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2 Août 2022
Résumé : Publier le roman-fleuve de Margaret Mitchell était déjà une gageure, mais faire d'Autant en emporte le vent un film était pure folie. Des centaines de décors, de costumes et d'acteurs pour un film d'une longueur invraisemblable : un défi qui aurait pu ruiner David O. Selznick, son producteur mégalomane, bien décidé à réussir "le plus grand film de tous les temps". Par-delà les tractations cocasses, les difficultés d'adaptation et les imprévus en tous genres, une question centrale s'invite au cœur des débats qui agitent les États-Unis : qui pour incarner Scarlett ?
Auteur : François-Guillaume Lorrain
Nombre de pages : 336
Édition : Flammarion
Date de parution : 5 janvier 2022
Prix : 20€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2080270597
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François-Guillaume Lorrain est un habitué des livres sur l'histoire et sur le cinéma. Ici, il s'intéresse à l'origine de l'un des plus grands films du cinéma : Autant en emporte le vent et nous livre à l'intérieur de ces pages nombre d'anecdotes sur la genèse de ce monument. Tout le monde a entendu parler de Clark Gable, Vivien Leigh, mais si quelques-uns savent combien il fut dur de trouver l'interprète principale, ils découvriront dans ce livre comment se sont déroulés les faits.
Dans un premier temps, François-Guillaume Lorrain s'arrête sur le livre en lui-même. Un pavé de près de 1000 pages dont Lois Cole lut les premières pages données par Margaret Mitchell dans le désordre. A sa lecture, il comprit qu'il tenait là une pépite et le proposa à l'éditeur MacMillan qui renonça aux droits cinéma, les laissant à l'auteure. En effet, l'homme ne pensait pas que quelqu'un serait capable d'adapter une fresque pareille sur grand écran.
Le livre, encore sous forme d'épreuve fit d'entrée de jeu avant même sa parution des aficionados. C'est ce que nous montre François-Guillaume Lorrain. Chaque personne ayant eu entre les mains le futur roman de Mitchell tomba sous le charme de l'histoire de Scarlett. Impossible alors de passer à côté, de ne pas tomber dans son pouvoir d'addiction. Finalement, Kay Brown, qui travaillait pour Selznick, sentit tout de suite le bon filon. Cela tombait bien, Margaret Mitchell avait accepté de céder ses droits d'adaptation.
Mais des péripéties, il y allait en avoir jusqu'au premier tour de bobine. C'est ce que vous découvrirez en lisant cette épopée. On peut citer, le fait que Selznick ne croyant pas au projet a failli passer à côté de ce qui sera son plus grand film ; que Clark Gable a claqué la porte du tournage ne pouvant supporter les ordres du réalisateur, George Cuckor ; que Vivien Leigh tomba amoureuse du roman après l'avoir lu quand elle chuta à ski, qu'elle doit à Myron Selznick le fait d'avoir été introduite sur le tournage pendant ce qui devait être l'incendie d'Atlanta et que Selznick compris qu'il tenait là sa Scarlett ; que nombre d'actrices ont milité pour avoir le rôle ; qu'un casting national fut lancé, etc.
Ce sont surtout les rebondissements du livre, puis du film que nous conte dans ce livre François-Guillaume Lorrain. Il fait un large focus sur David O. Selznick, sa manière de procéder, ses origines, nous parle donc de la découverte du roman et de son arrivée sur grand écran. C'est aussi une façon pour lui de montrer le système Hollywoodien d'alors, la ségrégation raciale dans la société, mais aussi dans le cinéma.
Si cela est profitable et fort intéressant - j'ai adoré personnellement toute l'épopée qui a conduit à la création du film - il est à regretter cependant le manque d'anecdotes de tournage. En effet, le lecteur n'a quasiment rien à se mettre sous la dent de ce côté-là. On aurait aimé avoir quelques interactions entre Vivien Leigh et Gable, de Havilland, MacDaniels sur le set, savoir comment le travail d'acteurs se faisait entre eux. A peine comprend-on que Leigh et de Havilland ont continué à voir George Cukor quand celui-ci a été évincé du film à cause de Clark Gable qui ne supportait son diktat. Mais on aura rien de plus, ni sur les essais des diverses actrices. Cela aurait été intéressant d'avoir un retour de fiche par exemple. Mais ici, les personnages principaux du livre, nous le comprenons, c'est avant tout Scarlett, et David O. Selznick.
J'ai pour ma part beaucoup aimé cet ouvrage, "Autant en emporte le vent" étant un de mes films préféré, mais il est vrai que pour ceux qui attendaient des anecdotes de tournage, ils devront passer leur chemin et s'attaquer peut-être plus aux biographies des acteurs.
Il est, en tout cas, amusant d'apprendre que Selznick, revenant avant sa mort sur les plateaux qui ont vu la maison du domaine de Tara émerger, avait laissé place à un immeuble et aux décors d'une série mondialement connue elle aussi, j'ai nommé Star Trek...
Un livre qui se lit vite pour qui le sujet parle, car les chapitres sont plutôt courts. Pour ceux qui ne connaissent pas les dessous de ce film et ont envie d'en apprendre plus sur la genèse de celui-ci ou du cinéma Hollywoodien avec ceux que l'on appelle "Les Moguls", foncez, il ne faut pas louper l'occasion. Pour les autres, eh bien, ce sera, je pense un avis plus mitigé.
A voir donc en fonction de votre intérêt pour le sujet.
Acheter le livre "Autant en emporte le vent", de Margaret Mitchell
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Scarlett, de François-Guillaume Lorrain - www.audetourdunlivre.com
— Kate, la Fox en propose 35 000, et vous ?
Avant même que le livre ne soit en librairie, des articles misaient déjà sur un intérêt des studios. Quelle somme seraient-ils prêts à débourser ? s’interrogea un journaliste. 35 000 dollars, avait répondu Darryl Zanuck, jeune loup de la Fox. Il avait eu droit à un compte rendu oral d’un de ses lecteurs. L’agent Annie Williams avait fait la grimace. Elle en attendait le double. Mais c’était un premier chiffre. Elle avait eu une illumination. Frank Freeman, l’un des patrons de la Paramount, avait grandi à Atlanta. Il lui avait promis un joli bide, lui avouant que la capitale de la Géorgie lui avait laissé un souvenir épouvantable.
Kate Corbaley était la directrice du service éditorial de la MGM. La diseuse de belles aventures chargée de charmer l’oreille du boss, Louis B. Mayer, qui ne lisait pas. Comme les rois du Moyen Âge, Mayer avait besoin de troubadours qu’il écoutait, assis sur son trône de cuir, les mains croisées sur son ventre. S’il fermait les yeux, il existait de fortes probabilités pour qu’il se relève dans la minute, fasse le tour de son bureau et vienne poser, plein de sollicitude, la main sur l’épaule du récitant, qui s’interrompait, conscient d’avoir raté la cible. S’il ne fermait qu’un œil, on pouvait continuer. S’il les gardait ouverts, c’était peut-être dans la poche.
Mais Mayer n’était pas pour rien l’homme le mieux payé d’Amérique. Un gros salaire qu’il devait moins à ses stars sophistiquées, les Lubitsch, les Garbo, qu’aux courses de chars de Ben-Hur et aux grimaces d’un enfant, Mickey Rooney, sa vache à lait. Cet ancien vendeur de ferraille raffolait des bonnes vieilles comédies familiales ; le reste l’ennuyait. Mais pour être le numéro un, il fallait vendre de tout dans sa boutique et quand Kate Corbaley en eut fini avec son exposé, il comprit trois choses. Un, ce n’était pas un livre comme les autres. Deux, un tel ouvrage dépassait ses compétences. Trois, c’était un problème à soumettre au petit génie de la maison, le calme et distingué Irving Thalberg, qui savait, du moins l’affirmait-il, ce que les gens avaient envie de voir et ce dont ils n’avaient pas envie. S’il y avait des génies taraudés par le doute, Thalberg n’en faisait pas partie. Même si son wunderkind donnait des signes de faiblesse – un cœur qui menaçait de lâcher – Mayer avait toujours vénéré le talent.
— Demandons à Irving ce qu’il en pense, fit-il à Corbaley qui raconta la suite à Annie Williams :
— Mayer a téléphoné devant moi à Irving pour lui résumer mon résumé. Ce qui a donné ceci : Une femme aime un type qui dit qu’il ne l’aime pas et en épouse une autre. Mais c’est pas très clair entre les deux. Un autre type a tout compris et fait tourner la femme en bourrique. Ils finissent par se marier. En fait, ils s’aimaient, mais quand ils s’en rendent compte, il est trop tard. Tout ça se passe chez les Sudistes pendant la guerre de Sécession. Et devine ce que Thalberg a répondu à cette bouillie.
Annie brûlait de le savoir.
— Laisse tomber, Louis, aucun film sur la guerre de Sécession n’a jamais rapporté un dollar.
— Quoi ? hurla Annie Williams. Et Naissance d’une Nation ? Mayer a fait sa fortune en achetant les droits de ce film, il devrait s’en souvenir.
— Calme-toi, Annie. Je crois que Thalberg est au bout du rouleau. Et puis avec Louis, le courant ne passe plus. Chaque fois que le patron lui propose un projet, il l’enterre. Mais quand Thalberg a dit non, c’est non.
Williams accusa le coup. Elle comptait vraiment sur la MGM.
— Rhett Butler, c’est Gable, faut avoir de la merde dans les yeux pour ne pas s’en rendre compte. Or, Gable, il vous appartient !
— Tu as raison, ce serait un rôle magnifique pour Clark. J’y ai pensé dès son apparition au bal des Wilkes, quand il lorgne sur Scarlett avec son sourire de gros matou. Clark était là, avec ses fossettes, son œil qui frise. Je suis désolée.
La Texane l’était davantage encore.
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