Au détour d'un livre

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Nous irons mieux demain, de Tatiana de Rosnay

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Résumé : Mère célibataire de vingt-huit ans, ébranlée par le décès récent de son père, Candice Louradour mène une vie sans saveur. Un soir d'hiver pluvieux, à Paris, elle est témoin d'un accident de la circulation. Une femme est renversée et grièvement blessée.
Bouleversée, Candice lui porte assistance, puis se rend à son chevet à l'hôpital. Petit à petit, la jeune ingénieure du son et la convalescente se lient d'amitié.

 

Autrice : Tatiana de Rosnay
Nombre de pages : 360
Éditeur : Robert Laffont
Date de parution : 15 septembre 2022
Prix : 21.90€ (Broché) - 4.99€ (epub, mobbi)
ISBN :
978-2221264225

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Avis / Critique :

Candice vit avec Arthur, est boulimique, vient de perdre son père quelques mois auparavant. Elle est ingénieure du son, et a un fils d'une précédente relation. Ce jour-là, elle est en route pour la maternelle quand un accident de la circulation a lieu. Attendant que les pompiers arrivent, elle reste auprès de la victime qui lui demande de garder sa paire de boucles d'oreilles. Le soir même, Candice se rend à l'hôpital et apprend que la victime va devoir être amputée. Quand Dominique Marquisan lui demande de se rendre à son appartement pour lui prendre des affaires, Candice est troublée par la quiétude de l'intérieur et se prend au jeu de pénétrer dans l'intimité de cette femme qui semble n'avoir personne dans sa vie. Elle découvre cependant des lettres enflammées laissant entendre que Dominique Marquisan a eu un ou plusieurs amants. Elle apprend également, cette fois par la victime, que l'appartement dans lequel elle loge a eu autrefois pour locataire la maitresse d’Émile Zola. D'ailleurs, Dominique se montre très loquace quant à la vie du grand écrivain et s'épanche facilement sur le sujet auprès de Candice. De l'autre côté, la sœur de Candice, a retrouvé un portable ayant appartenu à leur père. Dedans, des e-mails d'un certain Valentin adressés à une femme et le nom d'une villa appelée la Villa O.  Que faisaient ces mails dans le portable de leur père ?

Si au début, la vie de Candice semble bien rangée, peu à peu sa rencontre avec Dominique Marquisan va avoir un impact auquel elle ne s'attendait pas. D'ailleurs, tout le monde la met en garde. Qui est vraiment cette femme qui s'immisce de plus en plus dans sa vie ? Que veut-elle ?

Le roman se joue sur plusieurs tableaux. L'on suit d'abord la rencontre de Candice avec Dominique Marquisan, cette femme d'une soixantaine d'années, fan éperdue d’Émile Zola, qui prend de plus en plus de place dans la vie de Candice ; l'enquête sur les mails retrouvés dans le portable du père ; la vie de Candice et son interaction avec Arthur, sa famille, et ses problèmes de boulimie. Tout finit par s'intriquer d'une manière ou d'une autre. 

A travers ce livre, le lecteur suit donc plusieurs destins : celui de Candice qui va peu à peu s'emprisonner dans une relation ambiguë, mais également trouver les moyens de se libérer de ses blessures, la vie de Dominique qui va s'effondrer, mais dont on va découvrir l'amour de Zola et sa vie cachée, et enfin l'histoire du père de Candice au travers des indices que découvrent celle-ci et sa sœur. Dans ce livre, il s'agit d'amour et de haines, de rencontres, de pertes et d'émancipation. Le tout avec Zola en toile de fond dont on découvre la vie personnelle et également les livres.

"Nous irons mieux demain" se lit assez facilement, l'histoire est plutôt intéressante et on se demande où cette amitié entre Dominique et Candice va mener. Il y a aussi l'histoire du père qui permettra de redéfinir les rôles dans la fratrie. Il y a surtout Zola qui est presque un personnage à part entière. Malheureusement, si l'histoire au début est plutôt sympathique, j'avoue m'être lassée dès la moitié passée, me demandant où tout cela allait nous conduire. Avec la fin qui fait un saut dans le temps, tout est de nouveau chamboulé. Je m'attendais à tout autre chose, mais finalement pourquoi pas, cela se tient. Reste un sentiment mitigé. La psychologie des personnages est plus ou moins bien campée. Parfois, j'ai trouvé Candice puérile - peut-être était-ce dû aux dialogues - je n'ai pas compris son pétage de plomb même si tout amenait à cette alternative, c'est arrivé pour moi d'une étrange façon comme s'il fallait que cela arrive, mais que Tatiana de Rosnay ne savait comment faire au fond.

"Nous irons mieux demain", finalement un roman en demi-teinte pour moi.

 

 

Autre livre de Tatiana de Rosnay sur le blog :
- Manderley for ever

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Extrait :

 

Candice était en retard pour aller chercher son fils à l’école maternelle, rue de l’Espérance. La grève battait son plein depuis plusieurs semaines et l’exaspération régnait, toute-puissante. Sur les trottoirs, rendus glissants par la bruine, les piétons évitaient au mieux vélos et trottinettes ; il fallait jouer des coudes pour passer d’un bord à l’autre. Embouteillages et klaxons, aucun transport en commun : à bout de nerfs, les gens s’invectivaient, les insultes fusaient, tout le monde s’exaspérait ; Candice aussi. Cela faisait plus d’une heure qu’elle marchait depuis République. Heureusement, le chemin du retour avec Timothée serait court ; elle n’habitait qu’à quelques minutes de l’école, rue des Cinq-Diamants.

Depuis la Seine, elle cheminait le long du boulevard de l’Hôpital qui débouchait sur la place d’Italie. Encore une dizaine de minutes et elle serait arrivée. Devant le feu du carrefour, une foule compacte s’était formée, en attendant qu’il passe au rouge. Soudain une voiture fit une embardée, et heurta la personne qui se trouvait juste devant Candice. Elle entendit un hurlement ; une voix de femme, puis une frêle silhouette s’envola comme un vêtement emporté par le vent. Le crissement des freins, le fracas de la chute, les cris d’horreur. Il faisait sombre, on voyait mal, mais des badauds s’étaient aussitôt mis à filmer avec leurs portables, plantés là, au lieu de venir en aide.

Candice s’approcha du corps à terre, distingua des cheveux blonds épars, du sang, un visage pointu et blanc. Quelqu’un cria : « Elle est morte ! » Le conducteur de la voiture sanglotait en marmonnant qu’il n’avait rien vu ; la foule se pressait autour de cette inconnue étendue de tout son long, mais personne ne la réconfortait. Candice s’agenouilla sur la chaussée mouillée.
— Vous m’entendez, madame ?

La victime devait avoir la cinquantaine ou plus, des yeux immenses et noirs.
— Oui, lui dit-elle, d’une voix claire. Je vous entends.
Elle portait un manteau noir à la coupe élégante, un foulard en soie de couleur jaune.
— Il faut appeler le SAMU ! lança une femme au-dessus d’elles. Regardez l’état de sa jambe.
— Alors, appelez, bordel ! s’époumona un homme.

La foule autour s’était remise à bouger en un étrange ballet désordonné, et toujours ces gens qui filmaient. Candice les suppliait d’arrêter ; et s’il s’agissait de leur mère, de leur sœur ?
— Les secours vont arriver, ne vous inquiétez pas. Ça va aller.

Elle essayait de l’apaiser avec des mots qu’elle aurait aimé entendre si elle avait été à sa place.
— Merci… Merci beaucoup.
La victime s’exprimait lentement, comme si chaque parole était douloureuse ; sa peau semblait transparente, ses yeux ne quittaient pas ceux de Candice. Elle tentait de bouger ses mains, mais n’y parvenait pas.
— S’il vous plaît… Pouvez-vous vérifier…
Candice se pencha.
— Je vous écoute.
— Mes boucles d’oreilles… C’est mon père qui me les a offertes. J’y tiens beaucoup. J’ai l’impression que…
Candice discernait un clip à son oreille droite, une perle. Rien à l’autre. Le bijou avait dû se détacher.
— S’il vous plaît… Cherchez… Cherchez…
D’une main hésitante, Candice déplaça les cheveux blonds ; aucune boucle dessous, ni à côté.
— Faut pas toucher ! brailla une femme.
— Attention ! s’agaça un individu à sa droite. Faut attendre l’arrivée du SAMU !
Candice fit un effort pour rester calme.
— Je cherche sa boucle d’oreille ! Une perle. Regardez donc sous vos pieds.
Les curieux s’y mettaient, utilisaient les torches de leurs mobiles pour scruter le macadam. Quelqu’un cria : « Je l’ai ! » Révérencieusement, on lui tendit le minuscule bijou ; Candice le déposa dans la paume glacée.
— Pouvez-vous…, chuchota la dame, en esquissant un geste.
Candice fixa la perle à son lobe gauche. La victime ajouta, quelques instants plus tard, avec un filet de voix :
— Mon père n’est plus là. Il me les a offertes pour le dernier Noël passé avec lui.
Candice posa une main sur sa manche.
— Gardez vos forces, madame.
— Oui… Mais ça me fait du bien de vous parler.

La jeune femme ressentit de la pitié, un éclair vif qui la transperça. Elle lui sourit. Il lui semblait que les secours mettaient des siècles à venir. Le froid mordait de plus belle, la pluie ne cessait de tomber ; l’air paraissait lourd, humide, chargé de pollution. Quel endroit laid pour mourir, pensa- t-elle, crever là, sur ce carré de bitume suintant, face aux néons criards des immeubles modernes avec, dans les narines, cette odeur pestilentielle de métropole saturée par les bouchons. Mais ses pensées pourraient porter malheur à cette pauvre femme ; alors, Candice se concentra sur Timothée à la garderie, aux courses pour le dîner, à Arthur qui lui rendrait visite ce soir, aux prises de son éreintantes de la journée, rendues plus compliquées encore par les grèves et l’absence de certains de ses collaborateurs.

Candice jeta un coup d’œil vers les jambes de la victime, devina une blessure qui lui sembla si effroyable qu’elle détourna le regard.

 

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