Au détour d'un livre

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L'archipel des oubliés, de Nicolas Beuglet

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Résumé : Les inspectrices Grace Campbell et Sarah Geringën le savent. Malgré leurs caractères opposés, elles doivent unir leurs forces pour neutraliser l'" homme sans visage ", l'architecte du plan diabolique qui mènera l'humanité à sa perte.
Seule piste : un manoir égaré dans les brumes d'Écosse.

 

Auteur : Nicolas Beuglet
Nombre de pages : 396
Édition : L'Archipel
Date de parution : 22 septembre 2022
Prix : 20.90€ (Broché) - 13.99€ (epub, mobi) - 0€ (essai audible)
ISBN :
978-2374484778

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Avis /Critique :

3ème opus des aventures de Grace Campbell et Sarah Geringën, l'écossaise et la Norvégienne qui s'allient cette fois-ci pour combattre Olympe et son dirigeant "L'homme sans visage".
Nous retrouvons les deux femmes aux manières bien différentes en Écosse où leur enquête devenue commune les amènent dans un patelin perdu. Là, elle trouve une veuve, mystérieuse, énigmatique qui semble en mauvaise posture et qui serait, pour Grace, en rapport avec le projet Roselyn, un projet issu des recherches de la CIA sur la communication avec les morts qu'aurait repris le groupe Olympe. 

Nous suivons donc dans un premier gros tiers du livre les deux inspectrices dans un huis clos assez bien ficelé et à l'ambiance très sombre, presque dérangeante, brumeuse, froide. Puis l'auteur prend une tout autre direction quand les enquêtrices se font arrêter et incarcérées en hôpital psychiatrique.
Au même moment, dans le monde, des monolithes étranges viennent faire leur apparition avec en leur intérieur un crâne humain qui semble remonter à bien avant l'origine de la Terre.
Un nouveau coup d'Olympe ?
L'organisation semble avoir pris le dessus et on se demande bien comment les deux inspectrices vont pouvoir sortir de leur "asile" et repartir à la recherche de l'homme sans visage. La tension est alors palpable. C'est sans compter sur l'aide inopinée d'un groupe mené par un ancien d'Olympe et d'un ancien ennemi de Grace passé cette fois-ci du bon côté.

Extra-terrestre, monstre du Loch Ness, âmes de trépassé, viennent se mêler à la fête dans ce troisième opus qui se lit avec fluidité. Nicolas Beuglet profite de son intrigue pour faire passer un message qui est illustré ici par la dualité entre la société que propose la société Olympe et son contraire. L'une a mis en place un plan en trois points : abêtir la population, la contrôler, la récompenser. L'autre préconise le libre choix et permet à l'homme de faire son chemin avec ses nombreuses erreurs.
Quand on lit les deux projets, on ne peut que trouver les nombreux points de similitude qui ponctuent notre société d'aujourd'hui : une école en perte de vitesse, les réseaux sociaux et télé-réalité abêtissants, la privauté de notre liberté lors de la pandémie, la reconnaissance faciale qui arrive à grands pas avec le contrôle social, le métavers en guise de récompense, etc.
C'est cette dualité qui jalonne le roman. Alors oui, il y a plus que la simple intrigue de thriller et certains pourront ne pas aimer ce parti-pris de l'auteur. Il y a aussi, bien sûr, tout le côté un peu "too much" avec Nessie, les crânes et les monolithes. 
Certains trouveront donc ce livre un peu long, parfois partant dans tous les sens, mais pour ma part, j'ai aimé que l'auteur nous donne sa vision de la vie, même si cela est un peu au détriment de l'intrigue qui ne parait pas toujours crédible, comme l'enfermement forcés des deux inspectrices. Mais l'ambiance glacial du début est un régal et le duo des deux femmes fonctionne à merveille et on se dit que le livre ne serait vraiment pas de la même mouture si ce duo n'avait pas existé. On tremble en effet pour elles tout du long, et on se demande jusqu'à la fin si elles vont s'en sortir, ou si elles vont passer l'arme à gauche.


Un troisième opus qui pourra diviser les lecteurs mais que j'ai plutôt bien-aimé, surtout dans sa première partie et qui m'a donné à réfléchir dans la dernière. Sur le contenu de la seconde partie, je suis un peu plus mitigée.
A chacun donc de voir, mais pour ceux qui ont déjà lu les deux premiers, ce serait dommage de passer à côté de celui-ci même avec ses défauts.
Un plus donc pour la réflexion qu'il apporte et au parti-pris de l'auteur. Et personnellement, j'espère que Nicolas Beuglet va nous amener bientôt une nouvelle enquête pour ce duo qui vient "du froid". Je sais déjà que j'aurai plaisir à retrouver Grace Campbell et Sarah Geringën.

 

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Autre livre de l'auteur chroniqué sur ce blog :
- L'île du diable
- Le dernier message
- Le complot

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L'archipel des oubliés, de Nicolas Beuglet - www.audetourdunlivre.com

Extrait :

– 1 –

 

Grace Campbell observait l’étrange visiteuse avec méfiance. Depuis qu’elle avait franchi la porte de son bureau sans autorisation, cette rousse athlétique d’une quarantaine d’années s’était contentée de décliner son identité dans un anglais parfait : Sarah Geringën, inspectrice à Oslo. Et maintenant, elle dévisageait Grace sans un mot, comme un interrogateur silencieux intimide un suspect par sa seule présence.

Derrière elle, fébrile, se tenait l’officier de police qui avait essayé de la retenir et que la Norvégienne avait écarté de son chemin avec une aisance surprenante. Il interrogea l’inspectrice Campbell du regard, attendant ses ordres.

— Laissez-la, lui dit-elle, pensant qu’il n’était pas judicieux d’appeler des renforts qui risqueraient de faire dégénérer la situation.

Si cette femme avait voulu l’agresser, elle l’aurait déjà fait.

Agacé, le policer marmonna que « ça n’allait pas se passer comme ça » et tourna les talons d’un pas décidé. L’inspectrice Geringën referma la porte derrière elle et se tourna vers Grace, de plus en plus intriguée.

Que lui voulait cette policière aux yeux bleu pâle, qui la sondait avec d’autant plus de froideur qu’une cicatrice de brûlure avait profondément abîmé la peau sous l’œil droit ? Pourquoi avait-elle enfreint le protocole de sécurité du commissariat pour arriver jusqu’à elle ?

— Qu’attendez-vous de moi ? demanda Grace qui tapota le plâtre qui maintenait son bras gauche en espérant calmer un picotement.

À ce moment, la porte du bureau s’ouvrit avec le fracas d’une charge taurine. Deux autres agents firent irruption dans la pièce et saisirent brutalement l’inspectrice norvégienne.

— Stoppez ça tout de suite ! ordonna Grace.

Mais Sarah avait déjà pivoté d’une agile torsion de hanches pour se dégager. Dans le même mouvement, elle avait giflé l’oreille du premier avant de vriller le poignet du second, qui se prosternait en gémissant.

Grace colla sa main droite sur la crosse de son arme.

— Doucement ! Lâchez cet homme immédiatement… Et messieurs, veuillez reculer.

Sarah desserra sa prise.

— Inspectrice, elle a pénétré de force dans votre bureau ! s’indigna l’un des officiers, qui se massait le poignet en se redressant.

— Je sais, mais avez-vous pu vérifier son identité ?

— Oui, il s’agit bien de l’inspectrice Sarah Geringën.

— Dans ce cas, je donne mon approbation à sa présence ici.

— Mais…, protesta l’autre homme, une main plaquée sur l’oreille.

— Heureusement que vous étiez là, répliqua Grace d’une voix faussement soulagée. Mais nous savons maintenant qu’elle est bien l’une des nôtres. Je prends la responsabilité de la suite.

En partant, les deux policiers évitèrent le regard de la Norvégienne impassible qui venait de blesser leur ego et lancèrent une remarque acide à l’officier, venu les chercher en renfort, qui avait lâchement attendu dans le couloir.

Une légère teinte rouge empourprait le visage piqué de taches de rousseur de cette femme glaciale, tandis qu’une mèche échappée de sa chevelure nouée glissait le long de sa joue. Sa respiration sereine soulevait à peine le tee-shirt gris qu’elle portait sous une veste noire cintrée qui soulignait sa taille fine.

Grace ne put s’empêcher d’admirer l’efficacité avec laquelle elle avait neutralisé ses deux adversaires. Bien que certainement plus jeune que l’inspectrice Geringën, la belle Écossaise aurait été incapable d’une telle prouesse. Encore plus aujourd’hui, avec son bras dans le plâtre et les contusions qui la faisaient grimacer à chaque geste. Mais même au-delà de ses blessures passagères, il sembla à Grace que tout l’opposait à cette consœur. Là où la Norvégienne était élancée et froide, la policière écossaise était d’allure plus chaleureuse, un peu plus en rondeurs, y compris dans son attitude tournée vers l’empathie, quand l’autre était apparemment plus agressive.

C’est donc de son regard noisette bienveillant, et après avoir repassé ses fins cheveux châtains derrière ses oreilles, que Grace considéra son énergique interlocutrice.

— Je vous écou…

— C’est bien vous qui êtes intervenue dans le train du Passager ?

La question avait claqué dans l’air, tranchante, comme une rancœur longtemps contenue.

Grace fut prise au dépourvu. Comment cette femme pouvait être au courant de sa dernière enquête ? C’était effectivement elle qui avait réussi à s’introduire dans le train où vivait en permanence le mystérieux « Passager », à la tête de la multinationale Olympe. Elle espérait en finir avec cette société aux nombreuses ramifications, qui avait lancé un plan en trois phases pour modeler l’avenir de la civilisation à sa convenance, au détriment du bonheur des peuples. Mais le Passager lui avait échappé alors que le convoi traversait la Suisse. Grace avait dû fuir en sautant du train dans une rivière. Ce qui lui avait valu son bras cassé et ses multiples contusions. Mais cela ne faisait que deux jours qu’elle était rentrée en Écosse, à Glasgow, et elle n’avait même pas fini de taper son rapport.

— Comment savez-vous que j’ai…

— L’un de mes agents avait infiltré Olympe et faisait partie de l’équipe des serveurs dans le train. Il connaissait les visages de tous les invités. Pas le vôtre. Il m’a envoyé une photo et je vous ai rapidement identifiée. Le temps que je contacte vos supérieurs pour leur demander de stopper votre intervention, vous aviez déjà provoqué la fuite du Passager. Vous avez ruiné deux ans de travail.

Grace joignit les mains devant ses lèvres.

— Vous voulez dire que vous enquêtiez également sur Olympe ?

Sarah Geringën répondit d’un battement de cils.

Dans le bureau flotta un air d’étrangeté. Grace s’était toujours crue désespérément seule à affronter la multinationale.

— Comment en êtes-vous arrivée à…

— Et vous ? la coupa Sarah.

Grace choisit d’arrondir les angles et ignora l’attitude autoritaire de son interlocutrice.

— J’ai découvert les crimes et les sinistres intentions d’Olympe l’année dernière, au cours d’une enquête sur un assassinat commis dans le monastère d’Iona par un tueur de la corporation.

— Gabriel ?

— Exact… Vous le connaissez ?

— Qu’importe. Qu’avez-vous trouvé dans le train ?

Cette fois, Grace ne répondit pas tout de suite. Elle se leva et alla s’asseoir sur le rebord en pierre de la fenêtre située derrière son bureau. Ainsi, elle était pratiquement à la même hauteur que la policière norvégienne restée debout.

— J’ai bien saisi votre urgence, inspectrice Geringën, et c’est pour cette raison que je vous ai accordé ma confiance en renvoyant les agents de sécurité. À votre tour de faire un geste, en m’expliquant pourquoi vous vous intéressez à Olympe.

Sarah frotta sa cicatrice de la pulpe du pouce et renoua ses cheveux afin de rassembler les mèches rebelles. Puis, contre toute attente, elle tira la chaise en face du bureau pour s’y installer.

Jolie preuve d’intelligence collaborative, pensa Grace.

— En 2016, commença Sarah, j’ai enquêté sur un suicide suspect à l’hôpital psychiatrique de Gaustad à Oslo.

Habituée à écouter les inflexions de voix chez les personnes qu’elle interrogeait, Grace pointa une baisse d’intensité dans cette phrase, comme si le larynx de l’inspectrice s’était comprimé sous l’effet de l’angoisse. Sarah se racla la gorge avant de poursuivre d’un ton cette fois affermi.

— Je vous passe les détails, mais cette affaire m’a fait remonter jusqu’à un programme secret conduit par la CIA dans les années 50-70. Dans le cadre de ce projet nommé MK-Ultra, M et K étant les initiales de Mind Kontrol, des expériences ont été menées sur des cobayes humains consentants ou non, afin d’établir des méthodes de contrôle de l’esprit par des procédés de tortures physiques et psychiques, parfois chimiques.

Grace se rappela avoir déjà entendu parler de cette histoire, mais elle n’avait jamais creusé l’information.

— Ce programme a été officiellement stoppé au milieu des années 70, après la publication d’un article du New York Times qui l’a dévoilé au grand jour et a entraîné une enquête sénatoriale, poursuivit Sarah.

Elle marqua une pause et recula sur son fauteuil.

— J’ai découvert notamment qu’une partie des expérimentations n’avaient jamais cessé, mais les coupables ont été appréhendés ou sont morts durant l’enquête, et mon travail s’est arrêté là.

— Quel lien avec Olympe, alors ? demanda Grace.

— J’y viens. Pendant plusieurs années j’étais concentrée sur d’autres affaires. Et, il y a trois ans, un journaliste que je connais bien a entrepris d’écrire un gros dossier sur le projet MK-Ultra. Au cours de ses vérifications, il s’est rendu compte que tous les lieux qui avaient abrité les expériences de la CIA avaient été récemment rachetés par une seule et même société.

— Olympe…, murmura Grace.

— Effectivement. Ils ont procédé aux acquisitions pendant trois ou quatre ans via plusieurs sociétés écrans, mais toutes les transactions financières remontaient bien jusqu’à Olympe.

— Quelle était leur intention ? Poursuivre les expériences ?

— Ce fut aussi ma première supposition. Pour en être certaine, je suis allée visiter moi-même quelques-uns de ces établissements : trois hôpitaux, deux universités et quatre prisons répartis en Norvège, au Canada et aux États-Unis. Je m’attendais à trouver ces endroits barricadés et occupés par des laboratoires ainsi qu’une ribambelle de scientifiques. Mais en réalité, tous étaient laissés à l’abandon. Plusieurs étaient même squattés.

— Pourquoi Olympe aurait acquis ces biens, alors ? reprit Grace.

 

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