18 Février 2024
Résumé : Derrière les murs se cache le plus sombre des secrets...
Quand la commandant Virginie Sevran reçoit un appel à deux heures du matin, elle sait qu'elle doit s'attendre au pire. Rien, pourtant, ne peut la préparer à ce que lui réserve la vieille bâtisse dans laquelle les techniciens de l'identité judiciaire sont déjà à l'œuvre, à cette découverte du cadavre d'une gamine, derrière une cloison que le nouveau propriétaire tentait d'abattre. Et, bientôt, les murs confient deux autres corps aux policiers. Deux autres enfants... Rapidement, la sidération laisse place à une enquête éprouvante.
Auteure : Cécile Cabanac
Nombre de pages : 528
Éditeur : Pocket
Date de parution : 9 mars 2023
Prix : 19.90€ (Broché) - 9.20€ (poche) - 12.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2266331265
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Avis / Critique :
Pio Achenza et sa femme Maria, qui attend son quatrième enfant, viennent d'acquérir une maison délabrée. Alors que Pio est en train de casser le mur d'une des chambres du haut, une large fissure va révéler l'innommable : le corps emmuré d'une jeune adolescente.
La commandante Sevran et son équipe, composée de Biolet, jeune papa en devenir, de Dombard, un flic à l'ancienne, rebelle, et d'un jeune stagiaire se rend sur les lieux. Très vite, un second corps est découvert, puis un troisième, ceux de deux garçons. A chacun des enfants, il manque une chaussure. Biolet reconnait le visage d'un disparu en 2015, un certain Enzo. Interrogé, Pio Achenza explique qu'il a acheté la maison à une vieille dame du nom de Madeleine Duflot, 76 ans, décédée il y a peu. L'autopsie révèle que si les garçons ont été tués il y a plusieurs années, la jeune fille, elle, a été emmurée quatre à six mois avant la découverte. Peu à peu, les inspecteurs vont remonter le fil de l'histoire et découvrir que Madeleine Duflot et son mari Bernard, famille d'accueil autrefois martyrisaient les enfants dont ils avaient la charge, avec la complicité tacite de l'assistante sociale.
Parmi les enfants dont ils vont retrouver la trace, un certain Damien Couard, gardien d’entrepôt, que la découverte du charnier va replonger dans l'enfer de son enfance, jusqu'à perdre la notion de la réalité.
Mais les inspecteurs ne sont pas seuls à mener l'enquête : la journaliste Louise de Courbevoie travaillant pour la chaine 7/7 est elle aussi dans la course et va mettre la main sur plusieurs indices qui vont permettre de faire avancer l'enquête.
Les policiers, aidés par la journaliste Louise de Courbevoie va mettre également en exergue le rôle ambigu de Maria Achenza depuis l'achat de la maison. Que cache-t-elle exactement ? Qui est le tueur, cet homme qui se cache sous diverses identités ? Par qui est-il aidé ? Est-ce qu’Émilie, la mère d'un des enfants emmurés, a-t-elle hébergé l'assassin de son fils ? Autant de questions auxquels vont devoir répondre les enquêteurs pour remonter le fil de l'histoire et découvrir enfin la vérité, tout en en subissant les pots cassés.
Chaque chapitre du livre est consacré à un personnage dont on suit les avancées dans l'enquête ou dans son périple quand il s'agit du meurtrier. Il faut donc, pour le lecteur, se rappeler de qui il s'agit pour ne pas perdre de temps à revenir en arrière. Au bout d'un moment, la mécanique se fait naturellement quand les noms sont assimilés. Cécile Cabanac s'appuie sur l'enquête et ses nombreux rebondissements pour nous dérouler le passé des enfants martyrisés dont on suit pour quelques-uns l'histoire aussi en tant qu'adulte, puisqu'ils sont impliqués ou témoins lointains des faits. Cabanac s'attarde aussi sur le fait que ses enquêteurs sont eux-mêmes parents pour rendre leur investigations plus empathique, notamment quand ils s'approchent du passé de Madeleine Duflot et de son mari Bernard, les tortionnaires.
Même si les chapitres ont un personnage principal à chaque fois, le tout se lie facilement et donne de la fluidité à l'ensemble, empêchant l'enquête d'être lourde. A chaque chapitre, un élément nous permet de nous approcher de la solution finale. L'écriture est fluide, il y a beaucoup de dialogues et Cécile Cabanac ne s’embarrasse pas de descriptions inutiles. C'est parfait, car cela n'aurait pas apporté grand-chose de plus, d'autant qu'elle parvient à nous faire rentrer à chaque fois dans l'atmosphère voulue.
Les personnages sont assez attachants, ou antipathiques, suivant à qui on a affaire. L'ambiance est là, la dynamique aussi. J'ai vraiment beaucoup apprécié de lire cette Petite ritournelle de l'horreur qui porte bien son nom. J'ai cependant, quand même un petit bémol : la toute fin. Pour moi, il n'était pas nécessaire de rajouter un autre potentiel assassin. Je trouve que cela gâche l'effet d'ensemble. La découverte du meurtrier naturel se suffisait à elle-même sans devoir y ajouter un complice qui semble moins crédible par son caractère propre.
Premier livre pour ma part de Cécile Cabanac, et plutôt une bonne révélation. Ce "La petite ritournelle de l'horreur" porte bien son nom et m'a donné l'envie de lire un autre titre de cette autrice. La couverture de Pocket résume bien l'ambiance de la maison. Un bon thriller à dévorer.
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La petite ritournelle de l'horreur, de Cécile Cabanac - www.audetourdunlivre.com
Pio Achenza
La vieille bâtisse rongée par le salpêtre fut arrachée à l’obscurité par les phares d’une Opel Corsa en fin de course. De ses yeux rougis de fatigue, le nouveau propriétaire l’observa, les mains toujours sur le volant, en pensant aux mois d’efforts et de sacrifices qu’il faudrait encore avant d’y habiter. Puis il se saisit du sandwich et de la canette de bière posés sur le siège passager, sortit de son véhicule et pénétra dans la maison ouverte aux quatre vents.
Sans porter la moindre attention aux pièces du rez-de-chaussée, Pio Achenza grimpa l’escalier pour se diriger vers une des chambres de l’étage. Là, il alluma un projecteur de chantier, quitta sa lourde parka kaki. D’un geste brusque, il la jeta sur une chaise en osier éventrée qui vacilla sous son poids, puis remonta les manches de sa chemise à carreaux jusqu’aux coudes, faisant apparaître deux bras puissants parcourus de veines saillantes. Il fit un tour sur lui-même, mit en marche un petit poste de radio, se saisit d’une masse. Après une profonde inspiration, la démolition du mur commença.
Les mots de sa femme résonnaient encore en lui. Elle lui avait enjoint de se consacrer au chantier pour que la famille s’installe au plus vite dans cette masure isolée qu’ils venaient d’acheter pour une somme dérisoire. Avec trois enfants et un quatrième en route, leur appartement était devenu vraiment trop petit. Et l’ambiance à la maison, électrique.
En réalité, il se serait bien passé d’une nouvelle bouche à nourrir, mais Maria avait refusé toute discussion quant aux options qui s’offraient à eux : « Bien obligés de faire avec ! » L’air maussade avec lequel elle avait assené ça lui avait laissé un goût amer qu’il espéra atténuer grâce à une rasade de bière. Il culpabilisait à l’idée que l’annonce de cette grossesse ait pu l’attrister, et, en donnant de vifs coups dans la cloison qui se fendillait déjà, il prit conscience qu’il était en colère. Une rogne sèche. Piquante. Dont les remous profonds le faisaient redoubler de vigueur.
Il tapait de plus en plus violemment pendant que Maria occupait toutes ses pensées. Des râles rauques s’échappaient de sa gorge tandis qu’il concentrait toute son énergie dans sa masse. Une large fissure courut dans le plâtre, puis un morceau de brique tomba au sol dans un nuage de poussière. À bout de souffle, il s’interrompit un instant. Au fond, ce n’était pas sa femme et son sale caractère qui créaient son trouble. C’était le chemin que prenait sa vie. Cette trajectoire impossible à maîtriser. Il était inquiet.
Subitement, la journée de boulot pesait sur ses bras. Il aurait peut-être pu reporter les travaux au lendemain, après tout, on n’était plus à un jour près. Maria serait déçue du retard pris, mais il avait désormais l’habitude de ses reproches incessants. Pio chancelait de fatigue en observant le mur ; d’ailleurs, sa vue se brouillait. Plusieurs fois il cligna des yeux, tant il lui semblait que l’espace autour de lui ondulait.
D’une pression du doigt, il fit cesser le rap irritant que crachait la radio. Une migraine pointait. Malgré ses élancements, il examina de nouveau la cloison. Là, dans un trou d’à peine dix centimètres, un détail attira son attention. Un petit morceau de chiffon apparaissait dans la brèche.
Le propriétaire s’accroupit lentement, tâta l’orifice puis tira sur le tissu. Le plâtre s’effrita tout autour en produisant le son d’une fine grêle, pourtant l’imprimé bleu pâle lui résistait. Fébrile, il poursuivit la démolition alors que des gravats giclaient dans tous les sens. Puis, soudain, une odeur nauséabonde se répandit dans la pièce, comme une bête menaçante. La frayeur le mordit si fort qu’il se mit à reculer. Ses yeux exorbités fixaient la cavité qui, telle une gueule béante, laissait entrevoir l’étoffe sur laquelle il pouvait à présent distinguer le visage sérigraphié d’une idole d’adolescentes.
Un violent tremblement agita son corps. Qu’est-ce que ça veut dire… ? Son estomac, lui, savait déjà. Il se contracta brutalement, au point que Pio dut se mettre à quatre pattes sur le ciment froid. Des larmes embuèrent ses yeux tandis qu’un second spasme lui nouait les tripes, mais, malgré la puanteur qui envahissait l’espace, il sut qu’il devait se ressaisir. Pour savoir. Éloigner le doute, combattre la peur.
Encore deux coups de masse. Cette fois, une large plaque de plâtre glissa à ses pieds en créant un vide sombre tout près de lui. Un souffle glacé comme un chuchotement venu du tréfonds des ténèbres l’enveloppa tout entier. Lorsqu’il releva les yeux, un cri déchirant s’échappa de sa gorge.
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