Au détour d'un livre

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American predator, de Maureen Callahan

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Résumé : Anchorage, sur les rivages glacés de l'Alaska. Dans la nuit du 2 février 2012, la jeune Samantha Koenig termine son service dans un petit kiosque à café, battu par la neige et le vent. Le lendemain, elle n'est toujours pas rentrée chez elle. Une caméra de vidéosurveillance apporte vite la réponse : on y voit clairement un inconnu emmener l'adolescente sous la menace.

Autrice : Maureen Callahan
Nombre de pages : 384
Éditeur :
10 X 18
Date de parution : 3 novembre 2022
Prix : 21€ (Broché) - 8.90€ (poche) - 15.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2264080080

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Avis / Critique :

Février 2012, Anchorage, Canada.

Par une nuit glaciale, une jeune femme quitte son travail de serveuse dans un Dinner, en compagnie d'un homme qui la tient par les épaules. On la voit sur les caméras parler avec lui 10 minutes avant de le suivre et de s'enfoncer en sa compagnie sur le chemin neigeux. C'est la fin de son service.
On ne la reverra plus.
Samantha avait l'habitude d'appeler tout le temps son père. Quand celui-ci n'a pas de nouvelles, il avertit la police... 24 heures après, arguant que la police ne fera rien avant, puisque la disparue était adulte. Mais devant le peu de cas que semble faire l'APD, la police d'Anchorage, de la disparition de sa fille, James Koenig, le père, remue ciel et terre pour retrouver Samantha. Il alerte les médias, monte une cellule de bénévoles, imprime des affiches, met en ligne une cagnotte pour payer une éventuelle rançon. Finalement, lorsqu'une demande de rançon est découverte dans un parc, le lieutenant Doll commence à prendre la disparition au sérieux et fait appel au FBI, et à son agent Jeff Bell. Les premiers soupçons se portent sur le père et le petit ami de Samantha. Pourquoi ont-ils attendu 24h avant d'avertir les autorités ? Pourquoi n'ont-ils pas parlé de l'homme qu'ils ont vu autour du 4x4 de Samantha et qui a volé la carte de crédit et le permis de conduire de celle-ci ? Pourquoi le père dépense-t-il l'argent récolté pour la rançon ? Les soupçons se font plus pressants quand Doll découvre que le père fait pousser du cannabis. Des indics prétendent que lui et le petit ami, Duane, ne sont pas très clairs, qu'ils ont des dettes, sont mêlés à des trafics de drogue.

Mais l'agent Bell, pense que Samantha Koenig est déjà morte et qu'il ne s'agit ni d'un règlement de compte, ni d'un complot fomenté par James Koenig et Duane. Le prédateur est en effet un tout autre personnage. Il s'agit d'un des tueurs en série les plus sournois des États-Unis, Israël Keyes.
L'homme va se faire arrêter lors d'un simple contrôle routier au Texas alors que toutes les polices du pays recherchent une voiture. C'est elle qui va mettre fin à son parcours. Les policiers alors vont découvrir qui se cache derrière ce meurtrier qui a sillonné le pays de cadavres.

Maureen Callahan, rédactrice en chef américaine du New York Post, s'est donc intéressé au travers de ce livre, à Israel Keyes, tueur en série peu connu en France, mais qui a fait les choux gras des journaux canadiens et texans (voir son portrait sur la chaine YouTube psychologie.com) avec l'affaire Samantha Koenig durant de longues semaines.
Maureen Callahan part de l'enlèvement de la jeune femme et remonte ensuite la piste. Comme dans un épisode de série télé, on assiste aux recherches, peu nombreuses au départ par déni de la police, puis plus nombreuses quand le père a commencé à rameuter les journalistes. C'est ensuite la traque du meurtrier au nom inconnu par les autorités qui n'avaient qu'un indice, la voiture. Ensuite, c'est l'interrogatoire de Keyes...

American Predator, c'est un récit vivant de bout en bout qui retrace la traque de l'un des tueurs en série les plus méconnus et les plus prolifiques des États-Unis. Basée sur une enquête minutieuse, Maureen Callahan explore la personnalité complexe du tueur qui a vécu enfant dans diverses sectes avant de s'en libérer, qui avait une vie aux yeux de tous apparemment normale, ce qui en faisait un homme des plus dangereux. Callahan décrit en détail les méthodes utilisées par Keyes pour éviter d'être découvert, son modus operandi, et les efforts déployés par les autorités pour retrouver ses victimes. Et même si de nombreuses zones d'ombres demeurent, notamment à cause du jeu du chat et de la souris auquel s'est attelé Israel Keyes avec les autorités, Maureen Callahan, avec American Predator, ouvre un aperçu de l'esprit d'un tueur en série et ses méthodes pour échapper aux autorités.

Avec un récit vivant de bout en bout, très journalistique, les lecteurs qui s'intéressent aux histoires criminelles et à la psychologie des tueurs en série trouveront ici un livre captivant.

 

 

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American Predator, de Maureen Callahan - www.audetourdunlivre.com

Extrait :

1

 

Au bord d’une voie rapide, dissimulée derrière des congères d’un mètre cinquante de haut, se cache une cahute isolée dont les murs bleu canard tranchent avec le gris de l’asphalte et des grandes surfaces voisines. Les automobilistes de la région la connaissent bien et beaucoup s’y arrêtent sur le chemin du travail pour prendre un café à emporter.

Le 1er février 2012 au soir, Samantha Koenig, dix-huit ans, était seule pour tenir ce café où elle était employée depuis moins d’un mois. Ce jeudi 2 février, personne ne sait où elle se trouve.

Sa disparition est signalée dès le matin par la première serveuse à venir prendre son poste. À son arrivée, elle comprend tout de suite qu’il y a un problème : d’habitude, Samantha prend soin de tout ranger avant de fermer la boutique, or là, rien n’est à sa place et la caisse a été vidée.

Toute la journée, la police d’Anchorage (Alaska) cherche à glaner le plus d’informations possible sur Samantha sans parvenir à dégager la moindre piste intéressante. Samantha est en terminale. C’est une adolescente plutôt appréciée, qui sèche parfois les cours et a peut-être eu des problèmes de drogue par le passé. Elle s’entend bien avec tout le monde, et pas seulement avec les élèves les plus populaires du lycée. Deux personnes comptent vraiment pour elle : son petit ami, Duane, avec qui elle sort depuis presque un an, et son père, James, célibataire.

Alors, enlèvement ou fugue ? Si la première hypothèse reste probable, les enquêteurs penchent plutôt pour la seconde. En effet, la police n’a trouvé aucun signe de lutte. Le café est équipé d’un bouton d’appel d’urgence, mais Samantha ne l’a pas actionné. Elle a utilisé son téléphone portable avant et après sa disparition – elle s’est disputée avec Duane par textos, lui a demandé de la laisser tranquille et l’a accusé de la tromper.

Cependant, elle a aussi téléphoné à son père pour lui demander s’il pouvait passer au café lui apporter quelque chose à manger.

Pourquoi faire une chose pareille si elle comptait fuguer ?

Estimant que cette disparition sera un excellent galop d’essai pour sa nouvelle recrue, le sergent-chef du poste de police d’Anchorage décide de confier l’affaire à Monique Doll, qui, à trente-cinq ans, effectue son premier jour à la brigade criminelle de l’APD (Anchorage Police Department). Doll est la troisième génération d’une famille de flics et elle vient de passer dix ans à la lutte contre le trafic de stupéfiants, dont quatre années en mission d’infiltration pour la DEA (Drug Enforcement Administration). Bref, elle a déjà un CV bien fourni.

Doll se démarque également des autres agents de police d’Anchorage par son physique, qui fait honneur à son nom de famille 1 : c’est une jolie blonde, qui répond pourtant au surnom androgyne de « Miki ». Elle est mariée à une autre star de l’APD, le beau Justin Doll. À l’échelle locale, ils forment ce qu’on pourrait appeler un couple influent.

Le sergent-chef annonce donc à Doll que c’est elle qui se chargera de cette affaire, « une disparition suspecte », pour reprendre les mots du supérieur.

De l’autre côté de la ville, Steve Payne, agent du FBI, est en train de boucler une affaire de trafic de drogue quand un ami policier lui téléphone – rien d’inhabituel à Anchorage, une grande ville qui fonctionne comme une petite bourgade. Policiers, agents du FBI, avocats, procureurs et juges, tout le monde se connaît. C’est le paradoxe des Alaskiens : dans cet État aux hivers glacés et impitoyables, on trouve pléthore de solides gaillards qui vivent repliés sur eux-mêmes tout en étant conscients qu’un jour viendra où eux aussi auront besoin d’aide.

Payne apprend qu’une jeune fille de dix-huit ans a disparu la veille au soir et qu’elle a échangé des textos houleux avec son petit copain. Une première théorie commence à se dégager : Samantha a vidé la caisse du café pour s’offrir un ou deux jours de liberté. Ce genre de choses arrive tout le temps, à Anchorage.

Pourtant, Payne n’est pas convaincu. Pour disparaître, il faut une stratégie à long terme… et des moyens. Or, d’après ce qu’il sait, Samantha n’a pas l’air d’avoir beaucoup d’argent. Payne connaît bien ces petits stands de café en bord de route où travaillent des jeunes femmes, souvent seules, à qui on demande de se mettre en bikini pour servir les clients l’été. Ces filles n’ont pas une vie facile et Payne se doute qu’elles ne roulent pas sur l’or.

Et puis, où pourrait bien aller une adolescente un mercredi soir, par une nuit sombre et glaciale ? La météo est particulièrement hostile à cette période de l’année : les températures dépassent rarement le zéro et il y a de la neige partout. Ce soir-là, Samantha n’avait pas de voiture ; elle partage un pick-up avec son petit ami Duane et celui-ci en avait besoin. Anchorage n’est pas le genre de ville qu’on arpente à pied. Que Samantha soit partie errer seule dans ces conditions ne tient pas debout. Si elle était allée chez une copine, comme elle l’a dit à Duane dans un texto la veille, la police l’aurait probablement déjà retrouvée.

Payne propose son aide à son ami policier.

« On a assez de gens sur le coup, lui répond celui-ci. Et on a notre petite idée de ce qui s’est passé. »

Payne raccroche, contrarié. La première règle dans toute enquête, c’est de garder l’esprit ouvert. On évite de vouloir faire coller la situation à une hypothèse prématurée, au risque de ne plus voir la situation que par ce prisme – en particulier s’il peut s’agir d’un crime.

Et quand Payne apprend que la police n’a même pas mis la cahute sous scellés dès qu’elle a été informée de la disparition de Samantha, et que la collègue de celle-ci a passé la matinée derrière le comptoir, il n’en revient pas. Si le café est effectivement une scène de crime, celle-ci a déjà été contaminée.

Incroyable, songe l’agent du FBI. N’importe quel flic le sait : les premières heures d’une enquête sont déterminantes. C’est à ce moment-là qu’on peut dégager les pistes les plus pertinentes et qu’on mène les interrogatoires les plus révélateurs. Et puis, confrontés à un tout nouveau mystère et à de tout nouveaux protagonistes, les inspecteurs eux-mêmes sont au maximum de leur curiosité et de leur investissement. Tout cela donne le ton de l’enquête. Pour ce qui est des disparitions, surtout quand il s’agit d’un enfant (et Payne considère Samantha comme une enfant), ces premiers moments offrent aux inspecteurs les meilleures chances de retrouver les victimes saines et sauves – encore faut-il savoir les exploiter.

Payne a beau ne pas vouloir marcher sur les plates-bandes de l’APD, il ne peut s’en empêcher : il rappelle le poste de police, laisse des messages et attend toute la journée qu’on le recontacte.

Enfin, à 20 heures, son téléphone sonne. C’est l’inspectrice Doll.

« Il y a eu du changement », annonce-t-elle.

L’agent saute aussitôt dans sa voiture pour effectuer le trajet de douze minutes qui sépare les bureaux du FBI du poste de police. Payne a six ans de plus que Doll et travaille pour le service fédéral de police judiciaire depuis seize ans. Chose rare dans la région, il est natif d’Anchorage (la plupart des habitants, comme Doll, sont des « expatriés » venus des Lower 48, les quarante-huit États contigus situés au sud de la frontière canadienne). Payne, lui, connaît l’âme de cette ville. Il a conscience des préjugés que peut avoir la police envers les plus pauvres, les petits délinquants, les paumés. Il ne veut pas voir la disparition de Samantha balayée sous le tapis.

Si Payne ne manque pas de force de caractère, il ne paye pas de mine. D’après son physique, personne ne peut deviner qu’il s’agit là d’un agent qui a passé sa carrière à traquer des trafiquants de drogue et des criminels violents ; avec ses traits fins et sa carrure frêle, il fait plutôt penser à un comptable. Pourtant, Payne est un enquêteur-né, qui se décrit lui-même comme au bord du trouble obsessionnel compulsif – d’ailleurs, son dévouement à son travail lui a coûté son premier mariage. C’est un perfectionniste qui suit religieusement le credo des enquêteurs de la brigade criminelle : toujours faire de son mieux du premier coup, car il n’y a pas de seconde chance.

Au Bureau, on le taquine pour ses expressions favorites : « Ça donne du grain à moudre », dès qu’il trouve un indice ou la moindre miette d’information utile ; « Foutue loi de Murphy », chaque fois qu’une enquête sur le point d’être résolue se casse inopinément la figure. Payne considère d’ailleurs Murphy comme son croquemitaine attitré.

À l’arrivée de Payne, Doll lui fait un rapide résumé de la situation. La police vient tout juste de regarder la vidéosurveillance du café, que le propriétaire (qui se trouve à plus de quatre mille kilomètres de là) a pourtant transmise huit heures plus tôt. C’est exactement ce que craignait Payne : une adolescente en danger se retrouve reléguée au second plan. Le père de Samantha, lui, a passé la nuit à appeler en vain le portable de sa fille et aujourd’hui il a attendu tout l’après-midi devant le café où elle était censée travailler de 13 heures à 20 heures, espérant la voir revenir.

« Montrez-moi ces images », ordonne Payne.

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