Au détour d'un livre

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Thanatea, de Sonja Delzongle

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Résumé : Sur cette île qui ne figure sur aucune carte, les morts sont rois.
Thanatea. Un nom qui sonne comme celui d'une femme ou d'une déesse. Un mot plutôt agréable, exotique, à condition de ne pas en connaître la racine grecque,
thanatos, la mort. Le plus long des voyages. L'éternité.

Autrice : Sonja Delzongle
Nombre de pages : 416
Éditeur : Fleuve Noir
Date de parution : 9 mars 2023
Prix : 20.90€ (Broché) - 9.99€ (epub, mobi)
ISBN :
978-2265156173

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Avis / Critique :

 

Thanatea.
En voilà un nom étrange. La couverture, rouge et grise laissait présager un thriller intéressant à lire et le titre, appelait la lectrice que je suis à me laisser embarquer dans cette histoire d'autant que je ne connaissais pas les précédents romans de Sonja Delzongle. Il fallait donc que je répare cette lacune et c'est ainsi que je me suis laissée embarquer dans cette aventure. Bon, je vais attendre un peu avant de vous dire ce que j'en ai pensé.
Rappelons auparavant de quoi parle ce livre. 
Ici, nous avons trois héroïnes, Layla, Esther, et Hélène amies d'enfance qui ne se sont jamais vraiment quittées, et même ont poursuivies leur amitié au travail en intégrant toutes les trois la police judiciaire de Lyon. Chacune a une vie assez compliquée. Layla, qui a divorcé, se bat pour conserver la garde de Nour, sa fille que son mari veut, lui, à plein temps. Hélène est mariée, mais son mariage bât de l'aile et elle fait face à un cancer qui ne se décide pas à la laisser en paix. Quant à Esther, elle sort d'une relation toxique avec un autre policier, et a vu son précédent mariage partir à l'eau quand elle a perdu sa fille d'une maladie. Bref, c'est la catastrophe pour les trois amies qui ont toutes leur lot de problèmes. Mais voilà, que Marc d'Orsay, l'ancien petit ami d'Esther refait surface, lance ses menaces et tourne autour de chacune des amies. Esther décide de mettre fin à tout cela et accessoirement à sa vie d'avant, en partant pour l'île de Thanatea où elle fera office de préposée au café. Un métier bien loin de celui de flic. Mais une île qui, elle va s'en rendre compte très vite, ne lui est pas inconnue.

Disparition et meurtres. Deux femmes sont retrouvées mortes dans le Rhône. La première est une prostituée, l'autre l'avocate de Layla. La mort de l'avocate semble être un suicide selon les premières conclusions du légiste, mais un peu plus tard, il s'avère que la femme a été assassinée. Pendant ce temps-là, Esther, perdue sur son île, fait la connaissance du jardinier, qui est aussi thanatopracteur. Elle trouve chez elle des origami, mais aussi des figurines à son image. La confusion s'opère quand elle découvre sur le sommet de l'île, une tombe, celle de sa fille, Sarah. Mais voilà, Esther disparait, plus personne n'a de nouvelles d'elle. En Suisse, où se trouve l'île, une femme est retrouvée. Elle s'appelle Antonia et serait celle qui a précédé Esther sur l'île.

Layla, et Hélène vont alors n'avoir de cesse de retrouver leur amie Esther. Mais en fouillant dans ses affaires, elle découvre une tout autre Esther qui avait de sombres secrets.

Qui a tué les femmes retrouvées dans le Rhône ? Que se cache-t-il sur Thanatea, l'île des morts ? Que veut Marc d'Orsay ?

Autant de questions, auxquelles va répondre Sonja Delzongle au fur et à mesure que la lectrice ou le lecteur plongera dans le thriller.

Passons maintenant à l'avis. Disons que j'ai été quelque peu déconcertée par ma lecture. L'autrice sépare son roman en trois actes : avant, pendant et conclusion. Dans le premier acte, on suit les trois amies et le départ d'Esther. C'est l'heure des malheurs et il n'y a pas d'enquêtes. On est plus sur "je te raconte ma vie" et si au début, c'est intéressant, très vite cela devient un tantinet pesant, surtout que tout est noir entre la maladie, la mort et l'amant éconduit qui revient pour exercer des pressions. Bref, déprimé, s'abstenir de lire ce livre. Dans le second acte, la Esther que nous avions appris à connaitre dans le premier acte se révèle sous un autre jour, on découvre un autre personnage et cela nous perturbe. On ne sait plus trop ce que l'on lit, car on a l'impression d'avoir affaire à une autre histoire. Là, l'enquête ou les enquêtes démarrent. Puis, alors que l'on arrive à un point de tension, hop, nouveau saut pour passer à la conclusion. Les questions trouvent leurs réponses, mais tout va trop vite d'un seul coup. Ce qui était exposé auparavant change à nouveau, les indices s'expliquent, mais ne sont pas toujours très logiques ou plutôt la lectrice que je suis s'est dite : "oui, c'est un peu facile et tarabiscoté quand même".

Finalement, je suis ressortie de ce livre un peu mitigée. J'ai bien aimé certains côtés, l'ile par exemple et cette histoire de thanatopracteur, moins la vie des héroïnes. J'ai également peu apprécié les sauts et d'avoir affaire à deux Esther, ce qui m'a un peu perdue dans ma lecture. L'histoire en elle-même est tirée quelque peu par les cheveux. Cela aurait pu fonctionner, mais peut-être tourné autrement, car l'idée de départ est bonne. Mais il y a trop d'intervenants et trop de mélanges entre les intervenants ce qui rend le tout peu cohérent à la finalité. Du moins pour moi.

Donc, vous l'avez compris, je suis ressortie de cette lecture un peu déçue et achevée même par les dernières lignes où l'autrice conclue une vengeance, qui pour moi n'était pas nécessaire, bien au contraire. Mal articulé à mon sens. Ce Thanatea était prometteur, tant pis. Peut-être Sonja Delzongle trouvera-t-elle grâce à mes yeux avec un autre de ses livres. Je le souhaite.

 

 

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Extrait :

1

 

 

Plusieurs semaines avant l’enterrement

 

— Alors, c’est le grand jour…

La voix de Layla résonna entre les omoplates et sur la nuque d’Esther. Son binôme, son équipière, et son amie de toujours. Elles avaient grandi dans la même cité, à l’époque où tous cohabitaient dans un joyeux mélange. Immigrés italiens, portugais, polonais, yougoslaves, juifs, arabes. Avant que le monde ne devienne noir et blanc, un monde sans nuances. Un monde de colère et de violence. De mépris et de haine de la différence.

Esther se retourna. Oui, c’était aujourd’hui.

— Je ne sais pas si c’est le grand jour, c’est peut-être juste un jour parmi tant d’autres.

Les yeux de Layla braqués sur elle. Chargés d’interrogations et de tristesse. Leur douceur et leur espièglerie. Comme ils allaient lui manquer.

— T’as raison, c’est juste un jour parmi tant d’autres, mais un putain de jour puisque c’est le dernier que tu passes ici, avec nous.

Layla, trop pudique pour dire « avec moi ». Esther se pressa les paupières avec le pouce et l’index.

— Tsss ! Non, non, pas de ça, Lay… On a dit que non, tu te rappelles ? On ne chialera pas comme des gonzesses !

— Je sais, mais ça fait quand même bizarre et surtout, ça fait chier. Tu fais chier…

Quand Layla prenait sa mine boudeuse de sale gosse, sa fossette au menton se creusait un peu plus. Elle avait ramassé ses cheveux sur le haut de son crâne, en une boule où étaient piquées deux pointes en bois laqué. Défaits, ils partaient en une tornade noire et lui donnaient l’air d’un frison, son cheval préféré, qu’elle s’était promis de s’offrir un jour.

— Viens là…

Esther la serra dans ses bras. Elle n’en menait pas large non plus.

— Je sais que tu me pardonneras, soupira-t-elle dans le cou de son amie.

Toujours ce parfum de cocotte depuis des années. Esther n’avait jamais osé lui avouer à quel point il lui filait la gerbe. La même odeur que les désodorisants de bagnole. Mais elle était prête à tout pour son amie, y compris mettre son nez à l’épreuve.

— Je t’ai déjà pardonné, Chups… grogna Layla en se dégageant doucement de l’étreinte. Mais c’est dur quand même.

Chups… Ça leur était resté de l’enfance. Comme tant d’autres choses. Tant de souvenirs. Un vrai collier de perles au goût sucré. Amer aussi, parfois. Layla était « Chupa » et Esther « Chups ».

— Tu viendras me voir, hein, t’as pas intérêt à m’oublier ! rit-elle.

— Bon, on va le boire, ce verre ? éluda Layla.

 

À l’aube de la quarantaine, Esther se demandait si elle était vraiment prête à tout quitter. Un peu tard pour se raviser. Les meubles les plus lourds attendaient les déménageurs, et l’état des lieux était prévu pour le lendemain.

Avec Layla, dès le lycée, en première, leur choix professionnel s’était porté sur la police. Elles formaient en ce temps-là une équipe soudée par l’amitié et les rêves. Tout ce qu’il fallait pour changer le monde. Comprenant rapidement, et à leurs dépens, que ce dernier projet était peut-être un peu trop ambitieux, elles avaient décidé que lui venir en aide serait déjà une bonne chose.

Et voilà, bientôt vingt années à traquer les criminels, qui s’étaient écoulées à la vitesse d’une comète. Qu’Esther soit montée en grade plus rapidement que Layla n’avait pas ébranlé leur amitié ni leur pacte. « Avec mes origines, je peux déjà m’estimer heureuse de faire partie de la maison », avait souri Layla devant son amie, tout embarrassée de lui annoncer la nouvelle. Promue lieutenante à trente et un ans. Une ascension qui concluait de belles années à la police judiciaire d’Auxerre, après un passage difficile en banlieue parisienne, et qui se concrétisait par une mutation à Lyon la même année. Layla l’avait suivie comme son ombre dès qu’elle avait pu. Mais aujourd’hui, Esther quittait la police, sa famille.

Ces cinq dernières années, peut-être même dix, le climat social s’était gâté en France et les forces de l’ordre en faisaient les frais chaque jour.

— Marre de risquer ma vie pour un simple contrôle d’identité, de voir des collègues se faire agresser ou immoler dans leur voiture et trembler de me retrouver à leur place, sans parler des quarante suicides de flics par an… Je ne veux pas en arriver là, j’ai déjà donné,

s’était justifiée Esther auprès de Layla dont le regard se chargea de cumulus d’incompréhension et de reproches lorsqu’elle apprit la décision de son amie.

— Et nous ? Tu y as pensé ?

Cette double question avait sonné comme un appel désespéré. Cette question qui tombe au moment d’une rupture. Et nous ?…

— Nous, ça ne change pas et ça ne changera jamais. Chupa et Chups, c’est pour toujours, lui avait dit Esther, les deux index crochetés. Et puis ce n’est pas si loin, la Suisse. Tu viendras me voir. Je suis sûre que tu vas adorer le coin, le Léman, la vue sur Évian, sur Thonon…

— Je n’ai déjà pas le temps de m’occuper de Nour, alors la Suisse…

Nour, la petite étoile de Layla, bientôt cinq ans, la plupart du temps chez ses grands-parents, pour leur plus grand bonheur. Et pour la plus grande culpabilité de sa mère.

En effet, la Suisse n’était pas loin. Mais là où allait Esther, Layla ne pouvait pas la rejoindre. Il n’y avait pas de travail en binôme ou en équipe, là-bas. Esther changeait de vie. Peu après sa démission, elle avait dégotté une annonce dont la singularité l’avait intriguée. Une société installée sur les bords du Léman cherchait « un.e préposé·e au café ». Esther avait écarquillé les yeux et relu le début au moins trois fois avant de poursuivre. S’attardant surtout sur le salaire. Même avec son grade et son ancienneté dans la PJ, elle n’aurait pu espérer la moitié de ce qui était proposé. Cinq mille euros net. Pour préparer et servir du café !

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