6 Juin 2019
Résumé : Une nouvelle enquête de la Web-reporter Lynn Dunsday découverte dans Tu n'auras pas peur (Prix polar Cognac 2017). Des femmes sont recrutées au fin fond de l'Europe par des organisations criminelles dont la violence est sans limite. L'une d'elle est retrouvée assassinée en Angleterre après avoir été au centre d'un scandale qui a éclaboussé un des plus hauts pairs du Royaume.
Auteur : Michel Moatti
Nombre de pages : 318
Edition : Hervé Chopin
Date de parution : 6 juin 2019
Prix : 19€ (Broché) - 12.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2357204737
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La prostitution venue des pays de l'Est est au cœur du nouveau roman de Michel Moatti. Et c'est glaçant la manière dont l'auteur nous dépeint leur cheminement jusqu'en Angleterre, ces filles traitées par leur bourreau comme des choses et non plus comme des êtres humains. Michel Moatti parvient complètement à nous faire ressentir leur peur, la violence qui s'exerce sur elles, jusqu'à être tuées pour servir d'exemples aux autres et finir par être brisées. Alors ce roman, qui pourrait être un thriller, nous amène à suivre une nouvelle enquête de la reporter Lynn Dunsday. Et autant, le réalisme du périple des prostituées parvient à nous faire ressentir des émotions et à nous scotcher, autant le reste m'a paru assez insipide et long.
Je m'attendais à mieux, je dois l'avouer dans la première partie qui n'avance pas beaucoup dans une intrigue que l'on cherche au fil des pages. Il y a peu de dialogues, et il ne se passe pas grand-chose dans la vie de Lynn Dunsday à part la découverte de sa grossesse ni dans l'enquête sur la prostituée retrouvée morte. Il faut attendre la seconde partie, vers la page 150 pour que Michel Moatti mette un coup d'accélérateur. Et là, c'est plutôt pas mal, car l'intrigue prend du corps et petit à petit Lynn Dunsday parvient à se rapprocher des Orcs (les hommes de main et bourreaux) et des Princes (ceux qui utilisent les prostituées) jusqu'à voir sa vie et celle de son bébé menacées.
Bon, la fin est un peu rapide, mais pour le coup comme je l'ai dit, c'est la partie la plus intéressante du roman. Dommage que Michel Moatti ait eu ce rythme de croisière sur le début. En tous les cas, le sujet est intéressant, car basé sur des faits réels comme il le rappelle à la toute fin de "Et tout sera silence". En effet, c'est l'affaire d'un Lord anglais, membre de la Chambre des communes pris la main dans le sac alors qu'il se positionnait comme étant le monsieur vertu du gouvernement qui inspira Moatti.
Ce roman en demi-teinte a le mérite quand même de nous faire découvrir le monde terrible de la prostitution des filles issues des pays de l'Est dans un monde dénué de toute humanité où elles sont battues, utilisées pour des films pornos violents, avant de finir, pour celles qui ne sont pas trop amochées, dans des spas comme masseuses sexuelles.
Dans le roman c'est grâce à l'une de ces anciennes victimes et d'un meurtre que la journaliste Dunsday va remonter le fil de la pelote.
Un sujet intéressant avec un bon traitement, mais qui manque de rythme.
Autres livres de Michel Moatti sur ce blog :
- Les retournants
- Tu n'auras pas peur
- Alice change d'adresse
Merci à Agnès Chalnot pour la découverte de "Et tout sera silence"
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Le camion s'était arrêté. Magdalena Lewandowska sentit bientôt que cette halte-là était différente des précédentes. Il ne se passait rien. D'ordinaire, elles entendaient les portières claquer à peine le moteur coupé. Et le bruit des pas de chaque côté de la remorque, qui venaient vers elles. Là, rien. Ça ne bougeait pas. Elle tendit l'oreille. Les types bavardaient dans la cabine. Les deux types des arrêtes précédents, ou d'autres, qui avaient pu monter quelque part en route, pendant leur sommeil ou lors d'une halte, une fois qu'elles avaient été rebouclées à l'arrière. Impossible de le savoir.
Une demi-heure passa. une fille gémissait, collée contre la paroi du fond, le plus loin possible du hayon. Elle avait été salement amochée lors du tabassage dans le hangar, quand ils les avaient fait descendre deux par deux et qu'ils... Oui, ils ne l'avaient pas ratée, celle-ci. Elle pensa qu'ils lui avaient tout simplement bousillé l’œil. Définitivement. Pas un vilain coquard, un hématome qui la forcerait à garder la paupière fermée une semaine ou deux. Non. L’œil avait dû y passer. Une humeur gélatineuse filtrait en permanence sur sa joue, et dans la lueur blafarde de l'arrière, ça ressemblait à de l’œuf écrasé. Du blanc d’œuf teinté de vert pâle.
Une heure maintenant qu'ils étaient arrêtés. Presque une heure, au moins. Enfin, elle entendit les portières claquer. De chaque côté, on avait sauté à terre. Le hayon vibra et se mit en mouvement. Une fente apparut, laissant entrer un jour blanc de lumière au néon. Les deux types étaient là, debout. Le haut de leur corps dépassant du seuil. En contre-jour, elle ne fut pas certaine de les reconnaître. Si, un des deux, celui qui portait un béret à la Guevara, était déjà là. Il avait été du voyage presque dès le départ. Elle se souvenait l'avoir vu lors d'une des toutes premières haltes, à Katowice. Est-ce qu'elle retournerait un jour à Katowice ? se demanda-t-elle, bêtement. Et il traînait aussi dans ce camp terrible, en Italie. Le type au béret se jucha à bord de la remorque. Instinctivement, les filles se rassirent contre les parois latérales. Il s'avança parmi elles, lentement, sans en dévisager aucune. Il marcha vers le fond du camion, là où la fille à l’œil bousillé s'était accroupie, en miaulant de peur et de douleur. Il s'approcha d'elle, la dominant de toute sa hauteur. Brutalement, de sa ceinture, il fit surgir un de ces piolets de glacier, à la lame striée de dents équilibrée par un mince marteau d'acier bleui. D'un geste insensé, il balaya l'air de son arme et le pic se ficha dans l'épaule de la fille qui hurla en hoquetant.
Les dents de métal avaient mordu profondément la chair et faisaient crochet. L'homme, d'un mouvement tournant, ramena la fille vers lui et, la tirant comme une pièce de viande, la fit glisser vers le hayon. Il sauta à terre et, à sa suite, fit basculer la fille sur le sol, qu'elle toucha dans un bruit mat. Elle avait dû se briser quelque chose, dedans. Ce bruit. Ce bruit lui amena un reflux dans la gorge. Elle allait vomir. Les hurlements de la fille n'avaient pas cessé. On aurait cru entendre une bête à l'agonie, hurlant en espérant encore que quelque chose pourrait faire cesser la souffrance et la terreur. L'autre type referma le hayon pneumatique. Plusieurs filles, dans le camion, choquées au dernier degré, haletaient en cherchant leur souffle. Une s'écroula, commotionnée, et demeura inconsciente sur le sol de linoléum recouvert de crasse. Elle se dit qu'elle allait perdre connaissance, elle aussi. Qu'elles allaient toutes mourir dans cette glu de peur infinie et que ce serait la meilleure chose qui pourrait leur arriver.
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