4 Décembre 2022
Résumé : Janvier 1980. Joshua Auberson est agent de sécurité à l’Avalanche Hôtel, sublime palace des Alpes suisses. Il enquête sur la disparition d’une jeune cliente avec un sentiment d’étrangeté. Quelque chose cloche autour de lui, il en est sûr. Le barman, un géant taciturne, lui demande de le suivre dans la montagne, en pleine tempête de neige. Joshua a si froid qu’il perd connaissance…
Auteur : Nicko Tackian
Nombre de pages : 270
Éditeur : Calmann Levy Noir
Date de parution : 2 janvier 2019
Prix : 18.50€ (Broché) - 7.70€ (poche) - 0€ (essai audible)
ISBN : 978-2702163290
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Une ambiance étrange ou tout se confond. Va-et-vient dans des flash-back qui sont des souvenirs, des constructions d'une mémoire qui reconstitue l'histoire de Joshua, un policier après qu'il se soit retrouvé sous une avalanche. Mais comment en est-il arrivé là ?
Le voilà qu'il se voit comme agent de sécurité dans l'hôtel du coin, un palace dans lequel une jeune fille de 18 ans, Catherine Alexander s'est volatilisée, le lendemain de son anniversaire en janvier 1980.
Joshua reprend ses esprits après avoir failli mourir dans une avalanche. Il a été sauvé in extremis par un habitant du coin, mais il en garde des séquelles. Joshua n'est plus le même depuis, car maintenant, il a des flashs parfois éveillé, parfois lorsqu'il dort. Il voit les évènements tels qu'ils se sont déroulés à l'Avalanche Hôtel qui s'appelle en réalité, Le Bellevue Grand Palace. Mais Joshua est perdu, car la vérité et les souvenirs se mêlent et impossible vraiment pour lui de savoir ce qui est vrai de ce qui est faux. Il voit d'ailleurs, un homme, Clovis, partout. Pour Joshua, il est au cœur du mystère qui entoure la disparition de Catherine Alexander.
Et que dire de cette femme qui est plongée dans le coma à l'hôpital ? Quel est son lien avec la disparue dont elle avait la photo dans la poche de son pantalon ?
Pour Joshua Anderson, lieutenant de police à la brigade cantonale de Vaudoix, une longue quête commence qui va bousculer jusqu'à son origine.
Qui est Joshua lui-même, d'où vient-il ?
Aidé de sa fidèle coéquipière Sybille, il va tenter de démêler les nœuds pour accéder enfin à la vérité et remettre en place les évènements pour faire que les souvenirs amènent à la réalité.
Autant le dire, il faut s'accrocher dès le début pour suivre le dédale qu'est le cerveau de Joshua Anderson qui nous emmène tantôt dans ses rêves, dans ses sensations et la réalité. L'auteur, Niko Takian aime à nous perdre et si cela fonctionne bien au début et n'est pas dérangeant, au fur et à mesure cela devient un tantinet pénible, car on passe de l'un à l'autre parfois rapidement, d'autant que les chapitres, courts, s'achèvent souvent sur une situation qui retombe comme un soufflet. Pourtant, ce livre se lit bien et on tient à connaitre la fin.
Autre bémol, le peu de dialogue, qui pour moi participent aussi au fait que le livre peut paraitre vers la fin longuet. Pourtant, l'histoire est intéressante, la façon d'aborder l’énigme aussi. L'auteur torture son héros et nous emmène sur des sentiers sur lesquels on se laisse conduire avec plaisir jusqu'au dénouement. Les faits s'imbriquent lentement alors que l'auteur cherche à nous perdre dans leur complexité.
D'autre part, les personnages sont bien décrits, l'ambiance est prenante. On s'imagine très bien dans ce village de Caux ou à l'intérieur de l’hôtel, en proie à l'hiver froid et glaçant que l'auteur nous dépeint.
Si, donc, j'ai beaucoup aimé l'approche de Niko Tackian dans la mise en scène de son intrigue, si j'ai apprécié les personnages, je déplore par contre le manque de dialogues qui, pour moi, pêche pour en faire un très bon polar. Bref, j'ai aimé, mais je n'ai pas adoré.
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Avalanche Hôtel de Niko Tackian - www.audetourdunlivre.com
1
Un froid glacial lui parcourait le corps. Il était allongé, nu, sur une mosaïque de carrelage vert et blanc. Un filet de sang coulait le long de sa tempe gauche. Où suis-je ? Une petite voix dans sa tête se battait pour recoller les morceaux. Il pivota sur le côté et prit appui sur ses genoux pour se relever. Une légère migraine résonnait dans son crâne comme une musique de bal perdu dans le lointain. Il tourna son visage et observa la pièce : une grande salle de bains aux murs verts dont la baignoire occupait toute la longueur d’une cloison. Tu as glissé en sortant de l’eau. Tu t’es cogné le crâne, dit la voix. Il se pencha machinalement pour constater que la cuve était vide. L’eau a pu s’évacuer… Tu es peut-être là depuis des heures. Face à lui se trouvait une alcôve où étaient nichés deux éviers en céramique et un immense miroir dans lequel il fixa son reflet. Il était brun, de taille moyenne, plutôt bien bâti et devait avoir la trentaine. Tu ne te souviens même pas de ton nom ? Il se massa les tempes, espérant secrètement que ça l’aiderait à retrouver la mémoire. Joe… Joseph… c’est comme ça qu’il devait s’appeler.
Connerie ! J’y crois pas une seconde ! martela la voix. Il serra les poings sur le rebord de l’évier et rapprocha son visage du miroir. Pendant une fraction de seconde, cet homme aux traits fins et aux yeux clairs lui sembla un parfait étranger. Il porta la main à ses tempes et ses doigts remontèrent jusqu’à une entaille sur le côté du crâne.
Une chute je te dis ! Tu t’es cassé la gueule, c’est tout ! La blessure était douloureuse, mais pas insupportable, et la migraine presque disparue. Il se demanda comment il avait pu perdre à ce point la mémoire à cause d’une simple chute. Derrière lui, une barre chromée soutenait deux serviettes blanches estampillées de larges initiales « A-H » ne lui évoquant rien. Il en passa une autour de sa taille et sortit de la salle de bains. Il se trouvait dans une belle chambre d’hôtel. Ses pieds s’enfonçaient dans une moquette épaisse d’un rouge écarlate. Devant lui, un lit deux places recouvert d’un tissu du même vert que celui de la salle de bains et encadré par deux meubles en bois sombre sur lesquels trônaient des lampes art déco et un téléphone à cadran. Sur le côté, un coin salon avec un canapé placé face à une grande porte-fenêtre d’où s’échappait une lumière blanche tellement vive qu’elle paraissait irréelle. Il se rapprocha, portant une main devant ses yeux pour atténuer la pression des rayons. Une large vallée boisée s’étendait vers l’horizon avec, au loin, la silhouette acérée d’une chaîne de montagnes. Un lac d’un bleu intense se nichait au pied des montagnes, donnant au panorama un aspect de carte postale. On n’oublie pas un endroit pareil ! dit la voix. Et pourtant, aucun nom précis n’était associé à cette image d’Épinal. Un courant d’air s’immisça entre les joints des fenêtres et un frisson glacé raviva son mal de crâne. Faut trouver des fringues !
Il se retourna vers l’entrée de la chambre où était installée une armoire en chêne. À l’intérieur, une tringle sur laquelle pendaient une série de costumes sombres, tous identiques, et un nombre correspondant de chemises blanches impeccablement repassées. Il aperçut un badge épinglé sur le revers de l’une des vestes. On y voyait sa photo en noir et blanc suivie du nom « Joshua Auberson » et de la mention « Agent de sécurité », le tout surmonté du logo « A-H » déjà repéré sur les serviettes. Tu vois que tu ne t’appelles pas Joseph ! J’avais raison, tête de nœud !
Joshua… C’était bien lui, aucun doute là-dessus. Il était agent de sécurité dans cet hôtel depuis… longtemps. Ce n’était pas grand-chose, mais la mémoire lui revenait progressivement. Il fallait sans doute être patient. Il entreprit de s’habiller et passa des sous-vêtements découverts dans un tiroir de l’armoire avant d’enfiler une chemise, un costume et des mocassins en cuir plutôt élégants. Debout devant le miroir se trouvait l’agent Joshua Auberson, employé de l’hôtel A-H… « A » pour Airelles ou Alouettes… il n’en savait encore rien, mais ça viendrait. Une sonnerie retentit dans la chambre et il se précipita pour décrocher le téléphone.
— Joshua ? Qu’est-ce que vous faites ? questionna une voix de femme visiblement en rogne.
— Je… j’ai fait une chute, répondit-il avec hésitation.
— Une chute ? Bien… On vous attend dans le salon bleu. On avait rendez-vous à 10 heures, vous vous souvenez ? Vous avez quinze minutes de retard !
— J’arrive tout de suite, dit-il machinalement sans avoir la moindre idée d’où pouvait se trouver le salon bleu en question.
— J’espère bien !
Il raccrocha et jeta un dernier coup d’œil à la chambre – sa chambre ? – avant de se diriger vers la porte. Tu ferais mieux de te grouiller, mon vieux, dit la voix alors qu’il posait la main sur la poignée. Un plan de l’étage était cloué contre la porte avec le parcours à emprunter en cas d’évacuation. Chambre 81. Un voyant rouge s’alluma quelque part dans son crâne. 81… ce nombre lui rappelait quelque chose. Impossible de savoir quoi. Et puis il fixa le mot inscrit en lettres gothiques.
Avalanche Hôtel… A-H… Et il se dit que c’était étrange comme nom pour un hôtel.
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