16 Septembre 2022
Résumé : Mai 2022. À 400 kilomètres de la terre, la station spatiale internationale sombre dans la nuit artificielle. Tandis que l'équipage dort, le cadavre éventré d'un astronaute américain flotte en impesanteur dans l'un des modules de recherche. Le même jour, à Lyon, le corps éviscéré d'un biologiste américain est retrouvé à 30 mètres de profondeur, dans un mystérieux réseau de galeries souterraines baptisé les " arêtes de poisson ".
Auteur : Fabrice Papillon
Nombre de pages : 512
Édition : Plon
Date de parution : 14 octobre 2021
Prix : 20.90€ (Broché) - 15.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2259306003
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Fabrice Papillon signe là une nouvelle fois un thriller scientifique de haut vol. Amplement documenté, en-dehors de l'intrigue en elle-même, on apprend énormément de choses notamment sur la Silicon Valley et les GAFA.
L'histoire, intrigante, est menée par une future commissaire de police qui travaille en fil tendu, fume du cannabis, et n'hésite pas à franchir les limites jusqu'à se mettre en danger dans son poste. Ici, on la voit mener une enquête sur la mort d'un américain retrouvé assassiné dans ce qui est appelé "les arêtes de poisson" de la ville de Lyon, des anciennes catacombes. La mort de cet homme est bien étrange puisqu'il a été retrouvé les tripes à l'air.
Dans l'espace, station internationale, un phénomène étrange, également, vient de se produire. L'un des cosmonautes lui aussi a été retrouvé le corps fendu de part en part, du sang partout dans la cabine. Les deux morts semblent être du même genre. La future commissaire, se demande alors si ces deux morts sont liées et décident d'enquêter envers et contre l'avis de sa hiérarchie. Elle fait la connaissance d'un moine jésuite, astronome, qui lui parle d'un phénomène extraterrestre et se rend compte que l'armée a patrouillé non loin de lieu du meurtre.
La Nasa et l'agence spatiale Européenne décident de leur côté d'envoyer un astronaute récupérer le corps du décédé afin d'analyser les causes de sa mort. Celle-ci est-elle due à un virus extraterrestre ou à un meurtre fomenté par un autre astronaute ? Le mystère grossit quand les cosmonautes Russes décident de quitter la station en catimini. Que cachent-ils ? Et si le moine avait la réponse ? La commissaire et l'astronaute anglais, petit neveu d'Henri Miller vont mener l'enquête au péril de leur vie et tenter de démêler le vrai du faux.
Nasa, GAFA, Armée de terre française, FBI, Police, Interpol, s'invitent tous dans ce roman scientifique aux allures de thriller.
Fabrice Papillon sert donc ici un livre avec une intrigue qui se révèle passionnante et extrêmement bien documentée. A chaque moment, on se voit, on s'imagine dans le lieu qu'il nous décrit que ce soit la station spatiale internationale ou la Silicon Valley. Partant du postulat d'un possible virus extraterrestre, il décline toute son intrigue autour jusqu'à retourner la chose et nous offrir une révélation qui se révèlera toute autre. On sent à chaque instant la patte du journaliste scientifique qui sait mener son sujet de bout en bout. Même si le roman peut s'avérer long, globalement, on passe un bon moment. Quelques passages un peu moins intéressants et peut-être trop descriptifs font parfois retomber l'intérêt, mais arrivé au chapitre suivant, l'intrigue repart de plus belle.
est tout sauf une héroïne conventionnelle. Elle jure, parle l'argot, fume du cannabis, picole du whisky, et ne se révèle pas forcément sympathique. Elle semble être trop exubérante, trop borderline pour être crédible. Son pendant, le cosmonaute anglais Miller vient heureusement tempérer le duo et joue, lui, le rôle du chevalier servant anglais aux allures de James Bond. Vous retrouverez aussi dans ce roman un certain Elon Musk en tant que personnage à part entière, et même le Prince William.
Un thriller saisissant de réalisme, très documenté, mettant en garde sur le pouvoir des GAFAs, mais pêchant par son héroïne pas toujours crédible et une fin surfant sur la théorie du complot.
Ce roman vaut d'être lu rien que pour les informations que l'on y apprend. On a l'impression de se trouver soi-même dans la station spatiale et dans les bureaux de Space X. Et rien que pour ce réalisme et l'action qui se déroule au milieu du roman, je vous engage à vous laisser emmener dans ce thriller de Fabrice Papillon qui m'avait déjà ravi par ses précédents ouvrages "Le dernier Hyver" et "Régression".
Les aliénés, de Fabrice Papillon - www.audetourdunlivre.com
Mardi 10 mai 2022, 7 h 12, temps universel (UTC) ; 9 h 12, heure de Paris ; 0 h 12, heure de Houston
Le Mission Control Center de Houston était en ébullition. C’est d’ici que toutes les missions historiques de la NASA avaient été pilotées, dont la mythique Apollo 11, qui avait vu Neil Armstrong et Buzz Aldrin poser leurs énormes godillots sur le sol lunaire, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969.
Cette nuit-là, au lieu du calme habituel du petit matin sidéral – il existait sept heures de décalage entre le Temps universel de l’ISS et le fuseau de Houston –, des alarmes stridentes vrillaient les tympans des ingénieurs à pied d’œuvre.
L’équipe de nuit avait embrayé deux heures plus tôt, et elle sommeillait à moitié quand les sirènes avaient violemment tiré les agents de leur torpeur.
La même scène se déroulait au TSUP, le centre de contrôle des vols spatiaux russes, dans la ville de Korolev, à dix kilomètres au nord-est de Moscou.
Mais la première alerte avait retenti au GSOC – German Space Operation Center – près de Munich, en Allemagne. C’est là que l’activité du laboratoire Columbus était pilotée H24, sous l’égide de l’Agence spatiale européenne.
Or, à 7 h 09 UTC – 9 h 09 heure de Munich –, les alarmes du module de recherche européen s’étaient déclenchées.
Les grilles d’aération de Columbus s’étaient bouchées, rendant impossibles la pressurisation et, surtout, la ventilation de l’air dans le laboratoire. En quelques minutes, l’endroit serait devenu létal pour ses occupants. Il fallait d’urgence découvrir ce qui avait obstrué les aérations et résoudre le problème afin de placer l’équipage en sécurité.
Les ingénieurs craignaient une fuite dans le blindage du module, prélude à une dépressurisation généralisée, le scénario du pire.
Houston avait été alerté quelques secondes après Cologne. En tant que centre de contrôle principal de la Station spatiale internationale, il accédait à toutes les informations à bord, y compris dans la partie russe. Comme les Européens, les ingénieurs avaient redouté une dépressurisation. Les deux caméras de Columbus ne fonctionnaient pas ; il fallait agir sur place, dans l’espace, au plus vite.
D’un commun accord avec les Européens et le TSUP près de Moscou, Houston réveilla le commandant de bord, le Russe Evgueni Porchnev.
L’appel d’urgence et les premières alarmes ravivèrent tout l’équipage, qui terminait sa nuit artificielle.
Porchnev traversa les soixante-dix mètres qui le séparaient de Columbus en flottant comme un spectre inquiétant pourchassant des âmes errantes.
Il ne daigna pas s’adresser aux autres astronautes, sauf à son compatriote Sergueï Chenko. Il revêtit un masque à oxygène puis entra dans le laboratoire européen.
La vision d’horreur le glaça. Seule l’impesanteur le faisait légèrement remuer. Il était incapable de détacher son regard du cadavre immonde de Jenkins. Une odeur infecte se dégageait tout autour, qui pénétrait même sous son masque. Des bouts d’organe, d’intestin, des matières noirâtres et des bulles de sang flottaient partout et s’étaient agglutinés sur les parois. Porchnev comprit alors que les tissus humains et les litres d’hémoglobine qui s’étaient répandus dans le laboratoire avaient fini par saturer les grilles d’aération, et les boucher. Ici, rien ne tombait, si bien que tout le volume de Columbus se trouvait maculé des restes de l’astronaute…
Porchnev avait le cœur bien accroché ; il en avait vu d’autres. Ancien pilote de l’air de l’armée russe, il avait affronté des conditions de vol terribles, sans compter l’entraînement à la Cité des étoiles, près de Moscou, dans la fameuse centrifugeuse qui tournait si vite que les cosmonautes encaissaient près d’une dizaine de G sans moufter. Leur visage, leur peau, jusqu’à leurs organes se trouvaient écrasés par la rotation des bras surpuissants. Rien ne pouvait, depuis, indisposer un gaillard comme Porchnev.
Malgré cela, le spectacle rebutant qui s’offrait à lui le tétanisa plusieurs secondes.
— Commandant Porchnev ? Vous m’entendez ?
À Houston, l’agent de liaison au sol s’époumonait en vain.
Finalement, le Russe se contenta de reconnecter les caméras, en évitant soigneusement de frôler le cadavre et d’entrer en contact avec les viscères disséminés qui recouvraient presque toutes les surfaces.
Les images jaillirent sur les trois immenses écrans du Mission Control Center américain. Et, simultanément, sur ceux de Munich et de Korolev.
La scène était difficile à interpréter. Les caméras étaient tachetées de sang, si bien qu’il fallait faire un effort pour discerner ce qui se trouvait, précisément, dans le module.
Et puis, au bout de quelques secondes, il fallut se rendre à l’évidence.
Chacun réagit comme il put. Certains restèrent de marbre, comme foudroyés sur place. D’autres, au contraire, poussèrent des cris de dégoût et de terreur.
Il s’écoula au moins deux minutes. Deux interminables minutes de sidération, avant que l’agent de liaison au sol ne reprenne la parole, désemparé.
— Commandant… Qu’est-ce qui… Vous avez une idée de…
Puis la voix s’étrangla lorsqu’une question évidente s’imposa, et qui n’avait toujours pas de réponse. Les images, légèrement floues, et le décor, pollué par les chairs en suspension, rendaient impossibles l’identification de la victime.
— Qui… Qui est mort ?
Porchnev demeurait silencieux. L’odeur de boucherie et d’abats avariés devenait insoutenable. Il se propulsa hors de Columbus et ferma l’imposante écoutille rectangulaire qui permettait d’isoler le laboratoire du reste de l’ISS. Elle n’avait jamais servi depuis l’arrimage du module à la Station, en 2008. En cas d’incendie ou de dépressurisation, c’était le premier geste à accomplir.
Et dans cette situation inédite et hautement improbable, aussi.
— Jenkins, souffla finalement le cosmonaute. Vu son état, je ne vois pas d’autre explication qu’un meurtre.
Les mots tombèrent comme des glaçons au fond d’un verre.
Le visage de Porchnev était délavé, presque transparent. Il avait vu la mort bien en face. Une mort atroce, répugnante, qui augurait d’une situation de crise exceptionnelle.
Serait-il capable de gérer ?
Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui ? Pourquoi avait-il été nommé commandant ? C’était simplement le tour de la Russie, après les États-Unis et l’Europe, lors des précédentes expéditions. « Foutu hasard », marmonna-t-il pour lui-même.
« Un meurtre »…
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