L'homme de Constantinople, de J.R. Dos Santos

Résumé : Alors que l’Empire ottoman s’effondre et que les Arméniens sont persécutés, la famille du jeune Kaloust se réfugie à Constantinople.
Le garçon, déjà connu pour son intelligence hors du commun, est émerveillé par la capitale du Bosphore et se pose pour la première fois la question qui allait le poursuivre toute sa vie : « Qu’est-ce que la beauté ? »
Il ne sait pas encore qu’il va régner sur le monde naissant du pétrole, devenir l’homme le plus riche et le plus puissant de la planète...

Auteur : José Rodrigues dos Santos
Traduit du portugais par :  Adelino Pereira
Nombre de pages : 464
Edition : Editions Hervé Chopin
Date de parution : 2 mai 2019
Prix : 22€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2357204584

Avis / Critique :

Avec ce livre, Jose Rodrigues dos Santos quitte son héros Tomas Norohnà et nous emmène visiter l'histoire arménienne de la Turquie de la fin des années 1800. A travers le destin du jeune Khaloust, nous découvrons la communauté arménienne dans toute sa souffrance, mais aussi son désir de rébellion et d'émancipation face aux Turques qui les maltraite. On y apprend l'histoire de la sécession de la Roumanie, de la Bosnie, de la Grèce face à cet envahisseur, mais surtout l'on suit le destin de ce jeune arménien que son père oblige à avoir les meilleures notes à l'école, qui apprend l'art du commerce dans la rue et qui va devenir l'un des grands hommes de Constantinople.

Son père, issu de la bourgeoisie arménienne, est un commerçant qui parvient à s'extraire de sa condition d'arménien en livrant des bakchichs à une administration turque pour avoir le droit de commercer. Il a la bonne idée de se lancer dans une toute nouvelle "technologie" : la lampe à huile. C'est un vrai succès et la famille déménage à Constantinople. Dès lors, ce père n'aura de cesse de former son fils. Il l'envoie en France, à Marseille où Khaloust devenu jeune adulte va être éduqué à l'amour par Mlle Duprés, puis à Londres où il suit des cours d'ingénierie et se lie avec l'homme le plus riche d'Arménie avec dans l'intention première d'épouser sa fille. Ce qu'il parvient à faire. De retour à Constantinople, il doit fuir devant le massacre des Arméniens fomenté par l’État Turc et trouve refuge in extremis à Londres. Lors de sa fuite, il devient l'intermédiaire entre le gouvernement Britannique et l'homme riche de Russie pour l'exploitation de pétrole.
Cela va faire sa fortune. Dorénavant, Khaloust n'aura de cesse de pousser ses pions pour maintenir sa position, et tentera de passer le flambeau à son fils Krikor dont nous suivons également le début de destinée.

Enfant du XIXème siècle, homme d'affaires du XXème, Calouste Gulbenkian reprend donc vie sous la plume de José Rodrigues dos Santos qui parvient parfaitement à nous restituer la vie de cet homme talentueux et pugnace qui a su se hisser au sommet. Un mécène qui va s'éprendre de la peinture, un amoureux de jeunes femmes, financeur du Ritz de Paris, entre autres.
Avec "l'homme de Constantinople", les personnages prennent vie si bien que l'on tremble, par exemple, lors du massacre des Arméniens nous demandant si le héros de l'histoire va pouvoir fuir avec sa famille.

A travers l'histoire de Calouste Gulbenkian, c'est l'occasion de découvrir les prémices de l'exploitation du pétrole avec la fondation des compagnies Royal Dutch Shell, British Petroleum, la compagnie Turque du pétrole, mais aussi et surtout les tractations géopolitiques qui s'opèrent pour s'emparer de l'extraction de cet or noir en Mésopotamie, en Russie. Sans oublier  la concurrence des Rothschild et de leur Standard Oil, à l'orée d'une première Guerre Mondiale qui s'annonce.
"L'homme de Constantinople" est passionnant et magnifiquement romancé. C'est aussi  le premier tome d'un destin dont le second volume "Un millionnaire à Lisbonne" sortira en 2020. 

A lire aussi sur ce blog de José Rodrigues dos Santos :

- Signe de vie
- Vaticanum
- Codex 632, le secret de Christophe Colomb
- La clé de Salomon
- L'ultime secret du Christ
- La formule de Dieu

Merci aux éditions Hervé Chopin et à Agnès Chalnot pour l'envoi de ce livre.

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Quelques coups sur la porte, légers mais insistants, réveillèrent Kaloust le lendemain matin. A moitié endormi, l'Arménien ouvrit un œil et regarda par la fenêtre ; le ciel était d'un bleu très sombre avec une lueur violacée à l'horizon, signe que le soleil allait bientôt se lever. Il était tôt. Il sauta du lit et se dirigea vers la porte en chancelant dans l'obscurité, tout en ronchonnant à voix basse, murmurant entre les dents qu'il allait tuer l'imbécile qui venait l'importuner à une heure si matinale.
Il ouvrit la porte d'un geste brusque et se trouva face à un groom de l'hôtel.
— Bonjour monsieur, le salua le jeune homme visiblement embarrassé. Désolé de vous déranger, mais M. Emmanuel Nobel a envoyé un messager pour vous informer qu'il sera en bas à 6h précises.
L'hôte se frotta le visage du bout des doigts.
— Quelle heure est-il ?
— 5h30.
Kaloust pesta à nouveau et claque la porte. Son cicérone lui avait qu'il viendrait tôt, mais il ne l'avait pas prévenu que ce serait si tôt. Heureusement, il ne s'était pas couché tard. Bakou n'avait ni théâtre ni salle de concert, tout juste quelques bars peu fréquentables qu'il jugea bon d'éviter, de sorte que la veille, après le dîner, il n'eut rien de meixu à faire que de monter se coucher.
Il n'y avait pas de temps à perdre. L'Arménien aimait la ponctualité et pensait que les autres aussi. Il s'habilla rapidement, quitta sa chambre et descendit prendre un petit-déjeuner.
Le Suédois apparut alors qu'il était au milieu du repas. Après avoir avalé deux morceaux de fruits, Kaloust se déclara prêt et accompagna l'hôte à sa voiture ; cette fois, il était hors de question de faire une nouvelle promenade à pied. Une fois dehors, le visiteur inspira l'air imprégné de pétrole, mais n'en fut pas incommodé. Le soleil était déjà levé et la ville s'éveillait dans une agréable fraîcheur matinale ; il fallait profiter de la brise délicieuse car la journée promettait d'être chaude.
— Et maintenant, annonça Emmanuel, allons voir le pétrole !

La voiture traversa Bakou en direction de l'est, quitta l'agglomération et se dirigea vers l'extrémité de la péninsule d'Apchéron. Kaloust observa attentivement le paysage, étudiant la végétation, le terrain et même les personnes, et constata les changements dès qu'ils eurent quitté la ville.
Le sol était devenu uniformément gris ou blanc, accumulant d'énormes masses de sel ou de sable, et la paysage avait un aspect désolé. Ici et là, la voiture traversait des zones imprégnées de naphte ou de pétrole, et il était clair que la terre était absolument stérile ; rien ne pouvait pousser dans les parages. En théorie, les montagnes du Caucase se terminaient là, c'était du moins ce qu'indiquaient les cartes, mais en fait le terrain était à peine légèrement ondulé et débouchait sur une bande de terre plate.
— Nous avons atteint la fameuse "plaine du feu éternel !"

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