimerait retrouver d'ailleurs la sœur Kelsea Deal aux côtés de Nick Lee dans un prochain roman.
A la fin, l'auteur revient dans ses notes sur la genèse de ce livre et nous confie comment lui est venu l'envie d'écrire cette intrigue. Il revient également sur Jeanne d'Arc, l'évangile de Jean, la Sainte Vierge, et l’œuvre "L'adoration de l'agneau mystique" ou aussi appelé "L'autel de Gand" le tableau de Van Eyck.
Bref, même si tout n'est pas parfait dans ce livre, le lecteur passera un moment agréable et ne s’ennuiera pas une seconde.
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Le complot Vatican, de Steve Berry - www.audetourdunlivre.com
Bernat de Foix laissa tomber sa serviette dans l’assiette et porta son attention sur le jeune homme assis en face de lui. Ils venaient de rompre un jeûne de trois jours, la dernière épreuve pour atteindre ce sur quoi ils travaillaient depuis plus d’un an. Et quel meilleur endroit pour le faire que cette ancestrale ville fortifiée ?
Le mont adjacent à ce fleuve paisible qu’est l’Aude était occupé depuis le néolithique. C’étaient les Visigoths qui avaient fondé la grande cité fortifiée de Carcassonne afin de posséder un oppidum sur les routes commerciales historiques qui reliaient jadis l’océan Atlantique à la mer Méditerranée. Il ne restait cependant plus trace de cette gloire d’antan, la ville n’étant plus qu’une paraphrase de ce qu’elle avait été. Ses hôtels, boutiques de souvenirs et cafés accueillaient toute l’année des touristes désireux de revivre le passé. L’Hôtel de la Cité était le seul établissement cinq étoiles à l’intérieur des murs. Mélange de styles néogothique et Art déco, il était niché dans un coin paisible au pied de la basilique Saint-Nazaire. Ce soir, Bernat avait volontairement évité tous les restaurants populaires qui émaillaient la cité et pris son dîner dans sa suite, demandant à André Labelle de se joindre à lui.
« Il faudra que je dise au chef combien j’ai apprécié le repas », dit-il à son invité, et ce n’étaient pas des paroles en l’air.
La fleur de courgette farcie sur un velouté de tomate servie en entrée était un délice. Le plat de résistance, de la truite locale cuite au four avec des champignons et du ris de veau et accompagnée de chou-fleur grillé au beurre noisette, était une merveille. Quant au dessert, une crème brûlée aux
noisettes nappée de coulis de chocolat et agrémentée d’une boule de glace au caramel, il était particulièrement exquis.
Un festin digne de cette grande occasion.
« Es-tu prêt ? » demanda-t-il.
André hocha la tête. « Je le suis depuis longtemps.
— Et tu acceptes pleinement la suite ?
— Oui.
— Tu sais ce que cela implique ?
— En tous points.
— Tes péchés passés ? Les as-tu expiés ? Es-tu pétri de remords ? Prêt à mener une vie exemplaire à partir de ce jour ?
— Oui. »
Bernat était satisfait. « Alors, vas-y. »
André se leva de sa chaise et s’agenouilla docilement sur le tapis. « Dieu juste de toutes les bonnes âmes, toi qui ne te trompes jamais, toi qui ne mens ni ne doutes jamais, accorde-moi de savoir ce que tu sais, d’aimer ce que tu aimes, car je ne suis pas de ce monde et ce monde n’est pas de moi, et je crains de rencontrer la mort dans ce royaume d’un dieu étranger. »
Il avait parlé dans un occitan parfait, langue dans laquelle la prière avait pour la première fois été prononcée plus de huit cents ans auparavant. Des mots précieux, qui établissaient un contraste saisissant entre le Dieu juste de toutes les bonnes âmes et le dieu étranger et mauvais du monde physique.
« Si Dieu le veut, dit Bernat, les bonnes âmes telles que la tienne pourront obtenir la connaissance du monde du Père. Nous ignorons en revanche si nous obtiendrons la connaissance de l’autre monde dans cette vie ou seulement dans la prochaine. »
La tête d’André demeura courbée, ses yeux rivés au sol. Révérencieux. Respectueux.
« Veux-tu le consolamentum ? demanda Bernat.
— De tout mon être.
— T’es-tu correctement préparé ? »
Il hocha la tête. « Je suis prêt.
— Pour toutes les missions qui pourraient t’être confiées ?
— Toutes. »
André avait commencé son voyage trois ans plus tôt en tant que credente, simple croyant. Il s’était montré à la fois prometteur et résolu. Aussi, lorsqu’il avait demandé une formation plus poussée – afin de tester sa foi par des examens rigoureux – les Anciens avaient été ravis. On l’avait autorisé à participer au séminaire, la maison des hérétiques*1, où sa dévotion avait été mise à l’épreuve et affûtée. À présent, après de longs jeûnes, vigiles et prières, il était prêt pour l’étape finale.
Seul un perfectus, un « parfait », pouvait administrer le consolamentum, l’imposition des mains, ce qui signifiait que chaque nouveau parfait occupait le dernier maillon d’une chaîne le reliant aux apôtres et au Christ lui-même. La cérémonie marquait le passage du statut de credente à celui d’élu. Ces gens n’étaient pas des ecclésiastiques, mais de simples croyants, des enseignants qui s’étaient donné pour mission d’aider d’autres croyants à devenir à leur tour des parfaits. Chacun d’entre eux menait une vie solitaire, à l’ultime stade de son existence terrestre, pratiquant l’abnégation, ayant finalement atteint la certitude que jamais plus il ne reviendrait dans le monde physique. Jadis qualifiés par l’Inquisition de « parfaits hérétiques », ils avaient conservé ce nom par défi et le portaient aujourd’hui avec fierté, telle une médaille représentant un élément de complétude dans leur vie spirituelle.
« Pouvons-nous continuer ? » demanda Bernat.
André hocha la tête.
C’était lors du consolamentum que le Saint-Esprit habitait le corps du parfait, comme si celui-ci mourait symboliquement dans le monde matériel pour renaître dans l’Esprit. La cérémonie était d’une simplicité confondante. Contrairement aux autres baptêmes religieux, elle ne nécessitait ni eau bénite ni huile sainte et n’était pas administrée par un prêtre vêtu d’une robe brodée d’or dans une église chargée d’idoles. La croyance et la dévotion suffisaient à ce baptême spirituel, qui se déroulait le plus souvent dans la forêt, près d’un lac, dans la montagne, ou devant un âtre dans les maisons de ceux qui cherchaient le salut. Une fois le rituel accompli, toute déviation du droit chemin entraînait la déchéance du rang de parfait. Le voyage vers le salut devait alors être recommencé. Le consolamentum devait être immaculé, exempt de toute souillure, condition nécessaire pour s’opposer aux prêtres et évêques corrompus qui avaient pullulé au XIIIe siècle et dont les actes profanes demeuraient encore aujourd’hui impunis. Les catholiques maudits avaient longtemps considéré le rituel comme une imitation déformée de leur propre rituel baptismal. Mais il n’en était rien. Au contraire, le consolamentum datait de la toute première église chrétienne, transmis de génération en génération sans l’interférence de prêtres ou de papes.
« Priez Dieu pour qu’il fasse de moi un bon chrétien et me conduise à une bonne fin », répéta André trois fois.
Bernat connaissait l’histoire d’André Labelle par le biais de ceux qui avaient travaillé avec lui au cours des trois années passées. À trente et un ans, il avait un casier judiciaire bien chargé – larcin, agression, trouble à l’ordre public. Homme sauvage et impulsif autrefois, il n’admettait jamais ses erreurs et vivait une vie que d’aucuns qualifieraient de dévergondée et irresponsable. Et puis, il avait eu
la chance d’attirer l’attention d’un autre parfait qui l’avait remis sur le droit chemin. André était né non loin de là, dans le Roussillon, un lieu de mystère où la nature transcende la vie, doté d’un patrimoine riche de toutes sortes de contes et légendes au sujet des Maures, de Charlemagne et de Roland. André était un jeune homme jovial et vigoureux, à l’image des gens de la région. Mince et musclé, il avait des cheveux bouclés d’un noir terne et un nez épaté qui lui donnait l’apparence d’un dur à cuire. Seuls ses yeux sombres trahissaient les nuages de douleur qui hantaient toujours son esprit troublé. Cependant, tous les rapports que Bernat avait reçus décrivaient un parcours exemplaire et un profond dévouement à la foi. Le chemin vers le salut était long et étroit, réservé aux individus en pleine possession de leurs moyens et qui bénéficiaient du soutien des Anciens, deux conditions qu’André remplissait.
Bernat se leva de sa chaise.
« Procède au melhoramentum. »
Le melhoramentum, qui signifie « amélioration » en occitan, commençait par la reconnaissance que le Saint-Esprit habitait le parfait qui se tenait devant vous. Un initié devait y croire ou rien de ce qui suivrait n’aurait de sens. André demeura agenouillé sur le tapis et croisa les mains avant de s’incliner trois fois. « Bénis-moi, Seigneur. Prie pour moi. Conduis-nous à notre fin légitime. »
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