9 Janvier 2023
Résumé : Un vieux notaire résolu à percer le secret de sa naissance.
Un ado piégé en montagne, un jour de rando.
Une jeune femme soumise aux ordres d'une mystérieuse Grande Prêtresse.
Entre ces trois êtres si dissemblables en tout, il n'est qu'un seul point commun. Le Cheptel.
Intégrée à la cellule TEH d'Interpol – pour Trafic d'Êtres Humains –, l'équipe du capitaine Eloïse Bousquet remonte une piste rouge de sang. Celle d'un monde clandestin où l'homme n'est que bétail – une marchandise, un jouet – à la merci des vices des puissants...
Auteure : Céline Denjean
Nombre de pages : 944
Éditeur : Pocket
Date de parution : 9 janvier 2020 (édition poche)
Prix : 19.90€ (Broché) - 9.50€ (poche) - 9.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2266298728
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944 pages, c'est un pavé.
Céline Danjean nous emmène dans un nouveau thriller après "La fille de Kali" que j'avais trouvé remarquable.
Le cheptel commence sur les chapeaux de roue. On suit d'abord un notaire, Louis Barthes, qui se rend compte à la mort de son père, en faisant le tri dans ses papiers, qu'il n'est pas son fils. Il décide alors de partir à la recherche de son passé et de son histoire.
Ailleurs, à une autre époque, des enfants sont obligés de se terrer dans des caves pour échapper aux chiens et aux soldats allemands.
Dans la forêt, près d'un village peu habité, la police retrouve le corps d'une jeune femme habillée comme au moyen-âge. Elle a été assassiné et déposé là par son meurtrier. Quand la police cherche à l'identifier, les services d'Interpol sont alertés. En effet, cette victime de 25 ans est la septième d'une liste qui remonte à 1991. L'ADN révèle qu'ils appartiennent tous plus ou moins à la même famille et que tous ont subi des sévices. Seule leur condition physique interpelle. Ils semblent tous avoir été bien traités, mais soigné avec de vieilles méthodes, et tous portent des cals aux doigts montrant une habitude à travailler la terre. Font-ils tous partis d'une secte ? Oui, mais de quel type ?
L'enquête conjointe d'Interpol, de la police et de la gendarmerie va pouvoir commencer et va les emmener sur une route qu'ils n'imaginaient pas du tout, celle d'un cheptel d'humains servant à satisfaire les désirs de gens de la haute société en mal de frisson. S'offrir une chasse à l'homme ? Très facile. On fait alors disparaitre un membre du cheptel en faisant croire aux autres, maintenus dans une guerre fictive avec le 3ème Reich, qu'un des leurs a été raflé.
Mais quel est le rapport entre la cheffe du cheptel, le cheptel en lui-même, et un notaire a la recherche de son identité ?
Jusqu'où vont remonter les gendarmes et la police d'Interpol ?
Qui est à la tête du cheptel et quel est l'origine de celui-ci ?
Telles sont les questions que se posent les personnages, mais aussi le lecteur au travers de ces 944 pages.
Et quand enfin la vérité va pointer le bout de son nez, on ne peut ressentir qu'une seule envie, celle de faire la peau à celle qui a réduit "le cheptel" en simples animaux que l'on élève pour vendre au plus offrant, qu'il soit pédophile, chasseur en mal de sensation, esclavagiste dans l'âme. Tout est bon pour assouvir une haine qui remonte à l'enfance.
Même si l'on peut déplorer des longueurs (j'avoue avoir passé nombre de pages évoquant l'arrivée du jeune Roger dans l'antre jusqu'à sa sortie), j'ai dévoré tout le rester du roman.
Céline Denjean, qui a commencé en étant éditée chez Nouvelles Plumes, est vraiment une auteure à suivre et a trouvé sa place parmi les grands du Thriller.
Céline Denjean a aussi de l'humour puisqu'elle fait référence à elle-même au travers de la parole d'un de ses personnages qui conseille au notaire de lire, pour passer le temps, un livre de Céline Denjean, originaire de Bagnères... Là où se déroule une partie des faits et d'où l'auteure est originaire.
Un vrai bon thriller comme on les aime !
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Le cheptel, de Céline Denjean - www.audetourdunlivre.com
Extrait :
Mathieu Vicenti s’engagea sur la route cévenole qui flirtait avec le précipice et leva immédiatement le pied. L’étroit chemin sinueux était truffé de nids-de-poule. Agathe Bordes à côté de lui se crispa imperceptiblement à la vue de l’à-pic à sa droite. La gendarme avait grandi dans les plaines mornes de Niort qui exhibaient à perte de vue leurs champs de betteraves, et avait développé, depuis sa mutation à la SR1 de Nîmes, une sainte horreur des routes du coin. Taillées sur les flancs escarpés, elles serpentaient, écrasées à fleur de montagne d’un côté, bordées par le vide de l’autre, et pouvaient s’étrécir tellement qu’il était impossible de croiser un autre véhicule. Mathieu dut sentir sa crispation car il rompit le silence :
— On est presque arrivés !
— Au retour, je prends le volant, marmonna Agathe les yeux fixés sur l’abîme côté passager.
— Je demande à voir ! lui lança Vicenti de sa voix bourrue.
La remarque glissa sur Agathe. Elle s’était habituée aux manières un peu frustres de son supérieur qui, malgré ses airs revêches, ne l’impressionnait pas. Derrière cette rudesse de façade se cachait un homme sensible. La gendarme détacha ses yeux du vide et aperçut en contrebas une lignée de véhicules bleu marine stationnés à la queue leu leu. Quelques mètres plus loin, la départementale croisait une route plus étroite encore. Apparemment, la scène de crime se situait sur un bas-côté boisé au carrefour des deux voies, car les gendarmes s’y affairaient. Agathe n’était là que depuis un an mais elle reconnut immédiatement, au cœur du fourmillement des TIC2, le dos massif de Théron, le légiste, que tout le monde dans la profession appelait « Le Roc ». Un taiseux gigantesque et particulièrement laid mais qui faisait son travail avec minutie et perspicacité. Le Roc était une pointure dans son domaine et avait gagné au fil des ans la reconnaissance de l’ensemble des forces de police et de gendarmerie. L’homme, en combinaison, charlotte et surchaussures, était agenouillé au sol devant une forme vaguement humaine.
— Le Roc est sur place depuis plus d’une heure avec la scientifique, commenta son supérieur en écho à ses pensées.
Vicenti tira le frein à main de la C4 et Agathe déploya sans attendre son mètre quatre-vingt-cinq hors de l’habitacle en soupirant de soulagement. Il n’était que 10 h 30 mais la tiédeur ambiante promettait déjà une lourde chaleur pour cette nouvelle journée de juillet. Agathe et Mathieu parcoururent une vingtaine de mètres et s’arrêtèrent devant le minuscule sous-bois à la croisée des deux routes, où s’agitait encore la scientifique. Le corps gisait au milieu de ce petit renfoncement relativement pentu. Côte à côte devant les rubalises qui cerclaient la scène de crime, les deux gendarmes attendaient le feu vert pour s’approcher. Agathe songea que Mathieu Vicenti, à côté d’elle, paraissait petit. De toute façon, à côté d’elle, neuf hommes sur dix paraissaient petits… Heureusement, il existait quelques énergumènes à la Le Roc que sa taille surdimensionnée n’écrasait guère. Des géants, en quelque sorte… Cruelle, cette grande taille, pour une femme ! Car nul besoin d’un miroir pour vous rendre compte de votre démesure : la présence de l’autre à vos côtés vous la rappelait en permanence…
— C’est OK pour nous ? finit par lancer Vicenti à l’adresse du légiste, dos à eux.
— Bonjour lieutenant ! lui répondit Aldo Ciccone, le chef de la scientifique, en faisant un léger geste de la main. Ouais, pour nous c’est bon, on a fini les prélèvements !
De son côté, en guise de réponse, Le Roc se releva et se tourna vers eux. Il affichait une mine lugubre et perplexe. Les deux gendarmes enjambèrent le petit fossé et rejoignirent le légiste en quelques pas.
— Salut Théron… Alors ?
Le Roc retira les gants des deux battoirs qui lui servaient de mains et salua rapidement de la tête les deux gendarmes.
— Vous êtes sur l’affaire ?
— Ouais. Pourquoi ?
— Mmm… Ben… Voyez vous-mêmes… Ça n’est pas classique, éructa Théron de sa voix rauque.
Puis il fit un pas de côté, laissant voir la scène à Agathe et Mathieu. Une jeune femme blanche d’environ 25 ans reposait sur le dos. Cheveux longs et bruns dégringolant sur un visage qui avait dû être joli avant que la mort lui ravisse toute expression. Ses yeux grands ouverts, couleur noisette, légèrement vitreux, fixaient un point introuvable dans le feuillage de l’arbre qui l’ombrageait. Elle portait une sorte de longue chemise de nuit fabriquée dans un tissu épais et rugueux qui faisait penser aux vieux sacs de pommes de terre d’antan. La
manche droite avait été entièrement arrachée. Au niveau de la poitrine, une tache rouge maculait le tissu. Agathe laissa ses yeux courir le long des mollets musclés et non épilés, nota-t-elle, de la victime. De nombreuses griffures apparemment causées par des ronces et des branchages lacéraient les chairs. En guise de chaussures, la jeune femme portait une sandalette en cuir rudimentaire dont les lanières se nouaient autour des chevilles. Agathe balaya des yeux les alentours mais ne repéra pas la seconde. Sur la plante du pied non chaussé, une blessure assez profonde béait, laissant apparaître les chairs exsangues. Mathieu, à côté d’elle, se lança en premier :
— L’autre sandalette ?
— On ne l’a pas retrouvée pour le moment, répondit Ciccone qui venait d’approcher.
— Mmm… Et la blessure à la poitrine ?
— C’est a priori la cause du décès, répondit Le Roc, prudent. D’après les premières constatations, la fille est morte d’une balle qui lui a perforé les côtes juste sous l’omoplate, a traversé le cœur avant de ressortir ici, expliqua-t-il en montrant la tache de sang. Je ne sais pas quel type d’arme peut faire ça, à vous de voir. En tout cas, les autres blessures sont relativement superficielles.
Ce disant, il remit ses gants et remonta légèrement la chemise de nuit, dévoilant des marques de griffures ou des hématomes.
— La fille en a un peu partout sur le corps. Bras, mains, mollets, cuisses. Seul le dos semble intact à première vue. Les genoux, comme vous le voyez, sont bien esquintés. Tous les ongles sont cassés ou retournés et il y a des traces de terre bien visibles sous ce qu’il en reste, poursuivit le légiste. La paume des mains est aussi très abîmée et, comme vous l’avez sûrement repéré, un des pieds est profondément entaillé.
— Elle a fui, commenta Agathe.
— Exactement, approuva Le Roc. Sur une distance assez longue, je pense, vu le nombre considérable d’entailles, d’abrasions et de griffures.
— Et sur un terrain accidenté, ajouta Mathieu en regardant autour de lui. Ça a pu se passer ici d’après toi ? lança-t-il au légiste.
— C’est bien là le hic, aucune chance…
— Qu’est-ce qui te permet d’être aussi formel ?
— Primo, il n’y a aucune tache de sang dans ce sous-bois, ni sur le bitume de la route. Or avec sa blessure au pied, elle aurait dû laisser des traces si elle avait foulé le sol alentour. Secundo, tu vois cette blessure ? fit le légiste en désignant le genou droit de la victime.
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