5 Juin 2022
À la mort de son mari, Jocelyn n'a d'autre choix que de revenir s'installer avec sa fille Ruby à Lake Hall, l'austère manoir familial où vit toujours sa mère, aristocrate arrogante et froide.
À peine arrivée, Jocelyn reçoit la visite d'une mystérieuse femme déclarant être Hannah, la nanny qu'elle adorait enfant, disparue du jour au lendemain en 1987.
Auteure : Gilly Macmillan
Nombre de pages : 432
Édition : Les escales éditions
Date de parution : 11 juin 2020
Prix : 21.90€ (Broché) - 8.50€ (poche) - 10.50€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2365694704
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Lake Hall, dans un manoir anglais.
Enfant, Jocelyn, dite Joce avait une nounou qu'elle adorait, nommée Hannah. Hannah était bien plus proche d'elle qu'elle ne l'était sa propre mère, Virginia, une femme austère peu prompt à montrer son affection. Mais alors que l'enfant a six ans, Hannah disparait. Le mot d'ordre est qu'elle est partie avec ses valises à cause d'une bêtise qu'aurait fait Jocelyn.
Plusieurs années se passent avant que Jocelyn qui a déménagé et s'est mariée aux États-Unis ne reviennent à Lake Hall avec sa fille de 10 ans, Ruby. Jocelyn comme sa mère sont veuves et les retrouvailles ne sont pas des plus chaleureuses, mais à contrario de la relation qu'elle avait avec sa fille, Virginia semble montrer de l'attention à Ruby. La petite fille est assez libre. Seule restriction, le lac. Pourtant, avec sa mère, elles vont s'y rendre en kayak et découvrir un crâne...
Appelée sur place, la police découvre le corps d'une femme âgée d'environ 26 ans. Serait-ce celui d'Hannah ? C'est ce que semble penser Jocelyn jusqu'à ce qu'une femme se prétendant être son ancienne nounou ne réapparaisse dans sa vie. Mais Virginia sait que ce ne peut être elle. Alors qui est cette femme et que leur veut-elle ?
Hannah, peu à peu, telle une mante religieuse ou une araignée tisse sa toile et joue avec chacune des habitantes de Lake Hall.
Que cherche-t-elle ? Que veut-elle ? Et surtout, qui est-elle vraiment ?
Ce thriller psychologique a l'ambiance désuète d'un épisode de Barnaby (Midsomer murders). Il démarre lentement, nous installe dans le paysage et l'atmosphère anglaise d'une famille aristocrate d'aujourd'hui avec tous les protagonistes de la maisonnée qui tourne autour, distillant sa touche à chaque chapitre d'un fait, d'un acte qui installe une tension croissante et rabat les cartes en permanence.
Gilly MacMillan nous met dans la tête de chaque personnage principaux : Jocelyn, Virginia, et Hannah afin de suivre le parcours de chacune et surtout d'avoir son point de vue sur les autres et sa vision des évènements. La police ici n'est qu'en toile de fond comme elle le serait dans un film d'Hitchcock. D'ailleurs, on se dit que ce livre pourrait faire l'objet d'une adaptation et s'il est situé dans le temps dans les années 80, on a plutôt l'impression, s'il n'y avait les objets qui viennent nous le rappeler l'impression de se trouver au début du vingtième siècle, comme si le temps s'était figé à Lake Hall, et nous avec.
Ici, pas d'action, tout est dans la psychologie des protagonistes exploitée assez finement par Gilly MacMillan. Si le lecteur parvient à s'identifier à chacun d'entre eux, il risque d'avoir un peu plus de mal avec le cas de Jocelyn, qui est assez fade finalement. Mais peu importe, car la confrontation qui se dessine entre Virginia et la fameuse Hannah au milieu d'un règlement familial mère-fille est le plus intéressant tout comme l'est l'histoire qui nous révèle l'origine d'Hannah.
Pas de doute, ici nous avons affaire à une plume So British. Impossible de ne pas le sentir à l'écriture ni dans l'atmosphère dense, pesante, ou le doute, les trahisons, les mensonges ont la part belle.
Incontestablement un auteur à suivre avec ici un thriller psychologique à l'ambiance délicieusement surannée.
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La Nanny, de Gilly Macmillan - www.audetourdunlivre.com
Les lanternes chinoises en pot devant la fenêtre de mon salon fleurissent. Plus tard cet automne, quand les calices vireront à l'orange foncé, je les couperai, puis je les ferai sécher et je montrerai à Ruby comment les vernir. A mon avis, ça lui plaira.
Je ne suis pas parfaite, j'en ai bien conscience, mais j'aimerais partager avec elle ce qu'il y a de meilleur en moi tant que j'en suis encore capable, et surtout, tant qu'elle a encore une bonne opinion de moi. Si la police fait correctement son travail, le moment viendra inévitablement, peut-être même sous peu, où je deviendrai pour elle une source de déception, voire d'horreur.
Je savais déjà, avant que les inspecteurs me l'annoncent, que le crâne était celui d'une femme. Je connaissais sa taille et j'ai une idée bien plus précise qu'eux de l'âge auquel elle est morte. Il n'était évidemment pas question pour moi de communiquer ces informations à Jocelyn, même si elles ne sont pas appelées à rester secrètes longtemps. Je tiens à la protéger du mieux que je peux.
Je me considère comme en partie responsable de ce qui est arrivé à Hannah. Sa place, au cœur de notre famille, impliquait forcément une certaine intimité dans nos relations, et j'aurais dû me méfier, mais j'ai baissé la garde parce qu'Alexander et moi voulions ce qu'il y avait de mieux pour Jocelyn - à savoir qu'elle se sente plus aimée et choyée que n'importe quel autre enfant au monde.
Comment aurais-je pu deviner que Hannah ne poursuivait pas le même objectif ? Je ne voyais rien dans son attitude qui puisse me le laisser suppose. Je devais avoir des œillères.
Or, pendant que j'étais occupée à jouer mon rôle d'épouse et de mère toujours fraîche et pimpante, Hannah déplaçait habilement ses pions sur l'échiquier, visant l'échec et mat. Mais j'étais trop sûre de moi et de ma position pour remarquer ses manœuvres insidieuses.
Entres autres, elle me bombardait en permanence de questions à propos de détails mineurs, anodins. Si elles avaient le don de m'exaspérer, elles me paraissaient toutefois innocentes. J'étais loin de me douter qu'elles lui servaient à entretenir chez moi l'illusion qu'elle était à la fois digne de confiance et bien intentionnée. Elle était d'une intelligence redoutable.
"Jocelyn voudrait une machine Sodastream pour son anniversaire, disait-elle. Souhaitez-vous que j'en achète une de votre part la prochaine fois que j'irai à Swindon ?"
Ou : "Jocelyn a besoin de nouveaux chaussons de danse. Elle les aimerait avec des rubans rose, mais je me demandais si vous ne les préfèreriez pas plutôt blancs."
Ou encore : "Jocelyn et moi avons confectionné des sachets pour la lavande. Elle voudrait en suspendre un dans la penderie de Mr Holt, pour parfumer ses chemises, mais vous aviez peut-être l'intention de les garder pour l'armoire à linge ?"
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