10 Février 2023
Résumé : Le cœur battant, Emma Lindahl cogne à la porte du manoir dressé sur une petite île au large de Stockholm. Experte en art, elle doit procéder à l’inventaire des biens de la famille Gussman, quatrième plus grande fortune de Suède. L’île et son manoir ont une réputation sulfureuse depuis que, neuf ans plus tôt, une adolescente a été découverte pendue à un arbre du domaine, tuée dans des conditions affreuses.
Son assassin n’a jamais été retrouvé.
Auteure : Johana Gustawsson
Nombre de pages : 306
Édition : Calmann Lévy
Date de parution : 18 janvier 2023
Prix : 19.90€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2702181775
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Comme son nom ne l'indique pas, Johana Gustawsson est française et s’est fait un nom sur la scène du polar international en seulement trois romans.
29 décembre 2012, Karl, policier, se rend sur l'île de Storholmen après que le corps d'une jeune fille ait été découvert accroché à une branche. La particularité de ce meurtre ? La victime porte une paire de ciseaux autour du cou et ses orteils ont les pouces ligotés ensemble. De larges coupures sont visibles à l'intérieur de ses cuisses.
22 novembre 2021, Emma Lindahl, représentante de la maison Von Dardel's, est envoyée à Storholmen pour expertiser les collections de la famille Gussman qui habite le seul manoir de l'île, là où fut retrouvé il y a 9 ans le corps de celle qui a été surnommé "La pendue". Au manoir, Emma est enjointe à visiter les pièces dans un ordre strict avec des horaires stricts. Elle ne croisera pas ou peu les propriétaires qui semblent à tous assez mystérieux. Emma a accepté cette mission en partie parce qu'elle est la sœur de "La Pendue".
L'histoire prend un nouveau tournant quand elle découvre une note cachée à l'intérieur d'une brosse qu'elle a fait tombé et qui s'est cassée en deux. La note disait : "AIDEZ MOI JE SUIS ENFERMÉE ICI". Quelques jours plus tard, le 29 décembre 2021, quatre femmes qui se promènent découvrent le corps d'une ado enfermée dans la glace. Autour de son cou, une paire de ciseaux et les mêmes caractéristiques que "la Pendue".
Karl, le policier, qui vient de voir sa femme disparaitre, reprend l'enquête et retrouve Emma Lindahl sur l'île de Stohomel. Quel secret ces morts cachent-il ? Y-a-t-il un lien avec les anciennes pratiques et fêtes Vikings ?
Johana Gustawsson nous emmène sur une île où le froid est roi. Plongée dans cette ambiance glacée, elle dévoile son intrigue au travers de trois personnages : Emma, la sœur de la première victime ; Karl, le policier et Viktoria, la gouvernante du manoir. Chacun, peu à peu, amènent des éléments sur les faits au lecteur. Si Karl et Emma sont en interaction, Viktoria, elle, est à part et n'interagit qu'à l'intérieur du manoir où se trouvent sa fille, Joséphine, le fils Bergman, le nouveau propriétaire et la mère de celui-ci. C'est donc peu à peu que les indices apparaissent mêlés en cela à la vie des protagonistes qui se retrouvent sur cette île glaciale de Storholmen.
Johana Guwtasson a pris le parti de ne pas avoir de héros central dans son histoire même si le gros de l'intrigue est centré sur Emma Landle. Elle utilise trois personnages pour nous amener vers la résolution de l’énigme et choisit de faire parler chacun à la première personne. J'avoue que ce n'est pas ce que je préfère, mais ici, cela fonctionne plutôt bien. Guwstason prend le parti de nous raconter l'enquête et les découvertes d'Emma, mais aussi la vie de Joséphine au manoir quelques dizaines d'années plus tôt.
C'est le premier roman que je lis de cette écrivaine et je pense lire les précédents, histoire de me faire une plus grande opinion sur son style. En tous les cas, on passe un bon moment à lire ce récit qui se passe sur Storholmen et non sur Yule comme le veut le titre. Yule étant la fête du solstice d'hiver auquel se réfèrent plusieurs personnages de ce roman.
Si j'ai été un peu désappointée par la fin de la trame, je me suis néanmoins prise au jeu et je vous recommande de le lire si vous aussi, vous aimez les romans qui se passent dans les pays scandinaves. Le petit plus, le vocabulaire norvégien auquel l'autrice se réfère. On notera également, la couverture choisie par l'éditeur qui nous plonge d'entrée de jeu dans l'ambiance glacée de l'île.
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L'île de Yule, de Johana Gustawsson - www.audetourdunlivre.com
Ce matin, j’ai ouvert les yeux sur la nuque de ma femme et ses mèches enchevêtrées. J’ai glissé mon nez au cœur de ce désordre. Mon souffle chassait ses boucles et me frayait un passage vers sa peau. Je l’ai embrassée du bout des lèvres. Encore et encore, jusqu’à ce qu’elle frémisse. Je me suis arrêté pour écouter le son mouillé de sa bouche au réveil. Puis j’ai recommencé.
Une heure et vingt minutes plus tard, je me trouve de l’autre côté de la baie, sur l’île de Storholmen. Face à moi se dresse un sapin fier et majestueux, nappé de givre comme s’il avait été dessiné pour illustrer un conte de Noël.
Cette fois, la nuque que je regarde tangue entre les branches.
L’air glacé me brûle le gosier comme une gorgée de snaps.
J’extirpe avec peine mes bottes enlisées dans la neige compacte pour me rapprocher de la pendue. La corde a remonté ses cheveux blonds jusqu’au niveau des joues, dessinant deux touffes grotesques qui semblent jaillir de ses oreilles. Elle est accrochée à une branche basse, pratiquement contre le tronc du sapin, ses pieds dansent à trente centimètres du sol.
Je pose mon majeur et mon pouce sur son épaule. Le latex de mes gants adhère à sa peau gelée et, durant quelques secondes dilatées, je ne vois que la couleur parme de mes doigts qui détonne comme un détail de mauvais goût dans le paysage immaculé. Je tourne prudemment le corps vers moi, la corde crisse sur la branche.
Ses yeux sont grands ouverts.
Je ferme les miens un instant.
Elle est jeune. Bon Dieu qu’elle est jeune. Une enfant de… quatorze, quinze ans tout au plus. Elle porte autour du cou un lacet en cuir, caché sur sa nuque par la corde et l’amas de ses cheveux. Une paire de ciseaux ouverte y est attachée comme un pendentif démesuré ; une des pointes pique son sein nu, côté cœur. De larges coupures à l’intérieur de ses cuisses, au niveau de l’artère fémorale, ont laissé couler beaucoup de sang. Leur tracé est propre et net, d’une précision chirurgicale.
Je m’accroupis pour observer ses pieds. Ce que j’ai pris tout à l’heure pour une tige coincée entre les orteils est en fait un fil noir qui ligote ses pouces ensemble. Enroulé plusieurs fois dans ce qui ressemble au signe de l’infini, il se tend et se courbe au gré des mouvements du corps bercé par le vent.
Il faut qu’ils la descendent maintenant. Qu’ils décrochent cette enfant. Qu’ils la posent à terre et la couvrent.
Un technicien de la police scientifique surgit de sous la robe de branchages. Sans même prendre la peine de se redresser, il me fait signe de le rejoindre. Quoi d’autre ou de pire nous attend sous cet arbre ?
J’acquiesce d’un signe de tête.
J’avale et recrache une bouffée d’air sec en toussant, puis je le suis en me recroquevillant pour me faufiler sous le sapin.
Je prends soudain conscience que, depuis mon arrivée, je n’ai rien entendu d’autre autour de moi que le son de nos bottes qui écrasent la neige et de nos combinaisons froissées. Une musique funeste jouée en sourdine. Personne ne parle. Personne n’ose parler. Cette île déclenche en moi une sensation glaçante : je me sens forcé d’étouffer les bruits de mon passage. Jusqu’à ceux de mes pensées. Comme si j’avançais en territoire ennemi, les doigts crispés sur la crosse de mon fusil.
Storholmen impose le silence à une foule muette dont je fais partie. Une foule qui écoute ce silence comme un prélude au drame.
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