Au détour d'un livre

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Ames sauvages, de Jose Rodrigues dos Santos

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Résumé : Un corps est retrouvé flottant dans l'un des réservoirs de l' Oceanário de Lisbonne. Tous les indices convergent vers la culpabilité de Maria Flor, qui est arrêtée. Un seul homme peut l'aider : son mari, Tomás Noronha.
Pour prouver son innocence, Tomás doit trouver le véritable auteur du crime. Cela le conduit au projet secret de la victime – et aux mystères du tableau le plus ésotérique de Jérôme Bosch
Le Jardin des délices. Au bout de la quête se cache l'un des plus merveilleux secrets de la Nature : l'intelligence, les émotions et la conscience des animaux.

Auteur : Jose Rodrigues dos Santos
Nombre de pages : 571
Édition :
Hervé Chopin Éditions
Date de parution : 19 mai 2022
Prix : 22€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2357206717

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Avis / Critique :

Oceanário de Lisbonne.
Une petite fille en sortie scolaire découvre le corps d'un homme mort dans un bassin où se trouve une orque. L'homme, un Belge était à la tête d'une entreprise qui étudiait les animaux, GreenNaturae. Il était aussi l'employeur de Maria Flor Norohna, l'épouse de l'historien Tomás Norohna. Avant de mourir, il a laissé un message à celle-ci, un message que la police prend pour une incrimination.
Alors que l'inspecteur de police s'apprête à l'arrêter, Maria Flor s'enfuit, entrainant avec elle son mari. Tous les deux se rendent ensuite chez Noé Vand DerBosch pour tenter de trouver qui lui en voulait et découvre alors que le Belge faisait partie des Rose-Croix. Quel est donc le rapport de ce mouvement avec la mort du scientifique et quel est le rapport avec GreenNaturae ?

Alors autant le dire tout de suite, même si Jose Rodrigues dos Santos reprend ce qui a fait sa force dans ces autres romans, c'est-à-dire amener à la résolution de l’énigme grâce aux informations recueillies et découvertes en partant de la recherche de codes par celui qui est son héros, Tomás Norohna, le livre part très vite dans une ode à la personnalité de l'animal. C'est un livre écologique, animaliste, spéciste que nous offre Dos Santos avec son  "Âmes animales". La quête de la vérité et de l’énigme policière n'a que très peu de place dans ce livre. Ce n'est qu'une excuse pour écrire un roman qui, à travers un jeu de question-réponse, nous amène à réfléchir sur la condition animale d'aujourd'hui et à la place de l'homme dans cet univers dont lui-même est partie prenante.

C'est intéressant, c'est très documenté, la révolte nous prends quand on lit comment sont traités les animaux, on est empreint d'empathie face aux expériences qu'ils éprouvent, on est interrogatifs face à leur comportement et cela nous ramène, nous être humain, à notre rang de premier animal parmi les autres animaux et rien d'autre.

Comment rester insensible à ce qui est décrit, comment ne pas examiner l'animal sous un autre angle que celui qui nous est inculqué dès la naissance, celui d'un sous-être. Ici, Dos Santos nous abreuve de discussion issue d'articles de recherches d’éthologie. Nous sommes mêmes noyés dessous et c'est le reproche que l'on peut lui faire. On sent que le sujet lui tient vraiment à cœur et qu'il veut faire passer le maximum d'idées, le maximum d'informations avec l'idée de faire changer les consciences. C'est une noble cause, je ne dirai pas le contraire étant moi-même plutôt de son avis, mais je me demande si ce format de livre convient à ce plaidoyer, car ici l'intrigue est aussi fine qu'un fil d'araignée et ne correspond donc pas à ce qui est promis au lecteur. C'est un livre militant, très instructif, mais pas un livre du genre thriller scientifique comme ceux auxquels il nous a habitué jusqu'ici, et parfois même, il se montre ennuyeux et c'est bien dommage au vu de l'intérêt de la cause et du message qu'il porte.

Un oui donc pour la cause et la démonstration, un non pour la forme utilisée. Un essai eut été peut-être plus pertinent.

Je note le clin d’œil de Dos Santos qui a nommé son personnage, Noé. Un Noé qui a son arche symbolique d'âmes animales... Ce qui résume parfaitement ce livre.

Une chose est sûre, quand vous verrez votre assiette de viande, pas sûre que vous ayez envie de la manger après avoir lu ce roman.

 

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Autres livres de Jose Rodrigues dos Santos sur ce blog :
- Codex 632, le secret de Christophe Colomb
- L'ultime secret du Christ
- Signe de vie
- L'homme de Constantinople
- La clé de Salomon
- Vaticanum
- Immortel
- La formule de Dieu

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Extrait :

IV

L’image de la guenon habillée en petite fille, une bouteille de gin à la main et agitant frénétiquement l’autre, sautillant et criant depuis la fenêtre du vieux manoir qui surplombait le Jardin des Âmes animales, laissa Maria Flor sans voix. Quel était donc cet endroit où les vaches jouaient à cache-cache, les poules venaient vous saluer et les singes s’habillaient comme des humains, dansant derrière les fenêtres tout en buvant de l’alcool ?
Noé Vandenbosch dévisagea sa nouvelle recrue avec un petit sourire narquois.
— Je vois que tu es étonnée, chère Fleur.
— Ça doit être une plaisanterie, monsieur. Vous avez ici des animaux dont les capacités intellectuelles ont été à l’évidence améliorées par manipulation génétique, et vous ne voulez pas que je…
— D’abord, ne m’appelle pas monsieur, la corrigea l’éthologue belge. Moi, c’est Noé. Je porte ce prénom car mes parents adoraient les animaux et ont voulu me transmettre leur passion. Et sache également qu’aucun des animaux que tu rencontreras ici, au Jardin des Âmes animales, n’a fait l’objet d’une quelconque amélioration génétique ou manipulation scientifique. Aucun. Tout ce que tu vois ici est le résultat d’un comportement naturel.
Maria Flor ne pouvait y croire.
— Naturel ? Une vache qui joue à cache-cache, une poule qui vient vous saluer et un singe qui porte des vêtements et boit du gin ? Vous me prenez pour qui ? Rien de tout cela n’est naturel. Seuls les êtres humains sont capables de tels comportements, tout le monde le sait…
Cette remarque laissa Noé songeur. Il fixait le chimpanzé qui lui faisait des signes insistants depuis la fenêtre, mais il avait clairement la tête ailleurs.
— Tu sais, chère Fleur, la science moderne a longtemps pensé que l’homme était un être à part, finit-il par dire. À l’inverse des autres animaux, qu’elle décrivait comme irrationnels, les humains étaient vus comme des êtres rationnels. Une des grandes différences entre eux et nous réside dans l’utilisation de la technologie. Alors que les animaux ne vivent que de ce que leur offre la nature, les humains sont capables de transformer de la matière naturelle pour créer de nouveaux objets. Les outils. Produire des outils n’est pas un fait intellectuel insignifiant, je peux te l’assurer.
— Évidemment, approuva-t-elle. C’est sans aucun doute ce qui fait de nous des êtres à part.
— Fabriquer et utiliser des outils, ça suppose de comprendre le principe de causalité, chose dont seuls les humains sont capables, poursuivit l’éthologue. Ce n’est pas un hasard si les premiers hommes à fabriquer des outils furent surnommés Homo faber : l’homme qui fabrique des outils. Ce qui distingue les êtres humains du reste des animaux, ce qui fait de l’homme un animal rationnel et des autres êtres vivants de simples animaux irrationnels, c’est la capacité humaine à concevoir et à manipuler des outils. C’est ce qui nous place à un niveau différent dans la hiérarchie de la création.
— C’est évident.
— Ça a toujours été une évidence pour les scientifiques et les philosophes. Or il s’avère qu’en 1960, une anthropologue qui étudiait les chimpanzés en Tanzanie, la Britannique Jane Goodall, révéla que les primates qu’elle observait dans le parc national de Gombe Stream préparaient des branches en leur enlevant les feuilles et en faisaient des baguettes qu’ils inséraient dans la terre pour extraire les termites de leurs nids souterrains. Qui plus est, ils mastiquaient les feuilles et les recrachaient de façon à les utiliser comme des éponges pour retirer l’eau des orifices auxquels ils n’avaient pas accès directement avec leur bouche. En d’autres termes, les chimpanzés tanzaniens fabriquaient et utilisaient des outils. Les données de Jane Goodall provoquèrent une onde de choc dans la communauté scientifique, comme tu peux l’imaginer. La secousse fut si grande qu’un anthropologue expliqua que cette découverte faite en Tanzanie signifiait que, si les êtres humains sont les seuls à fabriquer des outils, il faudrait redéfinir ce qu’est un outil, ou ce qu’est un être humain, ou alors accepter que les chimpanzés soient au final des êtres humains.

Maria Flor était perplexe.
— Bien… Voilà qui est surprenant. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps, n’est-ce pas ?
— Absolument, convint-il. Une observation n’est considérée comme scientifique que si elle est vérifiée ou reproduite par d’autres scientifiques. Or, il se trouve que les observations de Jane Goodall furent, de fait, confirmées et affinées après de nouvelles études. On découvrit que les chimpanzés de Guinée et de Côte d’Ivoire, par exemple, faisaient même des choses que ceux de Tanzanie ne faisaient pas, comme utiliser des marteaux en bois et des cailloux pour ouvrir des noix. Le recours aux cailloux permet même de conclure que les chimpanzés sont arrivés à l’âge de la pierre, tout comme les humains il y a quatre à dix mille ans. On se demande d’ailleurs si certains vestiges archéologiques attribués aux humains ne pourraient pas, en réalité, appartenir aux chimpanzés.
— Vous êtes sérieux ?
— Des chimpanzés ont été vus fabriquant des outils plusieurs jours à l’avance, ce qui implique une planification détaillée, quand d’autres recourent à deux outils pour effectuer une opération. Par exemple, ils percent le sol avec un bâton pointu et, lorsqu’ils trouvent des termites ou des fourmis, ils utilisent d’autres bâtons pour les attraper et les manger. Certains ont même recours à trois outils pour une seule opération et, au Gabon, des chimpanzés ont été vus transportant cinq éléments différents : l’un pour marteler, l’autre pour percer, un encore pour élargir le trou ainsi qu’un autre pour ramasser la nourriture et enfin, un dernier qui ressemble à un coton-tige, pour recueillir le miel. On est arrivé à la conclusion inattendue que chaque communauté de chimpanzés utilise entre quinze et vingt-cinq outils différents. On a même découvert des chimpanzés de la savane qui chassaient de petits macaques avec des lances. Des lances, chère Fleur ! Les chimpanzés utilisent des lances ! La découverte de la fabrication et de l’emploi de ces armes par les chimpanzés fut un grand choc, comme tu peux l’imaginer, puisqu’on pensait que l’utilisation des lances était exclusivement humaine, du fait de leur sophistication. N’oublions pas qu’il y a quelques siècles à peine, nous nous servions nous-mêmes de lances.

Tout en écoutant Noé, Maria Flor observait la guenon à la fenêtre, habillée comme un humain, sa bouteille de gin à la main, et elle se prit à la regarder d’un œil nouveau.
— Waouh, murmura-t-elle, impressionnée. Ce ne sont pas les chimpanzés qui partagent une partie de notre ADN ?
— Si, 98,4 %, pour être précis. Les chimpanzés sont plus proches de nous qu’ils ne le sont des gorilles ou des orangs-outans, et aussi proches de nous que le bonobo, également connu sous le nom de chimpanzé pygmée. L’éléphant d’Afrique et l’éléphant d’Asie sont, par exemple, génétiquement plus éloignés l’un de l’autre que l’homme du chimpanzé. Les chimpanzés sont si proches de nous que certains scientifiques défendent l’idée que les humains ne sont rien d’autre qu’une troisième version des chimpanzés.
— Voilà. C’est certainement pour ça que les chimpanzés sont capables d’utiliser des outils…
Le Belge prit l’air entendu de celui qui cache d’autres atouts dans sa manche.
— Le problème, c’est qu’il n’y pas que les chimpanzés, chère Fleur, dit-il avec un sourire malicieux. Après les stupéfiantes révélations de Jane Goodall et des chercheurs qui ont observé les chimpanzés, une autre scientifique britannique, Vicki Fishlock, a révélé avoir vu des gorilles tester la profondeur d’un marais avec des bâtons et se servir de troncs pour échafauder des ponts au-dessus de certains endroits marécageux. Autrement dit, les gorilles construisent des ouvrages d’ingénierie rudimentaires ! Peu après, on a appris qu’un gorille en captivité avait spontanément inventé un système de marteau et d’enclume pour casser des noix.
— Les gorilles, tout comme les chimpanzés, sont proches de nous…
— Et les singes capucins, le sont-ils aussi ? Ils ont été surpris en Amérique du Sud à transporter de lourdes pierres afin de les utiliser comme enclume, à en sélectionner certaines pour faire des marteaux et casser des noix. Ainsi, ces petits singes sont eux aussi arrivés à l’âge de la pierre. Idem chez les macaques à longue queue de Thaïlande, qui utilisent d’énormes galets pour casser les huîtres et qui se servent de petits cailloux pour déloger les poissons des rochers. On a également pu observer des orangs-outans utilisant des morceaux de bois taillés en bâtonnets pour se curer les dents et les ongles, ou se servant de feuilles comme serviette ou comme éventail pour se rafraîchir, et même comme chapeau. Des tests sur des orangs-outans ont permis de les voir mettre de l’eau dans un tube où flottait de la nourriture pour faire monter le niveau d’eau afin de récupérer les aliments, un test auquel échouent plus de la moitié des enfants âgés de huit ans. Il y a le cas d’un orang-outang du Jardin des plantes à Paris, qui est capable de nous attacher avec des cordes et…

La Portugaise se gratta la tête.
— C’est bon, j’ai saisi, capitula-t-elle. Il n’y a pas que les hommes qui sont des êtres à part. Ni uniquement les chimpanzés et les gorilles. Ce sont les primates en général.
Noé secoua la tête.
— Non, non, tu ne comprends pas, chère Fleur. Il y a de nombreuses espèces qui fabriquent et utilisent des outils.
— Les êtres humains, les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans, les singes capucins, les macaques à longue queue de Thaïlande… que je sache, ce sont tous des primates, non ?
Il croisa les bras, comme pour la défier.
— Et les corneilles, tu vas me dire que ce sont des primates ?
— Les corneilles ?
— Des pies et des geais ont été repérés jetant des pierres dans l’eau afin de faire monter son niveau et récupérer ainsi de la nourriture qui y flottait, un peu comme les orangs-outans. Des piverts et des corbeaux ont été surpris utilisant des épines pour explorer les trous des arbres, à la recherche d’insectes, tandis que des mouettes, elles, ont été vues en train d’attraper des palourdes, des coques et des bulots puis, depuis un point surélevé, les jeter contre des surfaces dures afin de les casser. Des vautours ont été vus brisant des œufs avec des pierres, tandis qu’on a pu observer des hérons se servant d’insectes jetés à la surface de l’eau comme appât pour du poisson. Un article scientifique a montré la vidéo d’un cacatoès nommé Figaro fabriquant et transformant des outils à partir de bambou pour tirer de la nourriture vers sa cage.
Maria Flor l’écoutait sans pouvoir y croire.
— Les oiseaux fabriquent et utilisent des outils eux aussi ?
— C’est extraordinaire, n’est-ce pas ? confirma Noé. Les oiseaux les plus intelligents sont les corbeaux. La sophistication dont ils font preuve avec les outils est à couper le souffle. Dis-toi que des corbeaux ont été vus jetant des noix sur des routes passantes et attendant que des voitures roulent dessus pour les casser.

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