Au détour d'un livre

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Les démons (les possédés), de F.M Dostoïevski

Les démons (les possédés), de F.M Dostoïevski

Résumé : « Est-il possible de croire ? Sérieusement et effectivement ? Tout est là. » Stavroguine envoûte tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite à son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdité de la liberté pour un homme seul et sans raison d'être. Tous les personnages de ce grand roman sont possédés par un démon, le socialisme athée, le nihilisme révolutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces idéologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la société et appellent un terrorisme destructeur. Sombre tragédie d'amour et de mort, «Les Possédés» sont l'incarnation géniale des doutes et des angoisses de Dostoïevski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. Dès 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe siècle.
 


Auteur : Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski
Nombre de pages : 759
Edition : Gallimard 
Collection : Folio
Date de parution : 24 septembre 1997 (édition originale, 1872)
Prix : 9.20€ (poche)


Livre du domaine public
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Avis / Critique :

Attention, chef d’œuvre. C’est un livre riche, flamboyant, qui arrive à mêler politique, religion et sentiments. Ce n’est pas un livre, c’est un univers où se côtoient, s’aiment, se trahissent, se tuent des personnages d’une complexité rare…
De quoi s’agit-il ? Nous sommes dans une petite ville de province russe, avec sa noblesse locale, qui vit tranquillement. Barbara Pétrovna Stavroguine, notable, parente et mentor du gouverneur, entretient un vieil intellectuel un peu maniéré et vaguement socialiste, Stépan Trophimovitch Verkhovensky. Mais soudain tout est perturbé par l’arrivée de deux personnages. Le fils de Barbara Pétrovna, Nicolas Vsévolodovitch Stavroguine, est un personnage fascinant par sa beauté et son caractère détaché. L’autre, Pierre Stepanovitch Verkhovensky, est le fils de Stépan Trophimovitch. Il est cynique et inquiétant.
Il est fort probable que Dostoïevski règle ici ses comptes avec les révolutionnaires, dont il fut un temps des leurs. La révolution présentée ici est inquiétante, nihiliste et porte en germe la tyrannie. Il y a d’ailleurs dans le livre des pages étonnamment prophétiques quant au devenir des régimes communistes au XXe siècle, en particulier en Russie.
Mais il serait faux de résumer le livre à une critique des milieux révolutionnaire. Ce n’est qu’un prétexte, un catalyseur que l’auteur utilise pour entraîner ses personnages dans un tourbillon destructeur.
On trouve, pêle-mêle, des considérations sur le rôle de Dieu et de la Russie, une critique féroce d’Ivan Tourgueniev avec le personnage de Karmazinoff, l’affrontement des générations entre l’intellectuel vieillissant et son fils, de l’humour et, comme toujours chez Dostoïevski, une description de l’épilepsie.
Un mot sur la traduction : c’est la version du domaine public qui est critiquée ici, c’est pour cela que cet article fait référence à l’ancien nom français du roman, « les possédés » et non à son nouveau nom « les démons » qui est maintenant le nom couramment admis.
Le texte datant de 1886, certains mots sont un peu obsolètes et il est fort probable que certaines subtilités de langages nous échappent. Mais cela n’empêche pas de prendre un énorme plaisir à la lecture…

Un livre indispensable.

Une critique d'Evil.g

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Les possédés ou les démons de Fiodor Dostoïevski - www.audetourdunlivre.com


Extrait :

Virguinsky éleva soudain la voix :
– Messieurs, si quelqu’un a une communication à faire ou désire traiter un sujet se rattachant plus directement à l’œuvre commune, je l’invite à commencer sans retard.
– Je prendrai la liberté de faire une question, dit d’une voix douce le professeur boiteux, qui jusqu’alors n’avait pas prononcé un mot et s’était distingué par sa bonne tenue : – je désirerais savoir si nous sommes ici en séance, ou si nous ne formons qu’une réunion de simples mortels venus en visite. Je demande cela plutôt pour l’ordre, et afin de ne pas rester dans l’incertitude.
Cette « malicieuse » question produisit son effet ; tous se regardèrent les uns les autres, chacun paraissant attendre une réponse de son voisin ; puis, brusquement, comme par un mot d’ordre, tous les yeux se fixèrent sur Verkhovensky et sur Stavroguine.
– Je propose simplement de voter sur la question de savoir si nous sommes, oui ou non, en séance, déclara madame Virguinsky.
– J’adhère complètement à la proposition, dit Lipoutine, – quoiqu’elle soit un peu indéterminée.
– Moi aussi, moi aussi, entendit-on de divers côtés.
– Il me semble en effet que ce sera plus régulier, approuva à son tour Virguinsky.
– Ainsi aux voix ! reprit Arina Prokhorovna. – Liamchine, mettez-vous au piano, je vous prie ; cela ne vous empêchera pas de voter au moment du scrutin.
– Encore ! cria Liamchine ; – j’ai déjà fait assez de tapage comme cela.
– Je vous en prie instamment, jouez ; vous ne voulez donc pas être utile à l’œuvre commune ?
– Mais je vous assure, Arina Prokhorovna, que personne n’est aux écoutes. C’est seulement une idée que vous avez. D’ailleurs, les fenêtres sont hautes, et lors même que quelqu’un chercherait à nous entendre, cela lui serait impossible.
– Nous ne nous entendons pas nous-mêmes, grommela un des visiteurs.
– Et moi, je vous dis que les précautions sont toujours bonnes. Pour le cas où il y aurait des espions, expliqua-t-elle à Verkhovensky, – il faut que nous ayons l’air d’être en fête et que la musique s’entende de la rue.
– Eh, diable ! murmura Liamchine avec colère, puis il s’assit devant le piano, et commença à jouer une valse en frappant sur les touches comme s’il eût voulu les briser.
– J’invite ceux qui désirent qu’il y ait séance à lever la main droite, proposa madame Virguinsky.
Les uns firent le mouvement indiqué, les autres s’en abstinrent. Il y en eut qui, ayant levé la main, la baissèrent aussitôt après ; plusieurs qui l’avaient baissée la relevèrent ensuite.
– Oh ! diable ! Je n’ai rien compris ! cria un officier.
– Moi non plus, ajouta un autre.
– Si, moi, je comprends, fit un troisième ; – si c’est oui,on lève la main.
– Mais qu’est-ce que signifie oui ?
– Cela signifie la séance.
– Non, cela signifie qu’on n’en veut pas.
– J’ai voté la séance, cria le collégien à madame Virguinsky.
– Alors, pourquoi n’avez-vous pas levé la main ?
– Je vous ai regardée tout le temps, vous n’avez pas levé la main, je vous ai imitée.
– Que c’est bête ! C’est moi qui ai fait la proposition, par conséquent je ne pouvais pas lever la main. Messieurs, je propose de recommencer l’épreuve inversement : que ceux qui veulent une séance restent immobiles, et que ceux qui n’en veulent pas lèvent la main droite.
– Qui est-ce qui ne veut pas ? demanda le collégien.
– Vous le faites exprès, n’est-ce pas ? répliqua avec irritation madame Virguinsky.
– Non, permettez, qui est-ce qui veut et qui est-ce qui ne veut pas ? Il faut préciser cela un peu mieux, firent deux ou trois voix.
– Celui qui ne veut pas ne veut pas.
– Eh ! oui, mais qu’est-ce qu’il faut faire si l’on ne veut pas ? Doit-on lever la main ou ne pas la lever ? cria un officier.
– Eh ! nous n’avons pas encore l’habitude du régime parlementaire ! observa le major.
– Monsieur Liamchine, ne faites pas tant de bruit, s’il vous plaît, on ne s’entend pas ici, dit le professeur boiteux.
Liamchine quitta brusquement le piano.
– En vérité, Arina Prokhorovna, il n’y a aucun espion aux écoutes, et je ne veux plus jouer ! C’est comme visiteur et non comme pianiste que je suis venu chez vous !
– Messieurs, proposa Virguinsky, – répondez tous verbalement : sommes-nous, oui ou non, en séance ?
– En séance, en séance ! cria-t-on de toutes parts.
– En ce cas, il est inutile de voter, cela suffit. N’est-ce pas votre avis, messieurs ? Faut-il encore procéder à un vote ?
– Non, non, c’est inutile, on a compris !
– Peut-être quelqu’un est-il contre la séance ?
– Non, non, nous la voulons tous !
– Mais qu’est-ce que c’est qu’une séance ? cria un des assistants. Il n’obtint pas de réponse.
– Il faut nommer un président, firent un grand nombre de voix.
– Le maître de la maison, naturellement, le maître de la maison !
Élu par acclamation, Virguinsky prit la parole :
– Messieurs, puisqu’il en est ainsi, je renouvelle ma proposition primitive : si quelqu’un a une communication à faire ou désire traiter un sujet se rapportant plus directement à l’œuvre commune, qu’il commence sans perdre de temps.
Silence général. Tous les regards se portèrent de nouveau sur Stavroguine et Pierre Stépanovitch.
– Verkhovensky, vous n’avez rien à déclarer ? demanda carrément Arina Prokhorovna.
L’interpellé s’étira sur sa chaise.
– Absolument rien, répondit-il en bâillant. – Du reste, je désirerais un verre de cognac.
– Et vous, Stavroguine ?
– Je vous remercie, je ne boirai pas.
– Je vous demande si vous désirez parler, et non si vous voulez du cognac.
– Parler ? Sur quoi ? Non, je n’y tiens pas.
– On va vous apporter du cognac, répondit madame Virguinsky à Pierre Stépanovitch.
L’étudiante se leva. Depuis longtemps on voyait qu’elle attendait avec impatience le moment de placer un discours.
– Je suis venue faire connaître les souffrances des malheureux étudiants et les efforts tentés partout pour éveiller en eux l’esprit de protestation…
Force fut à mademoiselle Virguinsky d’en rester là, car à l’autre bout de la salle surgit un concurrent qui attira aussitôt l’attention générale. Sombre et morne comme toujours, Chigaleff, l’homme aux longues oreilles, se leva lentement, et, d’un air chagrin, posa sur la table un gros cahier tout couvert d’une écriture extrêmement fine. Il ne se rassit point et garda le silence. Plusieurs jetaient des regards inquiets sur le volumineux manuscrit ; au contraire, Lipoutine, Virguinsky et le professeur boiteux paraissaient éprouver une certaine satisfaction.
– Je demande la parole, fit d’une voix mélancolique, mais ferme, Chigaleff.
– Vous l’avez, répondit Virguinsky.
L’orateur s’assit, se recueillit pendant une demi-minute et commença gravement :
– Messieurs…
– Voilà le cognac ! dit d’un ton méprisant la demoiselle sans sourcils qui avait servi le thé ; en même temps, elle plaçait devant Pierre Stépanovitch un carafon de cognac et un verre à liqueur qu’elle avait apportés sans plateau ni assiette, se contentant de les tenir à la main.
L’orateur interrompu attendit silencieux et digne.
– Cela ne fait rien, continuez, je n’écoute pas, cria Verkhovensky en se versant un verre de cognac.
– Messieurs, reprit Chigaleff, – en m’adressant à votre attention, et, comme vous le verrez plus loin, en sollicitant le secours de vos lumières sur un point d’une importance majeure, je dois commencer par une préface…
– Arina Prokhorovna, n’avez-vous pas des ciseaux ? demanda à brûle-pourpoint Pierre Stépanovitch.
Madame Virguinsky le regarda avec de grands yeux.
– Pourquoi vous faut-il des ciseaux ? voulu-t-elle savoir.
– J’ai oublié de me couper les ongles, voilà trois jours que je me propose de le faire, répondit-il tranquillement, les yeux fixés sur ses ongles longs et sales.
Arina Prokhorovna rougit de colère, mais mademoiselle Virguinsky parut goûter ce langage.
– Je crois en avoir vu tout à l’heure sur la fenêtre, dit-elle ; ensuite, quittant sa place, elle alla chercher les ciseaux et les apporta à Verkhovensky. Sans même accorder un regard à la jeune fille, il les prit et commença à se couper les ongles.
Arina Prokhorovna comprit que c’était du réalisme en action, et elle eut honte de sa susceptibilité. Les assistants se regardèrent en silence. Quant au professeur boiteux, il observait Pierre Stépanovitch avec des yeux où se lisaient la malveillance et l’envie. Chigaleff poursuivit son discours :
– Après avoir consacré mon activité à étudier la question de savoir comment doit être organisée la société qui remplacera celle d’aujourd’hui, je me suis convaincu que tous les créateurs de systèmes sociaux, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la présente année 187., ont été des rêveurs, des songe-creux, des niais, des esprits en contradiction avec eux-mêmes, ne comprenant absolument rien ni aux sciences naturelles, ni à cet étrange animal qu’on appelle l’homme. Platon, Rousseau, Fourier sont des colonnes d’aluminium ; leurs théories peuvent être bonnes pour des moineaux, mais non pour la société humaine. Or, comme il est nécessaire d’être fixé sur la future forme sociale, maintenant surtout que tous nous sommes enfin décidés à passer de la spéculation à l’action, je propose mon propre système concernant l’organisation du monde. Le voici. (Ce disant, il frappa avec un doigt sur son cahier). J’aurais voulu le présenter à la réunion sous une forme aussi succincte que possible ; mais je vois que, loin de comporter des abréviations, mon livre exige encore une multitude d’éclaircissements oraux ; c’est pourquoi l’exposé demandera au moins dix soirées, d’après le nombre de chapitres que renferme l’ouvrage. (Des rires se firent entendre.) De plus, j’avertis que mon système n’est pas achevé. (Nouveaux rires.). Je me suis embarrassé dans mes propres données, et ma conclusion est en contradiction directe avec mes prémisses. Partant de la liberté illimitée, j’aboutis au despotisme illimité. J’ajoute pourtant qu’aucune solution du problème social ne peut exister en dehors de la mienne.

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