Au détour d'un livre

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Et si la vie n'était qu'un début, de Jean Testanière

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Résumé : Enfant, Jean est déjà différent des autres. Est-ce dû à la mort précoce de son père ou à son caractère sans doute plus sensible et rêveur ?
En 6e, au collège, il sidère ses camarades en leur racontant des scènes qu'ils vivent quelques instants plus tard. Au fil des années, Jean devient de plus en plus clairvoyant, devinant secrets et non-dits.

 

Auteur : Jean Testanière
Nombre de pages : 252
Édition : XO
Date de parution : 20 janvier 2022
Prix : 19.90€ (Broché) - 12.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2374480114

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Avis / Critique :
 

Avant d'ouvrir ce livre, en voyant la couverture, j'avais cru qu'il s'agissait d'un livre sur la vie après la mort. Il est vrai que la photo tend à aller dans ce sens. Eh bien, pas du tout ou du moins pas vraiment.
Je me suis finalement retrouvée embarquée dans la vie de l'auteur, Jean Testanière que je ne connaissais pas. Donc, j'ai vraiment opté pour ce livre suivant sa couverture et le titre énoncé.  Si je n'ai pas été emballé, car le contenu n'était pas ce que j'espérais à l'origine, j'ai néanmoins passé un agréable moment à parcourir l'enfance de l'auteur, la découverte de ses aptitudes hors du commun, sa clairvoyance, les problématiques que cela lui a entrainé à l'école puis dans sa vie d'adulte, mais aussi les fabuleux moments qui en ont découlés. Parmi ceux-ci, on peut notamment parler de ses rencontres fortuites "ou pas" avec Michel Delpech, Polnaref, un ancien animateur de radio, des actrices, et même François Mitterand.

Tour à tour donc, on découvre ses affres face à ce don, l'amour inconditionnel d'une mère totalement à son écoute et ouverte d'esprit, son parcours scolaire et ses différents métiers, puis des anecdotes concernant le changement qu'à opéré son don chez d'autres par les révélations qu'il a pu leur apporter que ce soit d'ordre médical, ou message de l'au-delà. Car il parle de l'au-delà, pas assez à mon sens puisqu'il s'agit ici d'une biographie, mais néanmoins, il en fait mention à plusieurs reprises. Le fait que j'ai particulièrement trouvé intéressant, c'est le parcours de combattant que devrait mener celui qui a fait le mal sur Terre pour trouver ensuite la lumière dans cette autre destination, marchant seul et abandonné dans un désert aride et un ciel gris et sombre, âme perdue au milieu de nulle part, dans une dimension devenue son enfer.
Idée ou vue intéressante de celui qui sait ? Ou bien réalité de ce qui attend le mort ? On ne le saura qu'en passant nous-mêmes de l'autre côté, mais ce passage fait penser à ce que révélait Chico Xavier sur l'Enfer dans son roman Nosso Lar.

Finalement, ce livre, c'est un cheminement, celui de Jean Testanière que nous suivons de son enfance jusqu'à sa retraite. Une vie avec ses rencontres, avec ses visions, avec son don. Il nous livre quelques témoignages de personnes ayant eu affaire à lui, et ce qu'il a pu leur apporter de bénéfiques, et nous parle de ses dons de guérison aussi. 

C'est un livre intéressant sur certains plans, moins sur d'autres. Il sera bien pour ceux qui cherchent à en découvrir un peu plus sur Jean Testanière, et quant aux autres, d'autres ouvrages seront plus adéquat
s s'ils recherchent à lire quelque chose sur l'après-mort.

 

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Extrait :

Prologue

J’ai toujours été étonné de la spontanéité avec laquelle les gens me faisaient confiance, ouvrant grand les portes de leur jardin secret, se livrant sans jamais douter de ma discrétion, comme ils l’auraient fait avec leur médecin de famille, leur avocat ou n’importe quelle personne tenue à un devoir de confidentialité.

Tous épanchaient très aisément leurs peines, énuméraient en toute franchise leurs blessures, celles dont ils ne parvenaient à se défaire, leurs amours perdues ou disparues, leurs rêves oubliés.

C’est dans ce contexte de conversations à cœur ouvert qu’un ami me parla pour la première fois d’une certaine Leilla.

J’acceptai d’emblée de rencontrer cette jeune femme, sans rien savoir de sa vie ni de son passé, sans même l’avoir jamais croisée quelque part. Mon ami m’avait seulement expliqué qu’elle avait perdu sa mère à l’âge de trois ans et qu’elle était à la recherche de ses origines.

La semaine suivante, un rendez-vous fut organisé au domicile de Leilla. La charmante quarantenaire m’accueillit avec un sourire, avant de me conduire dans son salon. C’est là, peut-être cinq minutes après mon arrivée, qu’une femme apparut soudainement devant moi, comme un mirage. La mère de Leilla, avais-je aussitôt conclu avec émerveillement.

La vision fut si réaliste que je crus un instant la nouvelle venue physiquement là, à mes côtés, en chair et en os. Elle portait un haut vert, ses longs cheveux noirs étaient séparés de façon symétrique par une raie. Elle était très élégante, les traits de son visage étaient délicats, elle avait l’air radieuse, calme et dévorait sa fille des yeux.

Quand elle commença à me parler, je demandai à Leilla de bien vouloir s’installer près de moi et d’être attentive à ce que j’allais lui rapporter.

« Ta mère est là, Leilla, assise juste à côté de toi. Elle souha

ite que je te transmette un message… Elle veut te dire qu’elle t’aime énormément et qu’elle est heureuse de la vie que tu mènes. Elle trouve que tes enfants sont merveilleux et que ton mari est très gentil, même si tu aimerais qu’il t’écoute un peu plus souvent…

Attends… Elle me parle de quelqu’un dont le prénom commence par un A… Elle est même en train de former cette lettre avec son doigt, comme si elle l’écrivait sur un mur… La lettre est rouge, de la couleur du sang… On dirait qu’elle souffre, qu’elle a mal… »

Fascinée par l’exactitude de ces propos, Leilla m’apprit, d’une voix étranglée, qu’il devait s’agir de son père, Amara.

Un homme déchu de son autorité parentale, qui était retourné en Algérie après le décès de son épouse et y avait vécu jusqu’à sa mort, un mois plus tôt.

Sans aucun autre parent sur le sol français, Leilla, ses quatre frères et ses deux sœurs avaient donc été placés à l’orphelinat avant d’être confiés à des familles d’accueil.

J’eus à peine le temps de m’en attrister que la mère de Leilla recommençait déjà à me fournir une foule de détails sur sa vie passée, s’attardant sur les bons souvenirs, semblant avoir attendu de nombreuses années avant de livrer son histoire.

Elle me narra son mariage en Algérie et son départ pour la France, la naissance de ses sept enfants, la difficulté à vivre loin de sa famille et de son pays.

Elle revint aussi sur la jalousie maladive de son époux, les règles restrictives qu’il lui imposait, son interdiction de sortir de la maison et ses fulgurants accès de colère.

Elle ajouta qu’un de ses frères, Salah, l’avait rejointe au ciel il y a une dizaine d’années, et termina en disant à sa fille qu’il était inutile d’aller pleurer sur sa tombe, car elle ne s’y trouvait pas. Elle était ailleurs, partout autour de nous…

Je fis de mon mieux pour ne rien oublier, pour restituer chaque parole de ce long monologue empreint de mélancolie. Consciencieusement, à la manière d’un automate, j’écoutais et je répétais, j’écoutais et je répétais, sans chercher à tout comprendre tant mon esprit était absorbé par cet être évanescent.

En arrière-plan, le visage de Leilla m’avait vaguement paru se transformer sous l’effet de l’émotion. Elle semblait être en apesanteur, comme engourdie.

Avant que sa mère ne disparaisse, je demandai à la jeune femme si elle avait une question à lui poser. Elle parut hésiter, puis acquiesça timidement. Oui, il y a bien quelque chose qu’elle aimerait savoir… Depuis qu’elle avait appris la mort de son père, un mois plus tôt, elle songeait sérieusement à se rendre en Algérie pour retrouver cette famille qu’elle ne connaissait que de nom ou à travers les 

quelques photos qu’il lui restait de sa mère, et peut-être rencontrer sa grand-mère maternelle si elle était encore vivante. Était-ce une bonne idée ?

La réponse fut instantanée :

« Ta mère t’encourage à entreprendre ce voyage, Leilla. Elle me dit que ta grand-mère est toujours en vie, qu’il sera difficile de la retrouver, mais que tu y arriveras… Ils prétendront tous qu’elle est morte, mais ce n’est pas vrai… Elle habite dans un petit village, à côté de… »
Il y eut un blanc. Puis la femme-fantôme regarda sa main, me la montra et me fit répéter textuellement ces mots, en me demandant de parler à sa place et de m’adresser directement à sa fille :
« Ma fille, il y a une bague là-bas, en Algérie, qui m’a appartenu… Elle n’a pas de valeur, mais je voudrais que tu la récupères… Va la chercher, je te la donne. »
Ensuite, ce fut le silence, profond et lourd comme une chape de plomb.
Malgré ma relative accoutumance, j’étais sous le choc. À la fois ébranlé et subjugué par cette vision incroyable, par les précisions et la nature du message que la mère de Leilla m’avait fait transmettre… Elle avait paru si réelle, s’était exprimée avec clarté, elle avait même posé la main sur l’épaule de sa fille… C’était tellement intense et beau, qu’il nous fallut plusieurs minutes, à Leilla et moi, pour nous en remettre.
En partant, j’expliquai à la jeune femme ce qui allait sûrement se produire dans les jours à venir. Des lampes allaient mystérieusement s’allumer puis s’éteindre toutes seules, elle risquait d’entendre des bruits inhabituels et les appareils électroménagers de son appartement pourraient se mettre en marche à l’improviste. Il ne faudrait surtout pas en avoir peur, c’était simplement la façon qu’avaient les défunts de se manifester.
Après notre entrevue, Leilla se résolut à partir en Algérie, où elle vécut une histoire à couper le souffle. Aujourd’hui encore, le récit de son voyage me donne des frissons.
Son oncle Larbi, qui avait repris contact avec elle à la mort de son père via Facebook, se chargea de l’attendre à l’aéroport de Constantine. Il la conduisit ensuite à Tébessa, une ancienne ville romaine dans le nord-est de l’Algérie. C’est là que la famille de son père, et auparavant celle de sa mère, habitait, à plus ou moins mille kilomètres de chez elle.
Mille kilomètres… qu’était-ce comparé aux milliers d’heures passées à se demander à quoi ressemblait cette famille outre-Méditerranée, s’ils pensaient à elle et à ses frères et sœurs, si elle pourrait, un jour, avoir une grand-mère à défaut d’avoir une mère…

Leilla avait profité des trois heures de route depuis l’aéroport pour assaillir son oncle Larbi de questions. Combien de cousins et de cousines avait-elle ? Combien de tontons, de tatas ? Elle avait terminé par celle qui lui brûlait les lèvres : est-ce que sa grand-mère maternelle était toujours en vie ? C’était le seul grand-parent qui lui restait et l’unique personne qui la reliait encore à sa mère… Larbi avait grimacé d’incertitude et le cœur de la jeune femme s’était serré. « Je crois qu’elle est morte, mais je ne veux pas te dire de bêtises… Nous n’avons plus aucun contact avec la famille de ta mère. » Leilla avait discrètement accusé le coup, essayant de ne pas penser à toutes ces fois où elle avait imaginé enlacer tendrement sa grand-mère, et reportant son attention sur tous ceux qui l’attendaient là-bas.

Arrivés dans la province de Tébessa, il y eut beaucoup d’embrassades, de cris de joie, et quantité de pleurs aussi. Toute la famille du côté de son père avait été prévenue de sa visite, et c’était à qui s’approcherait le plus de cette cousine française.
Alors que tout le monde était réuni, Leilla tenta de glaner des informations au sujet de sa grand-mère maternelle, mais tous secouèrent la tête négativement… hormis l’un de ses oncles qui fronça les sourcils en quittant la pièce.
Lorsqu’il revint en expliquant avoir parlé à un voisin qui pensait savoir où se trouvait sa grand-mère, la jeune femme se sentit défaillir. Après avoir écouté l’itinéraire à emprunter, elle partit avec Larbi, le cœur battant.
Ils roulèrent au pas durant un laps de temps assez court, s’engagèrent dans une avenue fraîchement goudronnée et stoppèrent la voiture devant un magasin de plomberie. Leilla s’efforça de maîtriser sa respiration, mais son rythme cardiaque s’affolait. Se pouvait-il que sa grand-mère vive ici ? Elle ne voulait pas s’enthousiasmer trop vite, il s’agissait peut-être d’un homonyme, d’une simple erreur de compréhension.

Larbi demanda aux enfants qui jouaient dans la rue s’ils connaissaient une dame d’environ quatre-vingt-cinq ans se prénommant Sakina, l’un d’eux tendit le doigt en direction d’une maison blanche bâtie à l’arrière de la boutique de plomberie. Son oncle s’avança alors vers le portail et sonna.
Un homme assez grand vint leur ouvrir. Leilla se présenta et sentit ses jambes fléchir sous son poids en entendant l’individu lui dire que Sakina habitait bien ici et qu’il n’était autre que son fils… Quand il ajouta que la vieille dame était partie boire le café chez une amie, elle crut que son cœur allait lâcher à force de faire l’ascenseur émotionnel.
Son tout nouvel oncle les fit entrer dans la maison où il habitait avec ses sœurs et leurs enfants, les invitant à patienter sur le canapé. Après ce qui lui parut être une éternité, Leilla discerna au bout du couloir une silhouette vêtue d’une longue jupe traînant presque par terre et d’un foulard blanc. La jeune femme se leva, mit un pied devant l’autre, très lentement, puis elle allongea le pas et finit par franchir les derniers mètres qui l’éloignaient de son passé à grandes enjambées.
Ses pieds ne touchaient plus le sol, elle volait vers ses origines, vers cette part d’elle-même qui était trop longtemps restée dans l’ombre. À peine eut-elle murmuré le prénom de sa grand-mère que les deux femmes tombèrent dans les bras l’une de l’autre en pleurant.

Entourée par la famille de sa mère, Leilla était sur un petit nuage, elle ne cessait d’embrasser Sakina, elle l’enlaçait, lui caressait les mains, effleurait son visage toutes les trente secondes pour être certaine de ne pas rêver. Après des années de séparation, après avoir imaginé cent fois cette scène sans trop y croire, Leilla voyait enfin ses prières exaucées.
Toute la soirée, petits et grands tentèrent de rattraper le temps perdu. Sakina expliqua comment son mari et elle avaient essayé de dissuader leur fille d’épouser celui qui deviendrait le père de Leilla, elle raconta la double peine d’avoir à enterrer son propre enfant et de se voir refuser la garde de ses petits-enfants. Elle évoqua aussi l’éloignement et la barrière de la langue qui les avaient toujours empêchés de contacter Leilla ou ses frères et sœurs.
Au moment de se quitter, Sakina embrassa une dernière fois sa petite-fille sur le front, elle la contempla de la tête aux pieds avec tendresse, puis retira l’une de ses bagues et la lui tendit.
« Tiens, Leilla… Ta mère m’a laissé cette bague avant de partir pour la France, en 1976, en me disant qu’elle ne reviendrait plus… Elle n’a pas de valeur, mais j’aimerais que tu la prennes… Tiens, avait-elle insisté, je te la donne. »
Une bague ? À cet instant précis, Leilla se souvint de ce que je lui avais dit avant qu’elle ne décolle pour Constantine. Prise dans un tourbillon affectif, elle avait totalement oublié cette histoire de bague… Et voilà que tout à coup, elle ressurgissait !
La jeune femme en resta bouche bée. Tout s’était passé comme je le lui avais annoncé, quasiment mot pour mot. Le voyage, les retrouvailles, le décès de son oncle Salah, la bague et même les phrases prononcées par sa grand-mère.
Elle était sidérée, estomaquée.
De retour chez elle, à Toulon, Leilla reprit ses activités de psychothérapeute, elle se rassit dans le même fauteuil, derrière le même bureau, écouta les mêmes désordres existentiels, exactement comme elle l’aurait fait une semaine plus tôt… si ce n’est que rien n’était plus pareil. Toute l’énergie qu’elle avait déployée au quotidien pour soigner les névroses de ses patients s’était envolée. Un matin, ne supportant plus l’environnement anxiogène dans lequel elle évoluait, Leilla annula tous ses rendez-vous et partit dévisser sa plaque professionnelle du mur de son cabinet. Terminé les thérapies cognitives et comportementales, fini les difficultés psychologiques des uns et des autres. En renouant avec sa famille, Leilla avait trouvé la paix et allait tout faire pour conserver cette sérénité.
Un dénouement auquel je m’étais attendu, puisque le prénom de sa grand-mère, Sakina, pouvait se traduire par « paix divine ».

 

 

 

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