Au détour d'un livre

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Le cercle occulte des Gentlemen, de Sarah Penner

Le cercle occulte des Gentlemen, de Sarah Penner

 

Résumé :

Lorsque Vaudeline est invitée en Angleterre pour résoudre un meurtre très médiatisé, Lenna l’accompagne en tant que doublure. Mais alors que les deux femmes font équipe avec les hommes puissants de la Société des Sciences Occultes de Londres pour résoudre le mystère, elles commencent à soupçonner qu’elles ne sont pas uniquement là pour résoudre un crime, mais qu’elles sont peut-être elles-mêmes empêtrées dans un crime...

Auteure : Sarah Penner
Nombre de pages : 379
Éditeur : Faubourg-Marigny
Date de parution : 2 octobre 2023
Prix : 22€ (Broché) - 12.99€ (epub, mobi)
ISBN :
978-2384363025

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Avis / Critique :

Sarah Penner, auteure américaine, s'est fait connaitre avec son précédent ouvrage "La petite boutique aux poisons" traduit dans le monde entier et signe ici son second roman, "Le cercle occulte des gentlemen" ou appelé aussi 'Le cercle occulte de Londres".
Dans cet ouvrage, elle nous emmène au cœur de ce XIXe siècle où l'occultisme et le spiritisme revêtaient une importance certaine dans la société d'alors.
L'action se déroule à Londres, bien qu'elle démarre à Paris en 1873. Lenna, dont la sœur Evie vient de décéder quelques mois plus tôt ainsi que son amie, Héloïse, est l'élève d'une médium mondialement connue, mademoiselle Vaudeline d'Allaire. Celle-ci vient d'être appelée à Londres pour une séance spirite un peu spéciale. En effet, le fondateur de la société occulte, la Seance Society a été assassiné et Vaudeline est connue pour son talent à communiquer avec les esprits des victimes de meurtres et à déterminer l'identité de leurs assassins. Ses talents sont très recherchés par les veuves et les enquêteurs et le co-fondateur de ladite société, Mr Morley, fait donc appel à elle afin de ramener l'esprit de Volckman. Il souhaite en effet découvrir qui a assassiné son ami. De son côté, en accompagnant Vaudeline, Lenna a dans l'idée de s'introduire au cœur de la Seance Society afin de trouver des réponses sur la mort de sa sœur. Mais son enquête va avoir des répercussions sur la sécurité des deux femmes et le devenir de la société de spiritisme.

Fraude, meurtres, mystère, histoire d'amour entourent ce roman qui se déroule donc à la fin du XIXe siècle, époque où l'industrie, la médecine moderne émergeaient, mais aussi l'occultisme et le charlatanisme.
Sarah Penner livre ici un roman où la narration se joue à deux voix, tantôt nous suivons celle de Lenna, tantôt celle de Mr Morley amenant parfois un point de vue ou une situation suivant le personnage que l'auteur souhaite mettre en avant. Ce choix entraine malheureusement, il faut le dire, quelques redites qui ralentissent et surtout alourdissent la lecture. On ne peut pas dire que l'action soit omniprésente, seuls l'investigation de Lenna et les flash-back sur l'histoire d'Evie amènent un certain intérêt à l'ensemble et donnent envie de poursuivre la lecture. Penner arrive également à nous faire partager le contenu des séances, du Londres victorien, de l'ambiance gothique, mais les lourdeurs plombent régulièrement l'histoire et c'est bien dommage.
On sent que c'est une Américaine qui a écrit ce livre, car des erreurs typiquement américanistes ont été commise comme le fait de faire mention d'un jeu de cartes qui n'existe qu'en Amérique du Nord et ne pouvait être connu alors dans l'Angleterre du XIXe siècle. Bon, cela n'enlève rien à la lecture qui pèche, je l'ai dit de toute façon par le manque de rythme.

Par moment, on sent même que l'histoire part un peu dans tous les sens, l'auteur cherche à se raccrocher aux branches en amenant une résolution un peu bancale à une situation et on a du mal à être complètement captivé. L'histoire entre Lenna et Vaudeline apporte une séquence légère et parfois attendrissante montrant surtout le caractère indépendant de deux femmes prises dans un siècle qui ne leur convient guère.

Si l'histoire manque donc de nous captiver, il reste cependant un roman qui se lit, intéressant par son thème des séances spirites. L'auteur nous livre même à la fin une recette de cuisine, celui d'un cocktail ainsi qu'un rituel de magie blanche. Je noterai également la beauté de la couverture qui apporte réellement un plus à ce roman.

Une histoire donc sympathique, prometteuse, mais pas à la hauteur de ce que l'on en aurait attendu. Dommage. 

 

Le cercle occulte des Gentlemen, de Sarah Penner

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Extrait :

6
Lenna

Paris, vendredi 14 février 1873

Vaudeline finit par se lever du banc et retourner à l’intérieur.

De lourds nuages vinrent obscurcir la lune et assombrir le jardin. Frigorifiée, Lenna commençait à trembler. Combien de temps comptait-elle rester ici, à bouder ?

Elle se força à sortir de sa mauvaise humeur. Vaudeline ne lui avait peut-être rien prouvé ce soir-là, mais ce n’était pas comme si elle avait fait quelque chose de répréhensible non plus. Elle était simplement la seule personne disponible sur qui passer sa frustration. Si seulement je pouvais me passer moi-même au tamis, songea Lenna, et séparer les émotions qui m’habitent afin de les gérer l’une après l’autre.

Son sentiment de désespoir lui rappelait sa querelle avec Evie, au matin de sa mort. C’était la pire de toutes, et leur dernière.

Elles se trouvaient toutes les deux dans la salle du petit déjeuner, par ailleurs déserte. Bientôt, elles allaient devoir assister les femmes de chambre pour servir les clients de l’auberge qui affichait complet ce jour-là, avec un étonnant nombre de voyageurs pour les affaires.

En cette jolie matinée d’automne, devant un plateau de tartelettes aux poires sirupeuses, aucune des deux sœurs ne savait que la mort approchait à grands pas. Lenna n’avait pas beaucoup d’appétit. Elle s’était encore réveillée étourdie par des éclairs de lumière colorée – orange, violette – en périphérie de son champ de vision, perturbée par un picotement au bout des doigts et un ventre à l’envers, alors qu’elle s’était couchée sans rien manger la veille au soir. Cet état durait depuis plusieurs jours.

Elle posa un regard flou sur la tartelette de son assiette, se sentant particulièrement nauséeuse.

— Mange, ordonna Evie, ou je m’en charge à ta place.

— Je n’ai pas faim.

Evie haussa les sourcils.

— C’est ta préférée.

Elle brisa sa propre tartelette en deux et mordit dans un morceau, avec un air de satisfaction.

— D’où sort cette casquette ? demanda Lenna en désignant le bord d’un feutre gris-brun qui dépassait de la besace d’Evie.

Il y avait un minuscule accroc sur le côté. Elle avait déjà vu le couvre-chef plusieurs fois et supposait qu’il appartenait à un des nombreux prétendants d’Evie. À présent, la curiosité la rongeait.

Evie resta bouche bée, quelques miettes de tartelette au coin des lèvres. Elle jeta un coup d’œil vers son sac.

— Je te demande pardon ?

— Ce n’est pas la première fois que je la vois, précisa Lenna sur un ton suspicieux. C’est visiblement une casquette d’homme. La dernière fois, tu l’avais oubliée sur la commode. Elle sentait le tabac.

Evie enfonça le chapeau dans sa besace et reprit sa mastication soigneuse.

— Je déteste quand tu fais ça.

— Quand je fais quoi ?

— Quand tu fourres le nez dans mes affaires.

Lenna soupira, levant les yeux au ciel. Elle récupéra un minuscule flocon de sucre glace et le fit fondre sur sa langue.

— Tu sais quel jour on est demain ? demanda Evie.

Il était si facile pour elle de changer de sujet ainsi.

— Le 1er novembre, répondit Lenna tout en sachant pertinemment que ce n’était pas du calendrier que parlait sa sœur.

— C’est l’anniversaire de Stephen, annonça Evie.

Lenna hocha la tête et ajouta :

— Et d’Eloise.

Pour être honnête, Lenna se demandait si ce n’était pas la raison pour laquelle elle se sentait si mal ces derniers temps. Elle détestait le 1er novembre – elle détestait ce jour qui marquait le passage d’une année de plus que n’avait pas vue son amie adorée.

Les circonstances qui entouraient la mort d’Eloise et de son père, monsieur Heslop, hantaient toujours Lenna. Quelques années plus tôt, en plein hiver, ils se promenaient autour du lac de Regent’s Park. Monsieur Heslop arpentait ce sentier quotidiennement, or ce soir-là, Eloise avait décidé de l’accompagner. Le lac était gelé, et personne n’avait été témoin de l’accident. La police supposait qu’Eloise était tombée dans l’eau glacée et que son père s’y était précipité pour la repêcher. Les deux corps sans vie avaient été découverts le lendemain matin.

Ajoutant de la douleur à la tragédie, madame Heslop s’était très vite remariée avec monsieur Cleland, nouvellement reçu au sein de la Société des sciences occultes. Il avait rencontré la veuve lors de la séance organisée pour feu son époux.

À ce jour, Lenna parvenait à peine à digérer le fait que la mère de Stephen et Eloise soit si rapidement passée à autre chose – et en particulier à monsieur Cleland, dont les problèmes de jeu avaient été moqués dans les rubriques potins des journaux.

— Je me demande à quoi ressemblerait Eloise aujourd’hui, dit Lenna à voix haute.

Evie croisa les mains sur la table.

— J’ai essayé d’entrer en contact avec elle.

Lenna repoussa son assiette, soudain persuadée qu’elle allait vomir. L’odeur sucrée de la tartelette la répugnait. Elle tendit le bras vers la cruche au centre de la table et se servit un verre d’eau.

— Je préférerais que tu la tiennes en dehors de tes petits jeux, décréta Lenna d’un ton agacé.

C’était une chose pour Evie de jouer au pendule avec une aiguille enfilée sur un fil ou de parler des dernières preuves photographiques spectrales, mais c’était autre chose d’y mêler Eloise. Même maintenant qu’elle n’existait plus que dans ses souvenirs, Eloise restait si chère à Lenna.

— Ce n’est pas un jeu pour moi, rétorqua Evie. C’est bien réel. Et je pense que j’ai réussi à l’atteindre. J’ai vu… des choses. Je les ai dessinées.

— Comme ces hommes de la Société des sciences occultes ont prétendu le faire ? répliqua Lenna d’une voix glaciale.

Vers la fin de la séance d’Eloise, le membre de la Société qui avait organisé le cérémonial – un certain monsieur Dankworth – avait récupéré une feuille de papier sur laquelle il avait griffonné au hasard des illustrations rudimentaires de meubles et d’insectes, ainsi qu’une étrange suite de symboles, n’ayant aucun rapport avec les intérêts d’Eloise de son vivant.

 

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