7 Mai 2023
Résumé : Dans les montagnes, retiré du monde, un réalisateur de films d'horreur, Morbus Delacroix.
Culte, misanthrope, fou.
Parmi ses fans, une étudiante en cinéma.
Fascinée, intrépide, inconsciente.
À Toulouse, un as des effets spéciaux est retrouvé mort, ligoté sur un lit d'hôpital.
Et si ce meurtre trouvait sa source dans un film maudit ?
Pour le commandant Martin Servaz, peut-être la plus grande énigme de sa carrière...
Auteur : Bernard Minier
Nombre de pages : 501
Éditeur : XO Editions
Date de parution : 6 avril 2023
Prix : 22.90€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2374484976
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Revoilà pour une nouvelle aventure le commandant de police judiciaire, Servaz, plongé dans une enquête qui va le mener dans le milieu du cinéma d'horreur et qui va lui remuer les tripes et peut-être les vôtres aussi.
Le livre commence ainsi : un prêtre est appelé au chevet d'un homme mourant qui va lui remettre une clé USB dans laquelle figure une vidéo qu'il doit remettre à un certain Kenneth Zorn, un ancien producteur de cinéma à la retraite.
Quelques temps plus tard, le 21 juin, un homme, Stan Du Welz qui travaillait lui aussi dans le cinéma est retrouvé mort dans un hôpital psychiatrique. Dans sa bouche, des piqûres d'abeilles. Personne n'a rien vu et les derniers à l'avoir côtoyé sont une infirmière et son médecin. Celui qui occupait la chambre voisine du décédé a mystérieusement disparu.
Cette mort étrange permet au commandant Servaz de reprendre du service sous la plume de Bernard Minier. On retrouve donc son flic de prédilection en proie à une énigme qui tourne toute entière autour du cinéma d'horreur et notamment du réalisateur fictif, Morbus Delacroix, le réalisateur retiré dans les Pyrénées, région de prédilection de l'auteur. Delacroix reçoit la visite d'une étudiante en cinéma, Judith, qui écrit une thèse sur lui. Judith n'est pas là pour rien, elle cherche à en savoir plus sur Orpheus, le film maudit de Morbus qui n'est jamais sorti au cinéma et qui a mis fin à sa carrière de réalisateur, mais surtout à découvrir ce qu'il s'est passé avec l'actrice principale du film. Qu'est-il arrivé durant le tournage de ce film au Mexique où l'actrice a trouvé la mort ? Quel est le rapport entre ce décès, Morbus Delacroix, et les victimes d'aujourd'hui ?
C'est ce que Servaz va tenter de découvrir et pour cela, il va falloir pour le commissaire se plonger dans le monde du cinéma d'horreur et ce qui se cache derrière, en fréquentant des fêtes privés où se retrouvent les aficionados du genre. La partie va s'avérer si difficile qu'un membre de son équipe n'y réchappera pas.
Bernard Minier n'y va donc pas avec le dos de la cuillère dans ce nouvel opus. Il entraine ses personnages dans un monde ponctué de gore et de sensation forte. Tout tourne autour d'un homme, Morbus Delacroix et de son film maudit, "Orpheus".
On retrouve donc un Servaz, en homme célibataire et fragilisé par le départ de sa copine Léa en Afrique qui enquête sur une série de décès étranges, en connexion les uns avec les autres. Le lecteur passe les chapitres à toute vitesse, happée par l'histoire et le style de l'auteur, fluide. Minier nous ponctue son thriller d'anecdotes sur le cinéma d'horreur où on apprend, par exemple, que le second film d'Hitchcock a été perdu à jamais, que la voix du démon qui parlait par la bouche de Regan dans l'Exorciste, était celle d'une actrice, Mercedes McCambridge morte dans l'oubli et l'alcoolisme, et bien d'autres anecdotes encore.
L'auteur conclut son livre par une liste de films d'horreur (150) qu'il conseille et dans laquelle il a inclut les réalisations de son personnage, Morbus Delacroix. Petit plus, Minier étant fan de S.F., il nous conseille aussi quelques lectures à découvrir. Et il offre un petit clin d’œil à Franck Thilliez en faisant se rencontrer le commandant Servaz et Franck Sharko au détour d'un étage de la Crim.
Cette nouvelle aventure du commissaire Servaz est excellente et nous réconcilie avec l'auteur qui était un tantinet en deçà de ses possibilités avec ses derniers livres. Ici, on accroche d'entrée de jeu et on a du mal ensuite à reposer le bouquin. Les rebondissements s'invitent, l'histoire est prenante, il n'y a pas de longueurs et les personnages sont bien décrits. On y croit, on rentre dedans sans avoir envie d'en ressortir. Même si la fin peut laisser goût
Bref, "Un oeil dans la nuit" est un très bon thriller à lire et nous permet de nous réconcilier avec l'écriture de Bernard Minier qui nous avait quelque peu déçu avec son "Lucia".
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Un œil dans la nuit, de Bernard Minier - www.audetourdunlivre.com
JOUR 1 (SUITE). Je n’arrive toujours pas à y croire. Je vais dormir chez Morbus Delacroix. Dans son repaire. Dans ce lieu incroyable au cœur des montagnes, ce lieu où il s’est retiré du monde. Il a accepté de m’héberger, moi la petite étudiante.
Son stylo courait, avec un léger bruit de grignotis, sur le papier du grand carnet dont la fermeture était à combinaison. Judith avait une écriture ronde, fluide, légère. Le genre d’écriture qui, selon les experts, traduit une personnalité accueillante, une forme de délicatesse et de discrétion… Tu parles…
Elle écrivit :
Et si j’étais le Petit Chaperon rouge dans la tanière du Loup ? Qui viendra à mon secours s’il est non seulement aussi barré et génial qu’on le dit, mais en plus un gros pervers amateur de chair fraîche ? Sa meuf ne me paraît pas non plus très équilibrée…
Brusquement, une vision s’interposa entre le carnet et elle : le tag dans les toilettes de la station-service. Puis une autre : la croix inversée gravée sur l’arbre avec ses initiales… Tous ces messages qui lui étaient destinés…
Elle se demanda s’il y avait une caméra cachée quelque part. Elle avait vu ça dans Bloody Games : une caméra planquée dans le pommeau de la douche, une autre au-dessus du lit de la chambre d’amis et une troisième dans les WC.
Elle regarda autour d’elle la chambre aux teintes mauves, blanches et rose bonbon, où de courtes bûches chantaient dans la petite cheminée, où autour de la fenêtre de lourdes tentures coupées dans un tissu d’apparence luxueuse isolaient du mauvais temps, où tout était fait pour entourer les invités de chaleur et de douceur. Il y avait même un lit à baldaquin. Pour mieux l’endormir ?
Arrête ta parano. Tu sais pourquoi tu es là, non ? Tu as réussi à entrer. Maintenant, tu dois te demander par où commencer. Qu’est-ce que tu cherches exactement ?
Elle jeta un coup d’œil à l’heure affichée sur son portable.
Merde, il faut que je descende. Ils m’attendent pour le dîner. Je n’ai pas encore vu le moindre personnel de maison à propos. Ça m’étonnerait que ce soit eux qui fassent la cuisine et le ménage…
Elle sauta hors du lit.
Se lança un dernier regard dans le miroir de la petite salle d’eau et sortit.
Elle suivit le couloir jusqu’à l’escalier en bois verni, dont les marches craquèrent discrètement sous ses pas. Elle évita de descendre trop vite et trop bruyamment.
Pourquoi ? Parce que tu as peur de déranger ? de ne pas être à ta place ici ?
Des voix en bas…
Celles de Morbus et d’Artemisia.
Elle était encore trop loin pour capter quoi que ce soit. Aussi descendit-elle quelques degrés supplémentaires, allégeant instinctivement sa démarche.
Dis donc, ça ressemble à de l’espionnage, ça, ma grande. Tu joues à quoi, là ? On est en train de dépasser le stade du simple travail de recherche…
— Tu as confiance en elle ? (Voix d’Artemisia, en bas.)
La question la fit sursauter et s’arrêter. Tout autant que la voix dure, métallique qui l’avait posée. Elle s’immobilisa à mi-hauteur de l’escalier.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? (Voix de Morbus.)
— Tu ne trouves pas bizarre qu’elle débarque comme ça chez nous, soi-disant pour écrire sa thèse ? Et si c’était une de ces fans freaky, tu y as pensé ?
— Qu’est-ce que ça change ? Demain, elle sera partie…
Un silence.
— Ou pire, si elle cherchait autre chose ?
— Autre chose… Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Tu sais très bien de quoi je parle.
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