Au détour d'un livre

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Personne ne doit savoir, de Claire McGowan

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Résumé :

Alison organise une réunion d'anciens camarades d'Oxford pour fêter une amitié longue d'un quart de siècle. Entre-temps, elle s'est mariée avec Mike, avocat d'affaires, dont elle a eu deux enfants. Elle vit dans la maison de ses rêves dans le Kent. Elle a réussi sa vie, et elle a bien l'intention d'en faire la démonstration lors de ces retrouvailles.

Mais la fête vire au drame lorsque Karen, la meilleure amie d'Alison, fait irruption dans la maison, en état de choc. Elle affirme que le mari d'Alison l'a violée...

Auteur : Claire McGowan
Nombre de pages : 384
Date de parution : 3 mai 2023
Éditeur : poche
Prix : 19.95€ (Broché) - 8.95€ (poche) - 1.95€ (audio) - 5.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2381222387

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Avis / Critique :

25 ans qu'ils ne s'étaient pas vus tous ensemble. Alison a donc l'idée de réunir ses amis de fac chez elle et Mike. Il y aura Bill revenu de Suède et jeune célibataire, Jodi, enceinte jusqu'au cou, et le mari de celle-ci,  et Karen, la meilleure amie d'Ali. Participerons à la soirée, Jake, le fils de Karen, et Benji  et Cassie, les enfants de Mike et Ali.

Tout se passe donc dans le meilleur des mondes lors de cette soirée. Du moins au début. L'alcool coule à flot, les souvenirs se partagent jusque tard dans la nuit, les rires fusent puis le groupe finit par se déliter. Certains partent se coucher, d'autres profitent du jardin et de sa quiétude, jusqu'au moment où le drame arrive. A l'aube, Karen surgit dans la cuisine, les cuisses en sang, l'horreur peint sur le visage. Ses amis sont sous le choc quand elle révèle avoir été abusée sexuellement. Et pas par n'importe qui puisqu'elle accuse Mike, le mari d'Alison.

Alison tombe des nues et ne croit pas à la culpabilité de son mari. Oui, mais voilà, Ali n'est pas n'importe qui. Elle travaille pour la cause des femmes battues et violées, fait de la télé au travers de diverses émissions sur le sujet. Elle tangue alors, mais décide d'être derrière son mari Mike, persuadée qu'il n'a rien à voir dans ce drame, qu'il s'agit d'un malentendu. Mais voilà, ressurgit également un précédent incident ayant eu lieu 25 ans auparavant où tous étaient déjà présent. Le meurtre d'une jeune étudiante. Que s'est-il passé à l'époque ? Que s'est-il passé entre Mike et Karen ? Alison va alors tomber de Charybde en Scylla, découvrant de sombres secrets chez ses amis, et chez sa famille qui va partir en vrille.

Thriller psychologique, l'auteur choisit de nous conter l'histoire à la première personne au travers principalement des yeux d'Alison, mais aussi de temps en temps via les autres personnages. Peu à peu, les faits se dévoilent, les rebondissements surgissent, des éléments sont amenés par petites touches jusqu'à ce que la vérité nous soit livré à la fin grâce à l'acte d'un des protagonistes.

Claire McGowan part donc de l'histoire d'un viol pour montrer comment une bande de copains peut voler en éclat quand surgit un drame. La vie de chacun est chamboulée, les amitiés changent, et les vérités jusque là cachées surgissent à la surface et redistribue toutes les cartes. Un drame en amène un autre, puis un autre, laissant montrer les trahisons des uns et des autres.

L'auteure parvient d'entrée de jeu à nous agripper et ne nous lâche plus. Impossible de laisser ce livre avant de découvrir la vérité et pourtant, il ne s'agit pas ici d'un livre très intense, mais chaque élément est savamment amené. Même les redites ne nous gène finalement pas. Chacun des personnages est bien travaillé dans sa dramaturgie, son histoire et nous questionne sur nos propres amitiés. Comment réagirions-nous si un tel drame arrivait dans notre groupe d'amis ? Pour qui prendrions-nous parti ? Elle nous démontre à travers ce livre et ce drame que rien justement n'est aussi facile qu'il n'y parait, que tout peut exploser en moins de quelques heures : amitiés, couple, emploi, enfants, etc.

384 pages qui se lisent avec plaisir et qui aurait pu être même plus long tant on est happé par son contenu. Claire McGowan, une auteure à suivre.

Si vous aimez les thrillers psychologiques, allez-y, ne vous posez pas de questions !

 

 

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Extrait :

 

Chapitre 2

— Alors, que s’est-il passé avec…

— Mon horrible boss ? Il est toujours aussi odieux. La semaine dernière, il a annoncé que nous allions tous devoir représenter notre candidature pour nos propres postes !

— Pas possible ! C’est révoltant. Je suis sûre que c’est illégal, non, Mike ? Mike ?

Il secoua la tête, tel un chien qui s’ébroue après une averse.

— De quoi vous parlez, au juste ? Je n’arrive pas à vous suivre. Il faudrait que j’enregistre votre discussion et que je me la repasse à une vitesse normale.

Les gens avaient toujours dit ça à propos de Karen et moi, perdant le fil de nos échanges avant d’abandonner tout espoir de placer un mot, déroutés par la façon dont nous passions d’un sujet à l’autre, tels des singes sautant de branche en branche, revenant parfois à une conversation laissée en suspens une heure plus tôt. Je souris à mon amie par-dessus la table. Comme elle paraissait jeune dans son jean moulant et son débardeur, identique à celui de Cassie. Je portais une robe fleurie. Mal fagotée, très « maman », même si Karen avait été mère la première, à tout juste vingt-cinq ans.

Karen leva les yeux au ciel à l’intention de Mike.

— On a un tas de trucs à se raconter, c’est tout.

Maintenant qu’elle vivait à Birmingham et nous dans le Kent, je ne la voyais plus autant que je l’aurais voulu, et parfois le besoin de lui parler montait en moi comme de l’eau s’accumulant dans un tuyau à haute pression, pour ne jaillir que quand nous nous retrouvions. Et je devais partir dans exactement – je consultai ma montre – cinq minutes. Merde.

— C’est magnifique, ici, les amis. Vous avez bien de la chance.

Karen contempla le jardin autour d’elle. L’agent immobilier l’avait qualifié de « mature et généreux », ce qui n’avait pas manqué de faire ricaner Mike. En tout cas, il était la raison principale pour laquelle j’avais tant insisté pour acquérir cette demeure en briques rouges datant de la fin de l’ère victorienne, dont l’arrière donnait sur les bois. L’allée qui menait à la maison ne passait que devant trois autres habitations. C’était comme de vivre à la campagne, même si les boutiques de Bishopsdean n’étaient qu’à dix minutes à pied en coupant par les bois. Aujourd’hui, le jardin regorgeait de lavande et d’ail sauvage, des oiseaux pépiaient dans les arbres, et de petites statues pointaient la tête entre les plantes, dissimulées dans les recoins, leurs visages érodés par la pluie. Je détournai le regard du tas de déchets verts derrière la remise – Andrej, notre jardinier, avait annulé sa venue la semaine précédente. Urgence familiale à Cracovie. Peu importait. C’était déjà incroyable que nous ayons un jardinier. Nous avions de la chance. Cela ne faisait que six mois que nous nous y étions installés, et il m’arrivait encore de frissonner de plaisir en pensant : Je vis ici. Cette maison est à moi.

— C’est toi qui fais tout ça, Mikey ? demanda Karen en portant un macaron à ses lèvres fuchsia.

— Tu plaisantes ? répliquai-je en riant. Mike n’a pas touché une tondeuse depuis 1998. C’est Andrej qui s’en occupe – un jardinier polonais à tomber par terre.

— Je le ferais si j’avais le temps, objecta tristement Mike.

— Toujours très occupé, alors ?

— Tu n’as pas idée…

Le cabinet d’avocats de Mike avait été racheté par des Américains un peu plus tôt cette année-là, et il était prié d’être au bureau tard le soir pour les appels de New York et tôt le matin pour ceux de Tokyo. Il descendait rarement de son train de banlieue avant 21 heures.

Karen se tourna vers moi.

— Eh bien, peut-être qu’Ali pourrait t’entretenir maintenant qu’elle a tellement de succès. Je t’ai vue dans le Good Housekeeping de ce mois-ci ! Ça en jette !

— Oh, merci.

 

Un article sur le sexting et sur le contrôle parental des téléphones portables des adolescents. J’ai affirmé n’avoir jamais consulté celui de Cassie, parce que cela aurait démoli la confiance entre nous. Cela m’avait valu de nombreux commentaires en ligne, certains lecteurs me traitant de godiche et de mauvaise mère. Je m’étais consolée en songeant que toute publicité était bonne à prendre…

— Comment Cass a-t-elle réagi au fait que tu parles d’elle dans un magazine ?

Je jetai un coup d’œil vers ma fille, assise dans la balancelle à côté de Jake. Ses longues jambes nues pendaient par-dessus l’accoudoir. Jake était venu habillé tout en noir : tee-shirt, jean, baskets. Rideau de cheveux bruns devant son visage. On avait du mal à se représenter le garçonnet si doux qu’il avait été, si désireux de plaire, toujours agrippé à mes jupes quand je le gardais pendant que Karen travaillait. Mais des années s’étaient écoulées depuis. À l’époque, nous habitions à quelques rues l’une de l’autre à Londres. Désormais, nous étions à plusieurs centaines de kilomètres. À leur arrivée, je m’étais avancée pour le serrer dans mes bras, mais il m’avait esquivée. Je m’étais réprimandée intérieurement, tant son rejet m’avait paru désagréable. Jake avait dix-sept ans, pas de père et souffrait clairement des affres de l’adolescence. Ça lui passerait.

— Oh, ça ne l’a pas dérangée. Elle sait que c’est un sujet important.

En vérité, j’avais eu peur de lui demander ce qu’elle en avait pensé. Ces derniers temps, elle me semblait opaque, indéchiffrable.

— Nous t’avons aussi enregistrée sur Channel 4. Enfin, sur la box, tu sais. Tu as vraiment su tenir tête à ce sale con.

— Il fallait bien que quelqu’un le fasse. C’est dégoûtant, cette façon de parler. Des blagues sur le viol, en 2018 !

— Et la voilà repartie, intervint Mike. Est-il possible de défendre la liberté d’expression, surtout quand il est question d’humour ? Nous ne sommes pas en URSS.

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