27 Novembre 2022
Résumé : 1229. Terre sainte.
Alors qu’une mystérieuse secte d’assassins fait régner la terreur, l’empereur mystique Frederic II, l’ordre des teutoniques et les chevaliers templiers s’affrontent pour retrouver le secret des secrets.
De nos jours.
Antoine Marcas part en quête du véritable livre d’Enoch, un manuscrit apocryphe, convoité par des start-up de pointe, prêtes à tout pour s’en emparer.
Auteur : Giacometti et Ravenne
Nombre de pages : 448
Éditeur : JC Lattès
Date de parution : 12 octobre 2022
Prix : 22€ (Broché) - 15.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2709663335
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Revoilà le commissaire Marcas, le franc-maçon préféré de la littérature policière et d'aventures qui va se retrouver au cœur d'une affaire qui va entremêler intelligence artificielle, ordinateur quantique et livre d'Enoch.
Comme à leur habitude, Giacometti et Ravenne découpent leur livre en deux parties : d'une part, l'on suit les aventures d'un templier en 1229 et d'autre part Antoine Marcas, aujourd'hui.
Le livre commence au cœur de la vallée de Qadisha, dans un monastère où plusieurs hommes sont réunis. un certain Bashir doit recevoir le premier signe instruit par les Grands Anciens. Mais voilà que des hommes à la solde d'un seigneur de la montagne vient pour les faire taire lui et les moines. L'homme a juste le temps de voir le signe qui est celui de l'infini, un huit renversé, « ∞ ».
Bétlheem. Un templier, Hugo de Montfort vient de sauver le négociateur de l'émir du Caire des mains des hommes du seigneur de la montagne. Mais l'empereur Frederic II qui n'aime guère les templiers cherche à le faire arrêter pour le faire parler et calmer les musulmans. Il lui faut un bouc émissaire, ce sera Hugo. Celui-ci s'échappe d'autant qu'il a vu le signe de l'infini et que certains pensent qu'il détient des informations à ce sujet. En compagnie d'une jeune Juive et du négociateur, Hugo part vers le désert, à la recherche d'une communauté ancienne qui détient un ancien secret, celui du livre d'Enoch.
De nos jours, Antoine Marcas assiste en Égypte via l'intelligence artificielle à une immersion dans le méta-verse où il est un Dieu Égyptien. Cette expérience a été créée par une compagnie française, OxO qui est en passe de construire l'ordinateur quantique, le DRY 3 qui révolutionnera la technologie, et le monde. Mais un groupe, appelé la Nuée, met tout en œuvre pour empêcher ce projet, en essayant d'une part de tuer la directrice du groupe mais aussi en tentant de dynamiter celui-ci.
Léna Cazar, la directrice d'OxO veut employer Marcas pour retrouver la trace des feuillets manquant du livre d'Enoch, mais le commissaire hésite. C'est qu'il vit à présent une histoire d'amour avec Alice et compte bien se poser enfin et en finir avec les aventures. Seulement, Léna Cazar lui offre en échange le carnet intime rédigé par son ancêtre, Tristan Marcas (oui, celui de la saga du Soleil Noir). Appâté, Marcas accepte et s'embarque alors pour le Portugal, poursuivi par les hommes de La Nuée qui veulent absolument l'empêcher de découvrir les feuillets et surtout de les donner à Léna Cazar.
Ce livre nous permet de retrouver enfin le commissaire Marcas et de suivre une aventure palpitante qui se lit rapidement. Le duo Giacometti et Ravenne nous plonge dans l'histoire de la fin de la présence des Templiers, et de l'effondrement du Saint-Empire romain germanique au Moyen-Orient. Comme d'habitude, on apprend nombre de choses que ce soit sur les fondements de la chrétienté, les Templiers, les chevaliers Teutoniques, Baphomet, l'empereur Frederic, et le dictateur portugais Salazar.
Mélange d'histoire, de sciences, d'aventures, et mâtiné de secrets et de sectes, le duo nous livre une nouvelle fois un livre qui nous fait passer un bon moment. Pas de temps mort, on saute d'une époque à une autre, passant de l'Orient à Paris et jusqu'à Tomar, au Portugal à la recherche du livre d'Enoch.
Même si on se doute de la fin de l'histoire, Giacometti et Ravenne savent nous happer et nous appâter pour notre plus grand plaisir.
Ce royaume perdu est un excellent Marcas.
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Les livres de Giacometti et Ravenne sur le blog
- 669 (la saga du soleil noir, tome 5)
- Résurrection (la saga du soleil noir, tome 4)
- La relique du Chaos (la saga du soleil noir, tome 3)
- La nuit du mal (la saga du soleil noir, tome 2)
- Le triomphe des ténèbres (la saga du soleil noir, tome 1)
- In Nomine
- Conjuration Casanova
- Le règne des Illuminati
- Le temple noir
- Conspiration
- L'empire du Graal
- Marcas
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Le royaume perdu, de Giacometti et Ravenne - "www.audetourdunlivre.com"
La longue barque glissait dans l’horizon crépusculaire. Elle tanguait doucement, c’était à peine si l’on pouvait discerner les ondulations à la surface du Nil. L’air était chaud et doux, presque embaumé. Antoine Marcas leva la tête vers un ciel d’encre, piqueté d’une longue traînée de cristaux, tel un bracelet scintillant accroché à la voûte céleste.
Il se tenait droit sur le bastingage, savourant la beauté de cette croisière impromptue. De chaque côté, de hautes dunes se dressaient, murailles de sable et d’or se perdant à l’infini.
Au début de la traversée, les rives du Nil étaient vertes, gorgées d’eau, tels des rubans fertiles et limoneux. À cet instant ce n’était que sable et poussière.
Il détourna la tête vers le groupe d’invités et la vit à nouveau.
La lionne blanche.
Elle le fixait. La tête altière figée dans sa direction. Ses pupilles plus dorées que les dunes le scrutaient à travers des yeux effilés à moitié clos. Ce n’était pas la première fois que la lionne à la robe blanche immaculée l’observait depuis le début de la traversée. Cette fois, Antoine Marcas lui renvoya son regard, mais le fauve se tourna vers une gazelle en robe longue couleur chair qui ne semblait nullement effrayée en sa présence.
Antoine ne savait pas qui se cachait derrière cette lionne, mais elle marquait un intérêt pour lui. Elle, comme la dizaine d’autres invités, arborait un masque de divinité de l’ancienne Égypte. Les hommes portaient des smokings, les femmes des robes longues aux couleurs chatoyantes ou des costumes cintrés d’un blanc immaculé. Antoine incarnait Thot le scribe
des dieux et se rafraîchissait la mémoire sur le panthéon égyptien, identifiant Sekhmet la lionne guerrière, fille du dieu Rê, Anoukis sa sœur gazelle, gardienne du fleuve sacré, et çà et là, adossés aux rambardes de l’esquif, un faucon Horus, fils d’Osiris, maître de l’ordre et de l’harmonie, et une femme en robe crème avec le curieux masque canidé effilé du dieu Seth, l’assassin d’Osiris. Pour les autres, scarabée, chat, poisson, sa mémoire lui faisait défaut. Une chose était sûre, il était en divine compagnie. Les masques étaient d’un réalisme étonnant, pas vraiment du genre de ceux que l’on achète sur Internet ou dans une boutique de déguisements. On aurait dit qu’ils avaient épousé la forme des visages de chaque invité, comme une seconde peau.
Dieux, morts et infini
C’était le thème inscrit sur le carton d’invitation de cette soirée étonnante. On avait attribué à chaque invité un avatar divin. Pourquoi avait-il été assimilé à Thot ? Il n’en avait aucune idée. Peut-être le hasard.
La felouque avançait sans voile déployée. À l’arrière, deux hommes, des colosses au torse puissant, en pagne et à tête de taureau, maniaient les rames avec régularité.
L’embarcation ralentit doucement alors que la nuit nappait inexorablement les dunes devenues grises. Un bruit de corne retentit sur leur droite. Grave, long, incongru, inquiétant. Comme s’il surgissait des entrailles des forteresses de sable. Un silence tout aussi profond s’installa. Le groupe tourna la tête au même moment. Au détour d’une montagne de sable apparut un monument d’une beauté singulière.
Deux statues d’Anubis taillées dans un granit bleu nuit, presque phosphorescent, se dressaient sous les yeux ébahis des invités. Anubis, le passeur de l’au-delà. Le chacal ténébreux qui préside à la pesée des âmes.
Entre les deux titans on apercevait un mausolée sombre et gigantesque où aurait pu loger l’Arc de triomphe. Marcas ne se souvenait pas d’avoir déjà vu cet ensemble monumental dans le patrimoine égyptien. Un immense symbole était gravé au fronton de l’entrée. Antoine l’identifia sans peine, l’Œil oudjat. L’œil perdu par Horus au cours de son combat contre Seth. L’œil qui voit tout et qui guérit. Un souvenir d’une tenue maçonnique dans une loge de rite Memphis Misraïm à Paris, où les frères et les sœurs ne juraient que par la symbolique égyptienne.
L’esquif accosta à un ponton de pierre sur lequel s’échouaient des vaguelettes. Une silhouette vêtue d’une robe de bure les attendait sur une allée qui menait aux statues, ourlée de chaque côté d’une rangée de palmiers longs et ondulants. Il renversa sa capuche quand les premiers passagers mirent pied à terre. Son visage était celui d’Anubis.
En silence, il tendit la main en direction de l’ouverture béante du mausolée, puis s’engagea dans l’allée d’un pas léger, comme s’il glissait sur la terre brune.
Marcas descendit en dernier et surprit encore une fois le regard de la femme lionne. Soudain, un nouveau coup de corne retentit. Il venait de l’intérieur du mausolée. Un frisson parcourut le petit groupe qui suivit le cerbère.
Dieux, morts et infini
Les dieux c’étaient eux, les invités. Mais les morts ?
La présence des statues titanesques et du cerbère à tête de chacal ne laissait aucun doute. Ils entraient dans leur royaume. Marcas remarqua la présence de deux colonnes qui encadraient l’entrée. Elles ressemblaient à s’y méprendre à celles des temples maçonniques.
Le groupe pénétra dans le mausolée. Antoine jeta un ultime coup d’œil derrière lui, en direction du Nil, et vit la felouque s’éloigner du ponton. Au moment où il détournait son regard du fleuve sacré pour reprendre la marche, une exclamation fusa. Les invités levaient tous la tête vers les hauteurs infinies du tunnel. Des yeux apparurent tout là-haut. Des dizaines, des centaines de pupilles dilatées qui les observaient. Leurs paupières clignant régulièrement.
C’était beau et angoissant.
Puis les yeux disparurent et une myriade de hiéroglyphes illuminèrent le vaste plafond, comme un essaim d’étoiles. Elles se teintèrent d’un vert opalescent et un grondement se répercuta de bout en bout, suivi de craquements sinistres.
Les hiéroglyphes se détachaient tout là-haut, chutaient sur eux. Des myriades de caractères égyptiens tombaient dans une cascade d’émeraude luminescente.
Une pluie de hiéroglyphes.
Apeurés, les dieux se courbèrent, tendant leurs mains au-dessus de leurs têtes comme pour se protéger de cette manne infernale qui allait les déchiqueter. Marcas se baissa lui aussi, mais il vit deux silhouettes qui restaient debout, impavides.
Anubis et Sekhmet, la femme lionne.
Les hiéroglyphes tombaient en cascade, formant comme des halos lumineux autour de leurs corps. Il se leva à son tour et tendit les bras : la pluie émeraude se dissolvait autour de ses mains. Ce n’étaient que des hologrammes. L’effet était saisissant. Il se redressa et fut baigné lui aussi par cette pluie de lumière qui lui fit penser à Matrix. Mais pas de chiffres. Les hiéroglyphes s’étaient métamorphosés en caractères. Sanscrits, grecs, hébraïques, latins,
arabes, chinois… Une pluie de lettres de toutes les cultures, tous les horizons, le savoir de l’humanité. La pluie de la connaissance.
Soudain, le ruissellement cessa.
Ils étaient à nouveau plongés dans les ténèbres. Un souffle retentit tout au fond du tunnel. Et une lumière apparut. Blanche, irradiante. Elle fonçait vers eux et grossissait à vue d’œil dans un bruit de tempête. Ils sentaient un vent les fouetter. La lumière devint distincte, c’était un chiffre. Le 8, couché. Il y en avait des centaines qui se suivaient. Marcas le reconnut tout de suite. C’était le signe de l’infini.
Les symboles les percutèrent de plein fouet et les traversèrent de part en part, s’enroulant autour de leurs jambes, de leurs bras, de leurs nuques comme des lassos ou des serpents. Marcas se sentit fondre dans les symboles. Il perdit tout sens de la réalité. Le vent devenait de plus en plus violent et le fouettait sans relâche. Il vacillait sur lui-même. Comme les autres dieux qui tentaient de tenir debout tels des pantins pitoyables, manipulés par un marionnettiste fou. Il y avait quelque chose de grotesque à voir ces êtres hybrides mi-hommes mi-animaux qui se tortillaient. Il ne rêvait pas. La morsure du vent n’était pas une illusion, ses muscles luttaient contre la bourrasque. Tout cela était bien réel.
Un grondement monta cette fois des profondeurs. Il regarda le sol et découvrit avec effroi un gouffre béant s’ouvrir sous ses pieds. Il les vit distinctement. En bas, des corps nus, rougeoyants qui se tordaient en tous sens. Des damnés. Des démons. Ils sortaient de toute part, au cœur des parois rocheuses. Ils tendaient les bras vers lui. C’était fascinant. Hypnotisant.
Le royaume des morts.
Marcas se sentit chuter. Pas comme un dieu. Non. Comme un ange de la désolation.
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