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Nouvelle Babel, de Michel Bussi

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Résumé : Jouant avec les codes du suspense, de la manipulation et du roman d'anticipation, Michel Bussi ne vous aura jamais autant fait voyager. La méthode, calme et systématique, du tueur terrifia les trois enquêteurs. Qui était cet assassin progressant à visage découvert ?

Auteur : Michel Bussi
Nombre de pages : 446
Édition : Les Presses de la Cité
Date de parution : 3 février 2022
Prix : 21.90€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2258200326

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Avis / Résumé :

Autant le dire, je ne suis pas une fan de la première heure de Michel Bussi, ni de la seconde d'ailleurs, mais je me suis laissée tenter par la lecture de ce livre dont le thème m'a interpellé. Voilà que Michel Bussi se lance dans la science-fiction et plus particulièrement dans l'uchronie en nous dépeignant une société du futur.
Bien m'en a pris.
Mais revenons dans un premier temps à l'histoire.

2058. Date de la constitution et de la généralisation de la téléportation quantique. Les êtres humains n'ont plus besoin de voitures, de vélos, de trains, car la téléportation a été découverte. Chaque humain reçoit un TPC, sorte de bracelet qui lui permet d'entrer des coordonnées et de se rendre de ce fait à l'endroit voulu. Les frontières sont de ce fait abolies, les nations également, les religions n'existent plus et une seule langue unie les humains : l'espagnol. Pour faire respecter tout cela, l'Organisation Mondiale vote la Constitution dont l'un des premiers principes est le suivant : Il n'existe pas de limites à la libre circulation des individus, dans le respect de la capacité d'accueil de chaque lieu, fixée par le Taux d'Occupation.
Tous ces déplacements sont régulés par Pangaïa, une "machine" qui gère chaque seconde des milliards de données géoréférencées. La Terre est gouvernée par un Président, Galiléo Nemrod et les décisions sont votées par les humains à travers un système appelé "Ekklesia".
Tout devrait donc se passer de la manière la plus merveilleuse qui soit, sauf que... des meurtres, soudainement, ont lieu.
2098. Tetamanu, Polynésie.
10 retraités profitent de leur petit paradis quand un homme arrive par voilier et les assassine. L'homme laisse un message gravé sur un arbre, et un livre interdit, celui d'un certain Ossian, "Droit du Sang". 
Artem, chef du BIC, le Bureau d'Investigation Criminelle qui dépend de l'Organisation Mondiale des Déplacements se rend immédiatement sur les lieux avec son équipe afin de découvrir rapidement ce qu'il s'est passé. Il le faut, car dans quelques jours, on fêtera la Nouvelle Babel, construite pour commémorer cette nouvelle humanité. Artem s'intéresse de près à Lilio de Castro, un journaliste dont le journal l'Independiante Planet, a publié un article sur le livre d'Ossian, le "Droit du Sang". D'autant que ce Lilio se retrouve au cœur d'un futur attentat. Accompagné de Cleo Loiselle, une institutrice se trouvant malgré elle au moment endroit au mauvais moment, le journaliste cherche le scoop en retrouvant Ossian, prisonnier politique. Mais sa quête va le mener tout comme le policier Artem au cœur d'une conspiration qui pourrait changer tout ce qui a été jusque-là établi.

Michel Bussi quitte donc le thriller pour la SF avec Nouvelle Babel. Ici, il nous entraîne dans une course-poursuite à travers toute la planète et on retrouve chez lui le géographe qui s'amuse en nous expédiant (enfin, ses personnages) au Brésil, au Kazakhstan, au Tibet, au Japon, en Polynésie, etc. 
Si le genre est différent des autres romans de l'auteur, l'enquête policière à élucider est toujours présente. Il se permet même de tisser la toile d'une conspiration et dilue ses indices lentement, faisant monter le suspens et gardant la résolution de l'intrigue jusqu'au bout. La progression narrative est menée de main de maître et on ne s’ennuie pas une seconde. Michel Bussi réussit là où il avait quelque peu péché avec son "Tout ce qui est sur Terre doit périr", c'est-à-dire conclure avec une fin qui se tient. En dépeignant une société du futur, il interroge également et confronte deux parties : le nationalisme et l'internationalisme mettant en exergue les qualités de chacune, mais aussi ses défauts. 
Si on a du mal à croire à la découverte aussi rapidement dans le temps d'une téléportation quantique (c'est-à-dire dans moins de trente ans), le reste du roman se tient. Peut-être eut-il fallu pour l'auteur déplacer plus en amont son intrigue pour la rendre plus crédible au départ. Hormis ce petit défaut, on ne s’ennuie pas un moment à la lecture et les pages s'égrainent à vitesse grand V.
Conclusion : La SF sied plutôt bien à Michel Bussi.

 

 

Autre livre de Michel Bussi chroniqué sur ce blog :
- Tout ce qui est sur Terre doit périr
- Le code Lupin

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Nouvelle Babel, de Michel Bussi - www.audetourdunlivre.com

Extrait :

 

1

Tetamanu, archipel des Tuamotu, Polynésie

Comme chaque matin, Rupert Welt contemplait la longue plage blanche de Tetamanu. Si la téléportation n’avait pas été inventée, ça n’aurait rien changé, il aurait pu vivre le reste de sa vie ici, dans cet atoll des Tuamotu ensoleillé toute l’année, loin de toute terre habitée.
Il fit quelques pas dans le sable et rappela son chien. Le berger allemand courait une centaine de mètres devant lui, s’amusant à pousser du bout du museau les noix de coco tombées des palmiers.
— Rolf !
Il s’attarda sur les incroyables nuances turquoise du lagon. Nulle part sur terre on ne trouvait un bleu plus pur. Le paradis, pensait Rupert, je vis au paradis ! Et pourtant, avec cette foutue téléportation, ça ne suffisait pas encore ! Minna insistait pour qu’ils sortent au moins une fois chaque jour, n’importe où pourvu qu’ils aillent prendre l’air ailleurs. Juste une demi-heure, Ruppy, suppliait sa femme, rien qu’une poignée de minutes, chéri, le temps d’admirer un coucher de soleil à l’autre bout du monde ou de s’oxygéner au sommet d’une montagne d’Asie ou de Sibérie. Mouais…Rupert shoota dans une noix de coco que Rolf s’empressa de rattraper, pleine gueule, et de lui rapporter.
Mouais… Qu’y avait-il de plus à voir ailleurs ? Rupert en avait soupé des pique-niques en haut du Kilimandjaro, des promenades éclair dans les rues de Rome, Paris ou Tokyo, des chemins de randonnée au Népal ou devant les cascades du Tanganyika. Alors pour rester tranquille sans bouger de son atoll, il avait une bonne excuse désormais.
Rolf !
Rupert releva sa casquette verte Privado Laguna sur sa tête et observa avec dégoût la noix de coco gluante, à moitié pourrie, que Rolf venait de déposer à ses pieds. Son berger allemand s’en désintéressait déjà, il fixait la mer. La queue agitée, oreilles pointées. Intrigué ! Rupert scruta à son tour l’horizon, au-delà de la passe sud de Tumakohua, direction Pacifique. Qu’est-ce que Rolf avait bien pu repérer ? Qu’y avait-il à voir dans l’eau ? Rien ! Il était 6 heures du matin, tout le monde dormait sur l’atoll.
Rupert haussa les épaules et shoota à nouveau dans la noix de coco pourrie. Rolf hésita, puis courut après le fruit.

Oui, continua de monologuer Rupert dans sa tête (il aimait se tenir ainsi debout dans le sable, seul, à penser à tout et à rien), Rolf est la bonne excuse pour éviter de se téléporter toutes les cinq minutes à chaque coin de la planète. Rolf pesait cinquante et un kilos : une belle bête, la plupart des bergers allemands ne dépassent pas les quarante. Rupert l’avait gavé comme un pacha pour ça. Et le tour était joué ! Depuis que l’Organisation Mondiale des Déplacements avait ajouté le fameux article 19 à la Constitution de 2058, il était interdit de se téléporter avec un bagage de plus de cinquante kilos, valise ou animal de compagnie. Rupert était donc obligé de rester sur son îlot de Tetamanu, il n’allait pas mettre Rolf au régime, et encore moins le confier à un voisin. Du coup Minna parcourait le monde seule, ou avec ses copines, toutes les quinze secondes si ça lui chantait, et c’était parfait ainsi.

Lui attendait avec Stephan, Hans, Joseph et Mika, à discuter sur la plage et dormir au soleil. Une vie de crabe. Ils avaient payé une véritable fortune le droit de privatiser cet îlot, autant en profiter. Ils étaient cinq couples à avoir acheté cet atoll en copropriété, tous retraités, tous d’origine allemande, aucun enfant, juste un chien et un chat, tous ayant fait fortune dans la production d’électricité distribuée partout sur la planète, tous d’accord pour appliquer le règlement draconien des atolls privés des Tuamotu, qu’on soit à Rangiroa, Anaa ou Mataiva : limitation stricte du nombre d’invités, interdiction de confier son TPC à des inconnus, présence d’un vigile pour surveiller les limites de l’espace privé, au large de la barrière de corail.

Instinctivement, le retraité rechercha des yeux ces frontières invisibles, plein océan, au-delà des dernières langues de sable et des cocotiers qui étiraient leur cou comme pour y tremper leurs palmes. D’ailleurs, où était-il ce fainéant de vigile ? Il était censé être réveillé le premier, faire le tour de l’île dès le lever du soleil, nettoyer la plage. Devant lui, Rolf laissa tomber la noix de coco fendue entre ses crocs, et pointa une nouvelle fois ses oreilles vers la mer. En arrêt.
Rupert suivit le regard de son chien, troublé par une inexplicable sensation de danger. Sous la visière de sa casquette, il se concentra sur un point lointain, en direction de l’horizon. Il la vit alors, distinctement.
Une voile.
Une voile blanche.
Impossible !
Bien sûr, quelques fous parfois se téléportaient en mer avec un surf ou une planche à voile, et glissaient jusqu’aux limites des eaux de leur espace privé. C’est pour ça que Fischer, cet abruti de vigile, était payé : pour les surveiller. Généralement, ces amateurs de sensations fortes s’amusaient à tenir en équilibre sur l’eau pendant quelques mètres, profitaient d’une vague, puis filaient se téléporter autre part.
Mais plus personne n’utilisait… de voilier !La voile blanche grossissait pourtant, elle approchait. Quelqu’un utilisait ce bateau comme… un moyen de locomotion.
Ridicule !
— Viens, Rolf.
Le berger allemand abandonna à regret sa noix cabossée. Rupert avait pris sa décision, il allait faire le tour de l’atoll, ça ne prenait pas plus de vingt minutes, trouver Fischer en train de dormir sous un palmier, le secouer et lui ordonner de se téléporter, avec un canot pneumatique de moins de cinquante kilos, pour s’occuper de cette étrange embarcation sortie de la nuit des temps.

Peut-être pas la nuit des temps, corrigea Rupert dans sa tête. Il exagérait. Avant la téléportation (Rupert ne conservait qu’un lointain souvenir de cette époque, il n’avait que onze ans quand les premières téléportations humaines avaient été testées), les gens voyageaient encore en bateau, en voiture, à vélo ou à pied, et promenaient leur chien en faisant le tour du quartier, exactement comme lui aujourd’hui sur son île. Quand Rolf était jeune, qu’il pesait moins de cinquante kilos et que d’ailleurs cette foutue loi n’existait pas, Rupert avait joué avec son chien sur des centaines de plages différentes, partout dans le monde, à balancer des noix de coco dans les vagues pendant que Minna se faisait bronzer. Il avait fini par se rendre compte que Rolf se foutait de courir sur la plage de Copacabana ou de Bora-Bora, qu’il ne voyait pas la différence entre le sable de l’île Maurice ou celui d’Honolulu… et Rupert non plus !

La voile blanche approchait. En droite ligne face à lui. Le triangle clair se détachait dans le ciel orangé du matin.

Et cette feignasse de Fischer qui n’était pas là.

Tant pis, Rupert s’arrêta, sortit de sa poche ses lunettes de soleil et les régla sur le zoom maximum. Il faillit en perdre l’équilibre tant l’agrandissement était puissant. Encore une de ces inventions qui fichaient la gerbe et donnaient le tournis. Avait-on besoin de porter des lunettes permettant de voir à des kilomètres ? Avec ce genre de truc, la plupart des gens ne remarquaient même plus ce qu’ils avaient sous leur nez.
Rupert resta stupéfait.
C’était bien un voilier !
Il distinguait parfaitement, jusque dans les moindres détails, le bateau… et celui qui le pilotait. Un homme, blond, cheveux courts, peau blanche, une quarantaine d’années.
Un marin !
Ça pouvait encore exister, un marin ? Autrement que dans les livres ou les vieux films de pirates ? Rupert examina avec plus d’attention l’embarcation. Le type blond la pilotait en tournant une sorte de grand volant, apparemment décontracté, mais ce sont les objets posés à ses pieds qui sidérèrent le retraité.

Des armes !

Rupert ne rêvait pas, ce marin sorti de nulle part transportait des armes ! Et pas des canifs ou des pistolets : des fusils, longs, à gros canons, comme seuls les militaires en possèdent, des trucs qui devaient peser plus de cinquante kilos, ce qui expliquait peut-être pourquoi ce type naviguait à l’ancienne plutôt que de se téléporter.

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