Au détour d'un livre

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Gare à Lou !, de Jean Teulé

 

Résumé : À 12 ans, Lou partage absolument cette opinion. Au prétexte qu'elle est en mesure de faire tomber immédiatement les pires calamités sur la tête de tous ceux qui la contrarient, on l'enferme dans un endroit secret en compagnie de militaires haut gradés pour qu'elle devienne une arme absolue capable de mettre en échec les plans malveillants des ennemis du pays ou, pire, d'ourdir de méchantes et sournoises manœuvres afin de causer des torts effroyables à d'autres nations.

Auteur : Jean Teulé
Nombre de pages : 192
Édition : Julliard
Date de parution : 7 mars 2019
Prix : 19€ (Broché) - 12.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2260052937

 

Avis / Critique :


Lou vit au 276ème d'une tour. Son étage est celui des indigents. Dans ce futur, le statut social est signifié par l'étage que l'on occupe. La jeune fille va à l'école, mais est la risée de ses camarades à cause de sa dentition. Un jour, alors qu'un collégien s'en prend à elle, elle pense tout fort "pourvu qu'il tombe" et celui-ci vient en effet s'écraser en bas de l'escalier. Quelques jours plus tard, un épisode similaire se produit, mais cette fois, un policier se trouve sur place. Cette jeune fille attire alors le regard des autorités qui voient en elle un moyen d'exploiter ses capacités pour en faire une arme. Oui, mais voilà, Lou est une ado et il est difficile de tenir une ado. Forcément, les incidents vont alors s'enchaîner...

Livre de science-fiction placé sous le regard d'un auteur qui s'amuse à écrire une histoire teintée de burlesque, ce nouvel opus de Jean Teulé confirme qu'il aime raconter des histoires hors norme. Plus écrit pour un public ado peut-être, il pourra néanmoins intéressé les adultes qui adhèreront ou pas à ce monde, où les grades ciels portent le nom d' "Ecorche-cieux" ; où les personnages sont affublés de patronymes tels que "Armand Mangebœuf de Bois-Joli", "Paul Écaille" ; où le président est hypocondriaque, et où d'étranges espèces animales voient le jour.

Si le livre se lit vite, il ne fait que 192 pages, la déception pointe son nez quand on le compare à d'autres romans de Jean Teulé. "Héloïse, Ouille !" était une virtuosité en termes de contenu. On entre dans ce "Gare à Lou !" par une écriture teintée de descriptions qui rendent la lecture lourde. Très vite heureusement, le style se fluidifie.

Quant à la couverture, eh bien, on peut dire qu'elle n'est pas fantastique. Ce n'est pas le portrait de la jeune fille qui pêche (figurant une photo de classe, sûrement   puisqu'il correspond au contenu), mais ce détour jaune pastel qui rappelle les couvertures de certains romans bucoliques des années 80 n'est pas très attractive.

 

A lire également du même auteur :
- Héloïse, Ouille !
 

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Extrait :

1-

— Mais maman, c’est quoi cette horreur arrivée chez nous ?
Une gamine, certainement revenant du collège, dépose son cartable à gauche de la porte d’entrée contre une commode aux tiroirs disjoints mais surmontée d’un terrarium neuf en plexiglas. À l’intérieur du récipient empli seulement de quelques centimètres d’eau saumâtre, un caillou dépasse comme une île où vient accoster une sorte de poisson, bestiole bizarre qui escalade ensuite la pierre dans l’air libre grâce à ses nageoires pectorales et que la gosse regarde, stupéfaite.
— C’est une petite femelle Periophthalmus barbarus, l’informe sa mère. Je la trouve jolie. En bas, dans l’animalerie de l’avenue du Bonheur, elle attendait, derrière la vitrine, soldée à seulement quinze euros-yens parce que personne n’en voulait.
— On peut comprendre les gens, soupire la fille. À part toi, qui aimerait avoir ça chez soi ? Tu as vu ses yeux de monstre ? C’est flippant, et sa bouche effraie !
— Cette bébête se situe à la charnière entre deux mondes, explique la mère fascinée. Elle possède encore une queue de poisson et déjà un museau de bovin. Elle quitte l’eau pour s’aventurer sur la terre ferme. C’est l’évolution de la vie. Tu ne l’as pas appris en SVT ? Découverte récemment parmi des mangroves d’Afrique, il paraît qu’en captivité elle ne dure pas très longtemps.
— C’est déjà ça, apprécie la fille, en haut de jogging gris à fermeture Éclair et capuche rabattue dans le dos, qui s’accroupit pour fouiller son cartable.

Dans cet exigu salon, salle à manger, kitchenette où le réfrigérateur fait continuellement du bruit parce que tellement vieux près d’une cuisinière à laquelle il manque des boutons en façade ainsi que la poignée d’origine du four remplacée par une autre en bois tenue par des ficelles, l’ensemble de la pièce doit aussi servir pour dormir. Un canapé replié, simple et sans accoudoir, est adossé contre un mur près de quelques lattes au sol sans doute impossibles à réinstaller. La nuit, ça doit faire des trous dans le lit qui vous démolissent le dos. En ce décor lugubre aux murs peinturlurés d’arabesques par endroits pour le rendre plus gai, la mère, fine et ravissante blonde de quarante-trois ans en jean noir moulant ses cuisses de grenouille et chaussée de souliers à talons, constate :
— Avec tout ça, moi qui viens aussi d’arriver, je n’ai même pas pris le temps de retirer ma veste.
Elle la déboutonne et l’ôte. Sa fille, restée assise sur les talons de ses baskets bordeaux et qui l’observe, découvre que, sous une aisselle, la doublure du vêtement est complètement déchirée mais que le débardeur cintré convient :
— Il te va à ravir…
— C’est encore de la récup, rigole la mère en allant ouvrir la porte du frigo pratiquement vide. Parce qu’au travail mes supérieures grossissent mais pas moi, elles me refilent leurs fringues devenues trop petites. Veux-tu nourrir la bébête ? Il lui faut des vers de vase rouges que tu déposes sur ton index et qu’elle vient chopper.
« Non, non, moi je regarde seulement, je ne touche pas ! » grimace la gamine qui, devant la commode, réenclenche le fermoir métallique de son sac de collégienne en redressant la tête. De l’autre côté du plexiglas, la Periophthalmus barbarus lui fait un clin d’œil.

 

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