Au détour d'un livre

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Retour à Whitechapel, de Michel Moatti

Retour à Whitechapel, de Michel Moatti

Résumé : Le 24 septembre 1941, pendant le Blitz qui écrase Londres sous des tonnes de bombes, Amelia Pritlowe, infirmière du London Hospital, apprend la mort de son père. Celui-ci lui a laissé une lettre posthume lui révélant que sa mère n'est pas morte d'une maladie pulmonaire, comme l'histoire familiale le prétend ; Mary Jane Kelly a été la dernière victime de Jack L’Éventreur. Amelia Pritlowe avait 2 ans.

Auteur : Michel Moatti
Nombre de pages : 432
Edition : 10 X 18
Collection : GRANDS DETECTIV
Date de parution : 3 décembre 2015 (édition poche)
Prix : 19.90€ (Broché) - 8.10€ (Poche) - 9.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2264067258

 

Avis / Critique :

Qui se cache derrière l'identité de Jack l'éventreur ? La réponse est peut-être dans ce livre. Aidé par une recherche dans les dossiers faites avec minutie, Michel Moatti nous livre un roman où la fille présumée (et inventée) de la dernière victime de Jack se met en quête de la vérité. Ici, on passe donc de la vie en 1880 à Whitechapel aux recherches faites par Amélia Pritlowe.

   Les chapitres qui nous plonge dans le Londres de 1880 sont incroyablement bien documentés et nous donne vraiment l'impression d'être au coeur de l'action. On ressentirait presque les odeurs tant l'atmosphère est étonnamment bien illustrée. On vit avec les victimes, on devient témoin de la vie, de leur déchéance, de leur mort. La vie était dure à Whitechapel pour les femmes qui passaient de petits boulots à la prostitution. La vie était malsaine aussi, bercée par la crasse, l'alcool, la pauvreté des uns et des autres; une communauté qui vivait comme elle le pouvait et au milieu d'elle, un tueur.  L'enquête menée par Amelia Pitlowe qui rejoint un cercle d'amateur du crime est contrairement à ce que l'on pourrait le penser la partie peut-être la moins intéressante du livre. manque d'action, des longueurs, peu de dialogues qui enlève ce petit plus qui aurait pu faire de ce livre, un livre parfait. mais une chose est sûre : une fois que vous l'aurez en main et que vous aurez  commencé à le lire, difficile de le lâcher quand on s'intéresse au sujet.

   Alors qui a tué ? Un médecin, le peintre Sickert, McCarthy le logeur, Maybrick le négociant en coton, George Chapman, Pedachenko le médecin russe, ou quelqu'un d'autre ? Pour découvrir la théorie de Michel Moatti, lisez le livre et vivez quelques heures dans le vieux quartier de l'east end : Whitechapel !

A lire aussi de cet auteur : Alice change d'adresse - Tu n'auras pas peur -

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Extrait :
Lundi 12 novembre 1888, neuf heures dix du matin.
Jury d'enquête relatif à la mort de Mary Jeanette Kelly, Shoreditch

Joe Barnett était une sorte de gros garçon à l'allure pataude. Malgré ses trente ans révolus, des joues rondes, un poil jaune et des rouflaquettes de cocher peu fournies l'empêchaient d'avoir tout à fait l'air d'un homme adulte. Il gardait cet aspect d'adolescent attardé, que ses yeux bleus très clairs, presque transparents, renforçaient. Pourtant, ce regard, lorsqu'on le croisait, faisait frémir. On avait l'impression qu'il contenait un fonds inépuisable de rage qui ne demandait qu'à se libérer.
Ce matin du 12 novembre, Joe Barnett était justement plein de rage en se présentant devant le jury de Shoreditch, pour témoigner sur l'assassinat de sa dernière compagne, Mary Kelly. Il se vit soudain debout devant une assemblée d'hommes en gilets et redingotes, tous la mine très imprégnée de leur mission, fronçant également les sourcils pour mieux dévisager celui qui faisait figure, dès l'ouverture de cette audition, de suspect idéal. Joe Barnett sentit la culpabilité sourdre de lui comme le suc d'un fruit mûr à l'instant même où le coroner le regarda fixement.
Nom de Dieu, pensa-t-il, ils vont me resservir cette histoire de carreau cassé, et l'une ou l'autre des putains de Miller's Court va se mettre à raconter qu'elle m'a entendu cent fois crier et menacer du monde dans Spitalfields.
Son pas résonna comme un coup de fusil dans une cathédrale quand il approcha des jurés tapis près du coroner comme des canetons autour de leur mère.
Le contraste entre ce qu'il était et l'image que renvoyaient ces hommes aux allures de notaires et de chefs de service le frappa comme un coup de poing. L'odeur de poisson rance qui s'exhalait de son paletot sombre aux taches suspectes se fit plus forte. Joe Barnett jeta un regard sur ses brodequins ferrés, largement recouverts de la boue jaune des abords du fleuve. Il inspecta enfin ses pantalons de gros drap couleur mastic, dont les genoux déformés s'auréolaient de cambouis et de graisse. Il fut submergé non plus seulement par la rage, mais par une violente vague de haine.
J'suis un ouvrier, nom d'un chien, et me v'là devant toute une troupe de flandrins qui n'va pas m'rater... Joe Barnett fit quelques pas en direction de la grande estrade où le coroner le regardait avancer, à la manière d'un boa laissant venir à lui un minuscule rongeur. La honte, brutalement, s'empara de lui. Tout ce qu'il était lui sembla misérable. Même son petit chapeau billicock, dont il avait été si fier, lui semblait un accessoire grotesque, qui le transformait en clown. Son sentiment d'infériorité se réveilla. Les putains aussi le regardaient de la même manière : parfois, aux Ten Bells, les filles fixaient leurs regards sur lui en murmurant, avant de s'esclaffer. Combien de fois avait-il retrouvé Commercial Street avec cette aigreur et cette affliction ? Ces soirs-là, il lui fallait marcher, au-delà de Whitechapel High Street, et se perdre dans des public houses miteux, dans Shadwell. Le sol était de terre battue, on y avait répandu de la sciure, comme dans les boucheries, et l'odeur de moisi donnait un goût de vase à la bière. Il buvait tout l'argent qu'il avait sur lui, et remontait ensuite, en vacillant, jusqu'à Bishopsgate ou dans Gray's Inn Road, pour dormir chez sa soeur.

Bande-annonce Retour à Whitechapel, Michel Moatti - Jack l'éventreur

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