18 Décembre 2018
Résumé : Insolente, rebelle, Ronit a quitté l'Angleterre et la communauté juive orthodoxe à dix-huit ans, direction New York. Refusant de se plier au destin tout tracé de mère de famille et d'épouse, elle a désobéi à son père, le grand Rav Krushka. À la mort de ce dernier, quinze ans plus tard, Ronit est rappelée auprès de sa famille, à Hendon.
Auteur : Naomi Alderman
Nombre de pages : 336
Edition : Le livre de poche
Collection : Littérature
Date de parution : 6 juin 2018
Prix : 7.90€ (poche) - 3.91€ (occasion)
ISBN : 978-2253906933
Pour ceux et celles qui ont vu le film, le livre décevra. En effet, s'il reprend la trame principale, la fin n'est pas tout à fait la même et le livre est principalement tourné sur la vie d'une communauté juive orthodoxe et rigoriste. Il est intéressant par l'approche qu'il amène en positionnant une femme partie plusieurs années auparavant pour fuir cette vie à New York et une autre, son amante, restée au cœur de la communauté jusqu'à se marier avec le neveu du Rav.
Si Naomi Alderman dépeint cette histoire d'amour dans son roman, celle-ci n'occupe pas la place principale, bien au contraire. Ce sont plutôt les rites, les cérémonies, les coutumes de cette communauté qui sont au cœur de celui-ci. L'histoire d'amour est distillée en filigrane et est là pour chambouler la communauté en racontant les retrouvailles entre les deux femmes et ce qui va en découler.
Le rythme du livre est plutôt lent. En effet, on suit tour à tour les pensées de Dovit, de Ronit, et parfois d'Esti et le tout est ponctué de longues descriptions sur l'environnement dans lequel ils évoluent tour à tour, dont la cérémonie qui entoure la mort du Rav et sa succession à venir.
Ce livre plus qu'une histoire d'amitié et d'amour entre les trois protagonistes principaux dépeint donc une communauté juive orthodoxe. On y apprend beaucoup de choses, et c'est ce qui en fait le côté intéressant mais en même temps, pour les non-initiés c'est trop présent et cela enlève tout l'intérêt du reste.
C'est dommage.
Il vaut donc mieux voir le film en premier que de lire le livre.
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La nuit précédente, j’avais rêvé de lui. Vraiment. Je l’avais reconnu à ses paroles. Je rêvais d’une immense pièce remplie de livres, d’étagères à n’en plus finir, du sol au plafond, encore et encore, et plus je regardais, plus les limites de ma vision reculaient. Je comprenais que les livres et les mots étaient tout ce qui était, avait été ou serait. Je me mettais à marcher ; mes pas étaient silencieux et, en baissant les yeux, je voyais que je marchais sur des mots, que les murs, le plafond, les tables, les lampes et les chaises étaient des mots.
Je continuais à marcher, je savais où j’allais, et je savais ce que j’y trouverais. J’arrivais devant une large et longue table. Table, dit-elle. Je suis une table. Depuis toujours, je suis une table et je le resterai. Sur la table, il y avait un livre. Et le livre, c’était lui. Je le reconnaissais à ses mots. En vérité, je l’aurais reconnu s’il avait été une lampe, une plante verte ou un modèle réduit sur la voie express de Long Island. Mais comme par hasard, il était un livre. Sur la couverture, les mots étaient simples, des mots justes. Dont je ne me souviens pas.
Et, comme cela arrive dans les rêves, je savais que je devais ouvrir le livre. Je tendais la main et je l’ouvrais, et je lisais la première ligne. Tandis que je lisais, l’écho des mots se répercutait dans la bibliothèque. Ils disaient, comme Dieu l’a dit à Abraham : « Tu es celui que J’ai choisi. Quitte cette terre et va dans un endroit que Je t’indiquerai ! »
Bon, d’accord, la fin, je l’ai inventée. Mais le reste est authentique. Je me suis réveillée avec la migraine, ce qui ne m’arrive jamais, et l’impression que quelqu’un m’avait lancé un dictionnaire sur le crâne pendant la nuit. Il a fallu que je prenne une douche particulièrement longue et chaude pour extraire les mots de mon cerveau et chasser la tension de mes épaules, ce qui, naturellement, m’a mise en retard pour aller au bureau. Je marchais sur Broadway à la recherche d’un de ces taxis new-yorkais que vous trouvez seulement lorsque vous n’en avez pas besoin, quand soudain une voix m’a dit, comme si elle me parlait à l’oreille :
— Excusez-moi, vous êtes juive ?
Je me suis arrêtée, sursautant presque, tant c’était proche et inattendu. Surtout à New York où tout le monde est juif en fin de compte. Je me suis retournée, histoire de voir qui parlait, et j’ai vite compris le truc en découvrant un type bien habillé, avec une barbe bien taillée et un paquet de prospectus : visiblement, son but était de faire adhérer des juifs à sa super-religion cent pour cent premier choix.
Pauvre garçon. Vraiment. Primo, parce que j’étais en retard et donc de mauvaise humeur. Secundo, à cause de ce rêve. Normalement, j’aurais continué mon chemin. Mais il y a des jours comme ça, où on cherche la bagarre.
— Oui, je suis juive, lui ai-je dit. Et alors ?
Si ce n’est, bien sûr, que je parlais avec un accent anglais, ce qui, je l’ai tout de suite vu, le rendit perplexe. D’un côté, il avait envie de dire : « Ah, vous êtes anglaise ! » Parce qu’il était américain et qu’ils adorent me dire ça. Mais d’un autre côté, Dieu l’encourageait, lui murmurait à l’oreille : « Regarde, tu as ici une femme que toi, mon ami, tu peux rallier à la vertu. » L’homme s’est ressaisi. Tant d’âmes à sauver, de mondes à conquérir.
— Je peux vous proposer de participer à un séminaire gratuit sur l’histoire du judaïsme ?
Et voilà. C’était un de ces types. Qui vous vendent non pas une nouvelle religion, mais l’ancienne ; qui vous ramènent sur le chemin de la foi. Séminaires privés sur l’histoire du judaïsme, dîners le vendredi soir, le tout assaisonné d’un peu de Bible. Ça peut marcher, j’imagine, avec ceux qui n’ont jamais connu ça, qui n’en ont pas l’expérience. Pas avec moi. Je pourrais pratiquement animer ce genre de séminaires.
— Non, pas maintenant, je suis pressée, ai-je dit.
J’étais sur le point de me retourner et de partir lorsqu’il a touché ma manche, il l’a à peine effleurée de la paume de sa main, comme pour palper le tissu de mon manteau, mais cela a suffi à me faire légèrement disjoncter. J’en ai presque désiré un Loubavitch, un de ces religieux dont on sent la sueur et le désespoir à un mètre et qui jamais ne toucheraient une femme. Le type m’a tendu un prospectus.
— Nous sommes tous très pressés. L’époque est à la course. Mais notre héritage ancestral mérite que l’on s’y arrête. Prenez un programme. Nos activités ont lieu dans toute la ville. Vous venez quand vous voulez.
J’ai pris le dépliant. J’y ai jeté un coup d’œil, bien décidée à m’en aller.
Puis je l’ai examiné d’un peu plus près, sans bouger. Je l’ai lu et relu en essayant d’assimiler ce que j’avais sous les yeux. Sur le recto, un autocollant jaune vif annonçait : « Lundi soir, séance spéciale du séminaire – Rabbi Tony parlera du livre de Rav Krushka, Day by Day, et de la mise en pratique de ses leçons dans notre vie quotidienne. » D’accord, je savais qu’il avait écrit un livre, mais cela faisait combien de temps qu’il était paru ici ? Et quand avait-il mis au point des leçons pour nous aider à vivre ? Et depuis quand des gens se faisant appeler « rabbi Tony » avaient commencé à s’y intéresser ?
J’ai désigné l’autocollant jaune et demandé :
— Qu’est-ce que c’est ?
— Vous vous intéressez au Rav Krushka ? C’est une présentation merveilleuse. Qui reprend l’essentiel de ses enseignements. C’est très inspirant.
Le pauvre. Ce n’était pas sa faute. Vraiment pas.
— Vous vous appelez comment ? ai-je dit.
Il m’a fait un large sourire.
— Chaim. Chaim Weisenburg.
— Dites-moi, Chaim, vous faites ça pour quoi, au juste ?
— Ça ?
— Oui, ça, rester debout au coin de la rue, distribuer des prospectus aux passants. On vous paie ? On vous menace ?
Chaim a cligné des yeux.
— Non. Non. Je suis bénévole.
J’ai hoché la tête.
— Vous faites ça par bonté d’âme ?
— Je le fais parce que je crois que c’est la chose à faire. Notre héritage…
Je lui ai coupé la parole.
— D’accord. L’héritage. Mais ce n’est pas de l’héritage que vous vendez là, n’est-ce pas Chaim ? C’est de la religion.
Il a écarté les bras, légèrement agacé.
— Je ne dirais pas exactement vendre, c’est plus…
— Vous ne diriez pas vendre ? Mais vous recevez quelque chose en échange, si vous répandez toute cette religion, non ?
Il a essayé de parler, mais j’étais lancée.
— Vous, Chaim Weisenburg, vous aurez droit à une place spéciale dans l’autre monde, j’imagine, si vous parvenez à recruter quelques juifs égarés ? C’est pas plutôt ça qui vous motive ? Le profit ? Franchement, Chaim, vous faites ça pour vous, hein ?
Il était en colère maintenant.
— Non. Non, absolument pas. Il ne s’agit pas de ça du tout. Dieu nous a commandé de…
— Ah, voilà. On y arrive. Dieu vous a commandé. Dieu vous dit de faire quelque chose et vous vous précipitez. Vous le faites parce que vous pensez que Dieu le veut, c’est ça ? Dieu veut que vous retrouviez les juifs égarés et que vous les rameniez à la maison ?
Chaim a acquiescé. Quelques passants se sont retournés, mais aucun ne s’est arrêté.
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Bande annonce film Désobeissance (Desobedience)
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