Au détour d'un livre

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La famille d'en face, de Nicole Trope

La famille d'en face, de Nicole Trope

 

Résumé : Parfois, les familles les plus parfaites cachent les secrets les plus terribles. Connaissez-vous bien vos voisins ?
Tout le monde veut vivre sur Hogarth Street, une jolie avenue bordée d’arbres avec ses maisons blanches. La famille qui vient d’emménager, est parfaite : Katherine et Josh West semblent vraiment amoureux et leurs magnifiques jumeaux de 5 ans courent en poussant des cris de joie autour de leur belle pelouse fraîchement tondue.
Mais tout à coup, les voisins s’étonnent. Pourquoi, lorsque vous frappez à la porte, se débarrassent-ils de vous au lieu de vous inviter à entrer ?

Auteure : Nicole Trope
Nombre de pages : 280
Éditeur :
Bookouture
Date de parution : 5 avril 2024
Prix : 9.99€ (Broché) - 4.99€ (epub, mobi)
ISBN :
978-1835255193

La famille d'en face, de Nicole Trope

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Que feriez-vous si vous vous mettiez à soupçonner qu'il se passe un fait dangereux chez votre voisin, lors d'une livraison, ou d'une visite ? Et si votre décision pouvait changer la donne ?
C'est ce qui arrive à Hank et à Gladys quand tous deux sont alertés par leur cinquième sens. Chacun à leur manière, ils vont vouloir, puis hésiter, puis chercher à solidifier leur intuition pour tenter de comprendre, de valider ce qu'ils pensent.

Hank est livreur. Autrefois, il a fait de la prison, mais c'est un bon gars. Malheureusement pour lui, ses nombreux tatouages aux mots explicites font peur aux gens et amènent aussitôt les flics à le soupçonner plutôt qu'à l'écouter. Quant à Gladys, c'est le prototype de la voisine qui passe son temps à regarder ce qui se passe chez les voisins, à alerter la police au moindre fait, ce qui a pour conséquence d'amoindrir la teneur de ses appels. Mais voilà, chacun à leur manière ils soupçonnent qu'il se déroule quelque chose d'étrange chez Katherine et John. Hank l'a su tout de suite quand il a tenté de lui livrer l'ordinateur portable qu'elle a commandé et qu'elle a refusé de lui signer le reçu, l'obligeant à le déposer à la poste. Donc ce qui l'obligera, elle, à aller le chercher 48 heures plus tard. Qui ferait une chose pareille ?
Quant à Gladys, elle ne comprend pas que personne dans la maison ne soit sortis, que les enfants ne soient pas allés à l'école, que Katherine l'a expédié manu-militari, cachée derrière la porte presque comme une malpropre alors qu'elle lui apportait des muffins.
Oui, il se passe quelque chose... mais voilà, Hank est vite accaparé par une autre affaire, celle de sa petite soeur qui a été retrouvé, battue et transporter à l'hôpital dans un état grave. Quant à Gladys, son mari Lou, handicapé, lui prend tout son temps et la rassure, lui disant que les voisins ont envie d'êtres tranquilles. Après tout, c'est la canicule.

Mais Gladys tout comme Hank vont avoir toute la journée cette intuition, jusqu'à ce qu'à tour de rôle, sans se concerter, ils décident d'aller sonner à nouveau chez Katherine et John. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Ce thriller psychologique écrit par Nicole Trope, nous emmène dans un quartier bourgeois de l'Australie, sur Hogarth Street, dans une petite avenue pittoresque. Un couple qui semble parfait, deux beaux enfants, jusqu'à ce qu'un jour tout dérape. Que feriez-vous vous-même vous si soupçonniez un drame chez vos voisins ? Comment agiriez-vous ?

C'est la question finalement que pose ce livre qui se compose en deux parties : c'est-à-dire que d'un côté nous suivons l'histoire de Katherine et ses enfants dans la maison et de la personne qui les menace et de l'autre, Hank et Gladys en proie à leur suspicion et leur propre histoire. 
Alors, difficile d'aimer ou pas ce thriller. C'est un roman assez étrange, assez lent qui nécessite de s'accrocher à l'histoire pour finir par avoir enfin le twist et se dire que finalement, ce n'est pas mal. Mais plusieurs seront tenté de décrocher, car il n'y a pas d'action, tout est dans la narration et les histoires des uns et des autres.
Bref, un roman quelque peu perturbateur.

Je vais commencer par les points positifs : les caractères des personnages sont bien travaillés, on s'attache à eux. La mise en place se met lentement, ce qui permet justement de s'imprégner de l'ambiance. La fin est surprenante et bouleverse ce qu'on pouvait être amené à penser jusque là.
Les différentes dynamiques familiales et les émotions qui s'en dégagent rendent l'histoire très réaliste et possible. D'ailleurs, de nombreuses affaires intra-familiales dans le même genre ont fait la une des journaux.

Dans les points faibles, je vais citer la lenteur en premier. Il faut s'accrocher pour lire ce livre et s'obliger à continuer pour en apprécier tous les points. Il y a de nombreuses redites, qui sont là pour appuyer les faits, mais aussi l'interrogation qui s'empare de Hank et de Gladys qui se demandent comment agir. Bon, au niveau des coïncidences, on se dira que c'est un peu gros, sur un continent comme l'Australie que des êtres qui semblent aux antipodes se retrouvent reliés ainsi, mais cela est nécessaire pour la construction de l'intrigue.

Bref, "La famille d'en face" n'est pas un roman indispensable, mais rien que pour la dynamique familiale et le drame qui s'y joue, cela vaut le coup de le lire. Il faudra pour cela faire fi des longueurs, des répétitions, et des baisses de régime. 

A voir donc si l'envie vous en dit.

 

La famille d'en face, de Nicole Trope

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Extrait :

4

KATHERINE

Si elle pouvait détacher ses mains des leurs, elle aimerait prendre la peau de son bras et la tordre au point de laisser une marque, pour s’assurer qu’elle est réellement là. Qu’elle regarde réellement quelqu’un qu’elle aime et qui est censé l’aimer, debout face à elle et à ces deux petits enfants, tenant à la main de quoi mettre fin à leur vie. Mais alors que les petites mains transpirent dans les siennes, elle comprend qu’elle ne peut pas les lâcher parce qu’ils ont désespérément besoin du réconfort qu’elle tente de leur communiquer avec ses doigts. Maman est là. Tout va bien. Maman est là. Mais ça ne va pas du tout, comment cela pourrait-il aller ? Comment cette journée a-t-elle bien pu devenir ce cauchemar dont elle n’arrive pas à se réveiller ? Il m’aime. Je croyais qu’il m’aimait malgré tout. Comment peut-il être en train de faire ça ?

C’est quelqu’un qu’elle ne connaît plus, qu’elle ne comprend plus. Avant aujourd’hui, elle l’aurait décrit d’une certaine manière, elle aurait peut-être même avoué la tension qui existe entre lui et elle, mais à présent, elle ne saurait par où commencer. Qui es-tu ? Qui es-tu devenu ? a-t-elle envie de demander. Elle le regarde frotter le canon du revolver en métal noir avec son tee-shirt et elle se demande quand il est devenu ce genre de personne, comment elle a pu ne pas remarquer une transformation aussi énorme. Depuis combien de temps prépare-t-il son acte ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? Depuis quand ?

— Je t’en prie, dit-elle, ne fais pas ça.

— Donne-moi ton téléphone.

— Non, j’en ai besoin. Des gens vont m’appeler et si je ne décroche pas…

Il s’approche de l’endroit où ils sont assis et pose le revolver contre la tempe de George, poussant légèrement, de sorte que la tête du petit garçon s’incline. Elle sent son fils se pétrifier, son corps contre le sien. Elle libère sa petite main pour passer ses bras autour de ses épaules et de celles de Sophie, les rapprochant, et elle les sent se modeler sur son propre corps.

— J’ai dit : donne-moi ton téléphone.

À contrecœur, elle détache ses bras des épaules de ses enfants pour chercher dans sa poche, puis lui tend son portable. Ses mains tremblent, il s’en aperçoit et sourit. Où est passé tout cet amour entre nous ? Elle a stocké dans son cerveau des milliers d’images de lui riant, lui souriant, de jours ensoleillés et de nuits étoilées — et pourtant, ils en sont là. Il ne ressemble plus à ces images. Elle se demande si elle l’a un jour réellement vu, ou si elle n’a jamais connu que la version de lui qu’elle voulait voir. À sa terreur se mêle un peu d’humiliation d’avoir été si sotte. Je pensais être plus intelligente que ça, et maintenant, mes enfants vont devoir payer pour mon erreur.

Il regarde l’écran d’accueil de son téléphone, une photo de George, Sophie et elle lors de leur dernière fête d’anniversaire. Devant chaque enfant se trouve un gâteau orné de cinq bougies, les flammes éclairent leur visage. Elle se tient entre eux, accroupie pour tenir dans le cadre.

« Un grand sourire, tout le monde, avait dit son mari, leur père. Un grand sourire. »

En voyant cette photo, tout le monde remarquerait la ressemblance de leurs visages en forme de cœur, le menton un peu trop pointu. Elle a les yeux marron et les leurs sont verts, mais ils tiennent ça de leur père. Quand ils étaient bébés, ils étaient blonds, mais leurs cheveux sont devenus brun clair, et Katherine sait qu’un jour Sophie se les teindra et se plaindra qu’ils frisent lorsqu’il fait humide comme aujourd’hui. Elle n’a pas pu la coiffer ce matin. Elle n'a pas eu le temps.

Elle se rappelle les heures passées à confectionner ces gâteaux, découpés et modelés en forme de cinq. Elle avait fait elle-même le glaçage, bleu pour l’un, rose pour l’autre, après avoir raté la première fournée parce qu’elle avait mis trop d’eau. Elle n’est pas bonne pâtissière. Elle voudrait, mais ce n’est pas l’un de ses talents. Sa mère préparait sans mal des gâteaux légers et bien gonflés, magnifiquement décorés. Si elle avait vécu jusqu’à leur cinquième anniversaire, elle leur aurait fait un gâteau à chacun, comme lorsqu’ils ont eu un, deux, trois et quatre ans.

Katherine avale sa salive et se cramponne à ses enfants. Que dirait sa mère si elle les voyait ? Quelle torture cela serait-il pour elle ?

« Tu es sûre de toi, ma chérie ? » a-t-elle demandé à Katherine la veille de son mariage avec John. « Tu es sûre de toi ? » comme elle l’avait fait avant chacune des décisions prises par sa fille, pour lui laisser le temps de revenir en arrière. Mais elle n’en a pas eu le temps, ce matin.

Les enfants se pressent tous les deux contre elle, ils tentent de se rapprocher encore, et elle sent que George tremble. Il serre les poings, elle sait qu’il croit devoir être plus courageux et plus fort que Sophie parce qu’il est son grand frère, même s’il n’est son aîné que de trois minutes. Les enfants de cinq ans ne devraient pas se sentir obligés de faire preuve de courage.

Cette journée aurait dû être une journée ordinaire. Prévoyant la vague de chaleur, elle avait mis au congélateur les gourdes des enfants ; l’eau à l’intérieur aurait le temps de fondre dans la matinée pour devenir fraîche à l’heure du déjeuner et de la récréation. Les jumeaux devraient être en train de se préparer pour l’école. Elle avait hâte de les emmener avant que la chaleur ne s’installe, puis elle voulait aller faire un peu d’exercice à la piscine couverte de sa salle de gym, avant les courses. Elle devait racheter de la crème glacée.

— C’est un vrai revolver ? murmure son fils.

— Chut, dit-elle.

Il sourit et hoche la tête.

— On ne fait pas plus vrai, Georgie.

Hier, George a rapporté de l’école une nouvelle bille, bleue, remplie d’étoiles qu’on ne voit qu’en collant son œil à la surface du verre.

— C’est la plus belle bille que je connaisse, lui a-t-elle dit parce que c’était la vérité, et il a souri, d’un grand sourire généreux qui occupait tout son visage et illuminait ses yeux verts.

Sophie ne s’intéresse pas aux billes, mais elle est obsédée par les figurines Polly Pocket, qu’elle emporte partout et qui lui valent des réprimandes à l’école.

La veille au soir, Katherine a contemplé le plafond pendant quelques heures, incapable de fermer les yeux, inquiète parce que sa fille s’attire des ennuis, à cinq ans. Elle a pris la décision de mettre en place un tableau avec des étoiles à coller pour les enfants, pour les récompenser de leur bonne conduite. Ce qui la préoccupait, c’était que les jumeaux, Sophie surtout, commençaient à sentir une tension à la maison. Elle avait cru, elle avait espéré qu’ils arrivaient à dissimuler leurs problèmes aux enfants, mais elle craignait que ce ne soit pas le cas.

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