3 Septembre 2023
Résumé : Et si depuis toutes ces années, elle vivait avec un monstre?
Installée dans sa confortable petite maison en baie de Somme avec son fils et son mari, Margaux Novak connaît le bonheur tranquille de n'importe quelle femme amoureuse et mère de famille... lorsqu'une policière débarque chez elle pour mettre sa vie à sac.
Auteur : Julien Messemackers
Nombre de pages : 404
Édition : Pocket
Date de parution : 14 avril 2022
Prix : 19€ (Broché) - 8.60€ (poche) - 9.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2266320290
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Margaux Novak, 42 ans, est infirmière libérale. Elle tient un cabinet depuis six ans avec son amie Virginie, a un fils romain et un mari, Philippe qu'elle aime. Elle vit dans une petite ville, Saint-Valéry-sur-Somme et habite un pavillon. Tout le monde l'aime dans la bourgade, excepté, peut-être, son voisin d'en face à qui appartenait autrefois la maison dans laquelle elle vit et qui aimerait la récupérer. La vie de Margaux, sans ce voisin est parfaite. Enfin, parfaite... Du moins, jusqu'à ce qu'une flic, Judith débarque dans sa vie et ne vienne tout remettre en question. Car le capitaine Judith Balmain de la crime est à la poursuite d'un meurtrier, un homme qui a décimé sa famille et s'est enfui en ne laissant aucun indice derrière lui. Cela fait quinze ans que Judith cherche à retrouver l'homme qui a tué sa femme, Marianne, et ses trois enfants.
La vie de Margaux est chamboulée le jour où Philippe, d'origine Hongroise est convoqué chez les gendarmes, à priori pour une affaire de cambriolage. Mais à partir de cet instant, l'enfer va prendre des proportions qu'elle ne se serait jamais imaginées. Un article publié dans le journal local sur la convocation et tout le monde va dorénavant lui tourner le dos. Margaux va alors n'avoir de cesse de tenter de démontrer l'innocence de son mari et de préserver son fils. Mais son couple va-t-il survivre à tout cela ?
Julien Messemackers, scénariste de la série 10 pour cent, signe là un thriller psychologique qui nous rappellera l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès, mais là où l'affaire de Ligonnès reste dans l'interrogation, l'auteur imagine une histoire où une flic envers et contre tous poursuit l'enquête quitte à se tromper et à mettre le capharnaüm dans la vie des autres pour résoudre le crime impuni.
Messemackers parvient à nous faire comprendre comment une vie peut être chamboulée quand le soupçon entre dans un couple, dans une communauté, et vient alors tout renverser sur son passage, détruire toute une vie. Une rumeur et c'est la fin d'un statut social, de relations, du travail. Tout se fracasse.
Dans ce livre, il y a l'histoire en elle-même vécue par chacun des protagonistes. On suit donc Margaux, Philippe, Ingrid aujourd'hui, mais aussi Messemackers nous dépeint la vie de Marianne, la victime d'Antoine Durieux-Jelosse dont la mort, entre autres, est à l'origine de la croisade de Judith.
"Le Poison du Doute" de Julien Messemackers est un tour de force de narration psychologique, un récit captivant qui plonge dans le labyrinthe complexe de l'esprit humain et qui ne nous laisse pas indifférent.
L'autre point fort du livre est le développement des personnages. Les troubles intérieur de chacun des protagonistes est palpable et l'auteur explore habilement les profondeurs de leur psyché. Mené d'une main de maitre, le lecteur se laisse engloutir par l'histoire jusqu'au dénouement final.
Le rythme est impeccable, chaque chapitre dévoilant une nouvelle couche d'intrigue psychologique. "Le poison du doute", est un roman à lire absolument.
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Le poison du doute, de Julien Messemackers - "www.audetourdunlivre.com"
MARGAUX
Cela faisait plusieurs jours que le courrier n’avait pas été ouvert et qu’il s’entassait sur la console de l’entrée. Glissée au milieu d’un tas d’enveloppes et de prospectus, la lettre attendait son heure, gardant son secret enfermé pour quelque temps encore. En rentrant chez elle, chaque soir, Margaux Novak – qui habitait ici avec son mari Philippe et son fils Romain – avait déposé bagues et bracelets fétiches dans le grand vide-poches en pierre polie posé sur la console sans faire attention au tas qui s’épaississait. Enlever ses bagues et ses bracelets en arrivant chez elle était l’un de ses rituels, ridicule, s’avouait-elle, mais qui la rassurait. Elle avait le sentiment, en le répétant tous les jours, de conjurer le mauvais sort. Mécaniquement, elle avait fait ces mêmes gestes qu’elle faisait depuis presque dix ans, remettant toujours au lendemain de s’occuper de la pile de courrier de laquelle elle voyait le coin d’une enveloppe dépasser, sans imaginer qu’elle contenait ce qu’elle avait toujours redouté sans vraiment y croire.
Essoufflée et crachant ses poumons, Margaux poussa la porte d’entrée. En enlevant ses baskets qu’elle laissa sous la console avec les chaussures de son mari et de son fils, elle apprécia la belle lumière matinale orangée qui baignait le salon. Lorsque l’on entrait ici, la première chose que l’on voyait était cette baie vitrée qui inondait la pièce de lumière et ouvrait sur le jardin, au-delà duquel on surplombait la baie de Somme à perte de vue. C’était ce qui l’avait conquise la première fois qu’ils avaient mis le pied dans cette maison de pêcheur, la luminosité qui prenait possession de la pièce principale. À l’extérieur, le soleil brillait comme en plein été, et pourtant c’était l’automne. Dans le jardin, on voyait jaunir les feuilles du vieux pommier qui, d’année en année, continuait à produire des fruits dont la moitié finissait par pourrir dans l’herbe. En été, deux chaises longues permettaient de profiter du coucher de soleil. Pendant sa grossesse, ils y étaient restés assis de longues heures. En hiver, l’immensité de cette baie, ce pommier tordu dans l’herbe, les deux chaises longues en bois vieilli, c’était comme une carte postale qu’elle regardait depuis son salon. Chaque jour, saison après saison, année après année, elle détaillait dans ce décor toutes les nuances du temps qui passait. Ce n’était pas seulement la vue qui la fascinait. C’était le spectacle de la répétition des cycles de la vie.
Au rez-de-chaussée de la maison, les anciens propriétaires avaient percé le mur séparant la cuisine du salon en y installant un bar américain. Margaux adressa un petit signe à son mari et son fils qui finissaient leur petit-déjeuner dans la cuisine et se mit à faire une série d’étirements. Il était huit heures moins le quart et ils n’avaient pas l’air pressé de partir. Lorsqu’elle s’accouda sur le bar, encore en nage, Philippe l’observa avec curiosité, une tasse fumante à la main.
– Alors… À refaire, ce footing ?
Elle sentit l’ironie de la question. C’était en effet une grande première : elle avait réussi à se lever aux aurores pour aller courir. Une victoire sur son inertie habituelle. Le début de la nouvelle Margaux. Cela faisait des mois qu’elle avait acheté cette paire de baskets qui était restée dans sa boîte jusque-là. Elle n’était pas mécontente de son exploit. Elle s’était sentie légère, aérienne, en courant sur la plage, où l’empreinte de ses pas était la seule trace humaine visible. Avant ça, les seules fois où elle avait enfilé un survêtement, c’était le dimanche soir pour regarder un film. En faisant le tour du bar, elle alla se servir un jus d’orange dans le réfrigérateur et, appuyée contre la gazinière, elle essaya d’avoir l’air détendue, bien dans son corps, bien dans sa peau comme disait une vieille publicité, mais dans ses jambes, elle sentait déjà ses muscles durcir comme du béton et ses articulations se gripper comme des écrous rouillés. Pour quarante minutes de course, elle avait pris trente ans dans les pattes.
– C’est le premier pas qui coûte… répondit-elle enfin.
Derrière ses lunettes à fine monture en titane, les yeux tranquilles de Philippe se plissèrent.
– La première foulée, tu veux dire… Tu dois être maso. En plus, t’en as vraiment pas besoin, tu parais dix ans de moins que ton âge.
Pendant qu’elle se resservait, elle lui jeta un coup d’œil.
– T’es pas mal non plus… pour le tien.
Et c’était vrai. À cinquante-deux ans, il commençait à perdre ses cheveux, mais avec ses tempes grisonnantes, son regard profond, son faux-air de boxeur derrière ses lunettes et son buste sculpté, il dégageait un charme viril qui faisait toujours son effet sur les femmes. Avalant la dernière gorgée de son café, il s’adressa à son fils, la tête dans son bol de chocolat :
– On décolle, coco ?
Une moustache de lait au-dessus de la bouche, Romain, qui n’accordait aucune attention à sa mère, bondit de sa chaise. Elle l’attrapa par la manche.
– Dis donc, toi !
Surpris, il s’arrêta devant elle. L’air faussement sévère, elle haussa un sourcil.
– Tu m’as embrassée ce matin ?
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