Au détour d'un livre

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L'anomalie, d'Hervé le Tellier

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Résumé : "Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le génie, c'est l'incompréhension." En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d'hommes et de femmes, tous passagers d'un vol Paris-New York. Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n'imaginait à quel point c'était vrai...

Auteur : Hervé le Tellier
Nombre de pages : 336
Édition : Gallimard
Date de parution : 20 août 2020
Prix : 20€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2072895098


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Avis / Critique :

 

Hervé le Tellier a remporté avec ce livre le Prix Goncourt 2020.
L'auteur fleurte ici avec le fantastique et nous entraine dans une succession de destinée qui toutes vont converger vers un vol Paris-New York bien étrange qui va déterminer le cœur de ce roman qui se divise en trois parties : la première consiste à découvrir l'histoire des personnages principaux, la seconde nous parle de l'étrangeté de ce vol et l'élaboration des différentes théories qui vont tenter d'être expliquées au travers d'un panel de scientifiques et de militaires. La troisième et dernière, confronte les doubles entre eux : les passagers du mois de mars avec ceux du mois de juin. Comment les uns et les autres vont-ils réagir en se voyant et en devant partager leur vie ?


Dans la première partie donc, nous découvrons Blake qui ouvre le roman. Blake est un tueur à gages, marié, restaurateur dans sa vie réelle pour cacher sa véritable profession, et qui est sur le point de remplir un nouveau contrat quand l'affaire vient le télescoper de plein fouet. Viens ensuite, Victor Miesel l'auteur d'un roman qu'il va appeler "L'anomalie" (tiens, tiens...) et que l'on voit se suicider sous la plume d'Hervé Le Tellier. Comme autres personnages, nous suivons également, Lucie, une monteuse ; David, un malade au stade 4 ; Sophia, une jeune fille et sa grenouille Bethy et au terrible secret incestueux ; Johanna, une avocate féroce ; Slimboy, un chanteur africain ; André, un architecte ; Adrian et Meredith, des scientifiques qui vont élaborer les protocoles sur lesquels vont s'appuyer les forces de l'intérieur américain pour l’énigme du vol Air France Paris-New York. 

Roman mâtiné de fantastique et de philosophie, voilà comment on pourrait résumer très brièvement cette "Anomalie". Hervé Le Tellier pose plusieurs questions : et si nous nous retrouvions face à nous-mêmes, mais quatre mois plus tard, quelle serait notre réaction ? Accepterions-nous de partager notre vie, nos amis, notre moitié avec lui ou elle ? Comment réagirait les autres et quelle place aurait Dieu dans tout cela ? Car qui aurait créé cette anomalie ? S'agirait-il d'une simulation ? D'une intrication quantique ? Notre monde existe-t-il seulement ? 
Toutes ces questions viennent se percuter dans ce livre qui n'apporte bien évidemment pas de réponse, car, l'auteur ne prend pas parti de nous délivrer sa vérité, mais laisse en suspens ces hypothèses diverses.

Exercice de style, truffé d'humour, plutôt bien construit, cette "Anomalie" est plutôt plaisante à lire même si on peut le trouver de temps en temps trop long quand l'action vient à végéter. En se plongeant dans cette histoire, on ne peut s'empêcher de se dire que l'auteur s'est inspiré de diverses séries télés pour écrire celle-ci. En effet, comment ne pas y voir un trait des 4400, de Lost, de Fringe, de X-Files, entre autres.

L'intrigue et le suspens viennent crescendo titiller le lecteur et j'encourage ceux qui voudraient refermer ce livre à le poursuivre pour atteindre la seconde partie, pour moi la mieux construite et la plus intéressante à lire. Un Goncourt mérité avec une histoire bien traitée, qui nous remue, nous pose question, mais qui par ses personnages multiples, peut se montrer parfois brouillon.
L'humour rend l'écriture très plaisante à lire et l'on sent que l'auteur a pris grand plaisir à écrire "L'Anomalie" tout autant qu'en mettant en scène son avatar "double", Victor Mieser, auteur dans son roman de cette même "Anomalie".

Un très bon Goncourt.

 

 

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Extrait :

BLAKE

Tuer quelqu’un, ça compte pour rien. Faut observer, surveiller, réfléchir, beaucoup, et au moment où, creuser le vide. Voilà. Creuser le vide. Se débrouiller pour que l’univers rétrécisse, rétrécisse jusqu’à se condenser dans le canon du fusil ou la pointe du couteau. C’est tout. Ne pas se poser de questions, ne pas se laisser guider par la colère, choisir le protocole, agir avec méthode. Blake sait faire ça, et depuis tellement longtemps qu’il ne sait plus quand il a commencé à savoir. Après, le reste vient tout seul.

Blake fait sa vie de la mort des autres. S’il vous plaît, pas de leçon de morale. Si on veut discuter éthique, il est prêt à répondre statistiques. Parce que – et Blake s’excuse – lorsqu’un ministre de la Santé coupe dans le budget, qu’il supprime ici un scanner, là un médecin, là encore un service de réanimation, il se doute bien qu’il raccourcit de pas mal l’existence de milliers d’inconnus. Responsable, pas coupable, air connu. Blake, c’est le contraire. Et de toute façon, il n’a pas à se justifier, il s’en fout.

Tuer, ce n’est pas une vocation, c’est une disposition. Un état d’esprit si l’on préfère. Blake a onze ans et ne s’appelle pas Blake. Il est à côté de sa mère, dans la Peugeot, sur une départementale près de Bordeaux. On ne roule pas si vite, un chien traverse la route, la secousse les déporte à peine, la mère crie, freine, trop fort, le véhicule zigzague, le moteur cale. Reste dans la voiture, mon chéri, mon Dieu, reste bien dans la voiture. Blake n’obéit pas, il suit sa mère. C’est un colley au poil gris, le choc lui a défoncé le thorax, son sang s’écoule sur le bas-côté, mais il n’est pas mort, il geint, on dirait la plainte d’un bébé. La mère court en tous sens, paniquée, elle pose ses mains sur les yeux de Blake, elle balbutie des mots sans suite, elle veut appeler une ambulance, Mais maman, c’est un clebs, c’est juste un clebs. Le colley halète sur le bitume fissuré, son corps brisé tordu adopte un angle bizarre, il est agité de soubresauts qui vont en s’affaiblissant, il agonise sous les yeux de Blake, et Blake regarde avec curiosité la vie quitter l’animal. C’est fini. Le garçon mime un peu la tristesse, enfin, ce qu’il imagine être la tristesse, pour ne pas troubler sa mère, mais il ne ressent rien. La mère reste là, glacée, devant le petit cadavre, Blake s’impatiente, il la tire par la manche, Maman, allez, ça sert à rien de rester là, il est mort, là, on y va, je vais être en retard au foot.

Tuer, c’est aussi des compétences. Blake découvre qu’il a tout ce qu’il faut le jour où son oncle Charles l’emmène chasser. Trois coups, trois lièvres, une espèce de don. Il vise vite et juste, il sait s’adapter aux pires carabines pourries, aux fusils les plus mal réglés. Les filles le traînent dans les fêtes foraines, Eh, s’te plaît, je voudrais la girafe, l’éléphant, la Game Boy, oui, vas-y, encore ! et Blake distribue des peluches, des consoles de jeux, il devient la terreur des stands de tir, avant de décider de faire dans la discrétion. Blake aime bien aussi ce que lui apprend l’oncle Charles, égorger les chevreuils, dépecer les lapins. Qu’on se comprenne bien : il ne prend aucun plaisir à tuer, à achever l’animal blessé. Ce n’est pas un vicelard. Non, ce qui lui plaît, c’est le geste technique, la routine sans faille qui s’installe à force de répétitions.

Blake a vingt ans, et sous son nom très français, Lipowski, Farsati, ou Martin, il est inscrit dans une école hôtelière d’une petite ville des Alpes. Ce n’est pas un choix par défaut, attention, il aurait pu faire n’importe quoi, il aimait l’électronique aussi, la programmation, il était doué en langues, tiens, l’anglais, 

il lui avait suffi de trois mois de stage chez Lang’s à Londres pour le parler quasiment sans accent. Mais ce que Blake préfère par-dessus tout, c’est cuisiner, pour les moments de vide à composer une recette, le temps qui s’écoule sans hâte, même dans l’agitation fiévreuse d’une cuisine, les longues secondes calmes à regarder fondre le beurre dans la poêle, réduire les oignons blancs, monter un soufflé. Il aime les odeurs et les épices, il aime créer un arrangement de couleurs et de saveurs dans une assiette. Ç’aurait pu être l’élève le plus brillant de l’école, mais Vraiment, merde, Lipowski (ou Farsati, ou Martin), si seulement vous étiez un peu aimable avec la clientèle, ça ne saurait pas nuire. C’est un métier de service, de service, vous entendez, Lipowski (ou Farsati, ou Martin) !

Un soir, dans un bar, un type, bien saoul, lui dit vouloir en faire tuer un autre. Il a sans doute une bonne raison pour ça, un truc de boulot, de femme, mais Blake, ça lui est égal.

— Tu le ferais, toi, pour du fric ?

— T’es dingue, répond Blake. Complètement dingue.

— Je te paierai, et cher.

La somme qu’il propose est à trois zéros. Blake se marre.

— Non. Tu rigoles ?

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