Au détour d'un livre

Critiques littéraires, avis, livres gratuits, news. “Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux.” (Jules Renard) -

L'insolence des miracles, de Didier Van Cauwelaert

L'insolence des miracles, de Didier Van Cauwelaert

 

Résumé : Le meilleur moyen d'explorer ce qui nous dépasse n'est-il pas de réconcilier l'esprit critique et la faculté d'émerveillement ? Regarder le miracle en face, c'est réfléchir sur soi. C'est remettre en question nos limites. Et si nous étions tous capables d'accomplir des prodiges ?

Rien n'est plus insolent qu'un miracle. Il se rit des lois communes, défie les autorités religieuses, provoque les sceptiques...

Auteur : Didier Van Cauwelaert
Nombre de pages : 272
Date de parution : 5 octobre 2023
Édition : Plon
Prix : 21.90€ (Broché) - 14.99€ (epub, mobi)
ISBN : 978-2259315272

________

Avis - Critique :

Le miracle. Il menace la norme établie. Pour les non-croyants, il faut désacraliser le prodige en lui trouvant des explications rationnelles ou au moins, laisser l'interrogation en suspens. Pour les croyants, il est le doigt de Dieu ou de cette essence spirituelle informe qui permet l'inconcevable. 
Comment expliquer les stigmates, les guérisons inexpliquées, les apparitions, les statues qui pleurent et le reste ?
Il y a de quoi en perdre son latin, non ? 
Après avoir traité le sujet dans son "Dictionnaire de l'impossible", Didier Van Cauwelaert revient avec ce tome sur cette thématique, mais en l'élargissant. Ce n'est plus ici, le fait qui est amené mais une volonté de se poser la question : comment est-ce possible ?
Depuis 1858, la médecine a reconnu plus de 7200 cas de guérisons à Lourdes. Le Vatican n'en a retenu, lui, que 70. Pourquoi ?
L'explication nous est donnée par l'auteur qui décortique le cheminement suivi par le Vatican, mais surtout nous fait entrer dans un monde tout aussi politique que celui de nos gouvernements. Car même chez les serviteurs de Dieu, tout est politique et le miracle en fait partie. Il ne faut pas qu'il dérange, qu'il prenne trop de place ou du moins la personne qui a le droit à être élue miraculée ne le doit pas. Surtout pas d'ombre, de peur que les fondations mises en place par l’Empereur Constantin ne soient remises en question.
Mais revenons au contenu de ce livre. Bon, vous l'aurez compris, L'insolence des miracles porte bien son nom puisque le miraculeux se montre par son statut insolent à la nature vaticane, mais aussi insolent à la nature connu de la science d'aujourd'hui. 
Et des miracles, il y en a. Ils seront peut-être expliqués un jour par une science, une médecine à laquelle nous n'avons pas accès à ce jour (après tout, l'humanité est encore jeune), mais ils demeurent encore aujourd'hui étranges, incompréhensibles.
Didier Van Cauwelaert revient sur nombre d'entre eux. On comptera parmi eux, Jeanne Frétel (guérie d'une péritonite tuberculeuse et d'un cancer de l'intestin), de Jean-Pierre Bély (d'une sclérose en plaques). Il nous parle aussi des miracles en direct à la télévision. Que penser en effet des hosties qui se mettent à battre comme un cœur vivant et sont en lévitation, le tout en direct sur France 2 pendant l'émission "Le jour du seigneur" ou bien qui se transforment en chair sanguinolente filmées par des téléphones portables durant une autre messe ? Que penser quand on apprend que ces hosties contiennent le même groupe sanguin que le linceul de Turin et que celui de d'Oviedo ainsi que la Tunique d'Argenteuil ?
Que penser également des hosties qui contiennent après transformation un fragment d'un ventricule gauche d'un cœur ayant subi un état inflammatoire et un nombre de globules blancs indiquant que le dit cœur palpitait au moment où l'échantillon aurait été prélevé ? Serait-ce celui du Christ ?
Les différents laboratoires s'y seraient cassé les dents en étudiant ces fragments.
Qu'elle est la partie de la foi là-dedans ?
Van Cauwelaert s'attarde d'ailleurs longuement sur le Linceul de Turin qui a depuis des dizaines d'années été sujet à polémique. A quand remonte-t-il, d'où vient-il ? A qui appartient l'image qui est projetée dans le tissu. Comment expliquer ce fait ? Serait-ce dû à une photolyse éclair possible grâce à l'électricité émis par un corps sujet à un stress extrême ? C'est la dernière explication en vogue.

Ce ne sont que quelques-uns des "miracles" dont nous parle dans ce livre Didier Van Van Cauwelaert qui s'arrête sur chaque sujet et cherche à trouver une réponse à l'inexplicable. On côtoie ici non seulement Émile Zola, mais aussi un indien aztèque, les papes Jean-Paul II, Benoit XVI, l'incroyable Yvonne-Aimée de Malestroit, ses visions, ses faits de résistance et ses bilocations qui lui valut d'être médaillée par le Général de Gaulle mais que l'église fustigea jusqu'à aller interdire le moindre livre sur elle. Sentence que l'abbé René Laurentin envoya ad patres en lui consacrant douze études.

Van Cauwelaert raconte quelques miracles de Padre Pio sans oublier ses stigmates, mais aussi ses bilocations qui, comme Yvonne-Aimée fera de lui un autre cauchemar du Vatican. On découvre également le portrait de Charbel Makhlouf, l'ermite libanais aux nombreuses guérisons et dont le corps mort pleure du sang en-dehors de son cercueil de zinc, l'apparition de la vierge à El-Warak en Basse-Egypte en 2010 au moment du massacre des chrétiens par des islamistes, les miracles de la Mecque et de la source Zamzam.

Bref, dans ce livre, le lecteur passe de récit de miracle en récit de miracles. Sans prendre partie, mais en explicitant les faits, Didier Van Cauwelaert nous amène dans un monde qui nous laisse sans voix. Comment cela est possible ? Où se trouve l'explication ? C'est la question qui demeure sans réponse, finalement et qui ramène chacun à sa foi, son côté cartésien, son scepticisme, son incompréhension. Énergie mentale incroyable, physique quantique, fait d'une entité supérieure ? 

Personne ne pourra rester de marbre devant ces faits incroyables.
Un livre qui nous laisse ébranlé par les faits narrés. Un livre qui se parcourt avec un vrai plaisir que l'on soit croyant ou pas, ou simplement interrogatif. Facilement raconté, l'auteur est passionné par son sujet, cela se sent, mais il ne cherche pas à convaincre à tout prix, c'est tout à son honneur. A chaque fin de chapitre, il nous met ses sources, mais aussi des liens que l'on peut parcourir, notamment les vidéos concernant les hosties.
Dérangeant, percutant, intéressant. Un livre vraiment à découvrir.

 

________

Extrait :

9

 

Padre Pio :
le cauchemar Du Vatican

 

Au-delà de leur caractère mystique, certains « élus » semblent être, sur le plan corporel, des sortes de laboratoires où se déroulent des expériences pilotes – parfois à leur insu, mais souvent de leur plein gré. Contemporain de mère Yvonne-Aimée, Padre Pio a été son pendant masculin. Doté de pouvoirs similaires, animé d’une foi et d’une énergie équivalentes, il fut assailli par le diable et malmené par l’Église d’une façon analogue. Avec une différence notable : le Vatican, après avoir tiré sur lui à boulets rouges, a fini par le canoniser. Pourquoi ? Ses prestations christiques avaient suscité la même exaspération que celles d’Yvonne-Aimée au sein de la curie romaine, mais il bénéficiait d’une passion populaire colossale et de la circonstance atténuante de ne pas être une femme.

Né Francesco Forgione en 1887 à Pietrelcina, dans les Pouilles, il prend son « nom de foi » en hommage à Pie V, le pape ennemi du luxe et de la bestialité qui prononça l’interdiction de la corrida en 1567. Comme Yvonne-Aimée, il s’engage dès l’enfance auprès du Christ, dont il accepte, à son corps défendant, de reproduire les stigmates. Il lui faudra patienter. À vingt-trois ans, devenu moine capucin, il commence à ressentir des douleurs rougeoyantes dans les mains et les pieds. Il les montre à son confesseur l’année suivante, mais les plaies de la Passion (« mes douces blessures », comme il dira) n’apparaîtront véritablement qu’en 1918, à la fin de la guerre.

Entre-temps, mobilisé comme infirmier, il s’acquitte de sa tâche avec un zèle qui dépasse le cadre habituel du dévouement militaire. En 1917, par exemple, la défaite cuisante de Caporetto face à l’offensive austro-allemande provoque la destitution du général Luigi Cadorna, commandant en chef. Brisé par son échec, ce valeureux soldat s’enferme dans son bureau pour se faire sauter la cervelle. C’est alors qu’un moine surgit devant lui, le persuade de renoncer à ce geste, lui fait ranger son pistolet, et s’éclipse aussi brutalement qu’il est apparu. En état de choc, l’officier se rue vers les gardes en faction : de quel droit ont-ils laissé entrer ce moine sans l’annoncer ? Les gardes jurent qu’ils n’ont vu personne. C’est le général Cadorna lui-même qui racontera partout cet épisode rocambolesque, ainsi que sa conclusion du même acabit. Des années plus tard, en effet, voyant dans la presse une photo de Padre Pio, il reconnaît le sauveteur inconnu qui a fait irruption pour empêcher son suicide par des paroles de réconfort. Il se précipite aussitôt dans son couvent de San Giovanni Rotondo pour le rencontrer. Là, avant même qu’il ait le temps de se présenter, le capucin interrompt son travail pour lui cligner de l’œil : « Hein, général, nous l’avons échappé belle ! »

Comme on peut s’en douter, son humour à l’emporte-pièce, dans le cadre de ses bilocations, de ses guérisons miraculeuses ou de ses « simples » confessions, n’était pas du goût de tout le monde. Sa brutalité gaillarde non plus. Des parents lui ayant amené un matin leur fils atteint d’une pathologie cardiaque incurable, il balance un coup de poing dans la poitrine du gamin en lui disant : « Foutaises, tu n’es pas plus malade que moi. » Les parents sont consternés. Ils courent faire examiner le petit à l’hôpital, de peur que cet illuminé en robe de bure ne lui ait cassé une côte. À peine ont-ils décidé de se plaindre à l’évêque que les médecins abasourdis leur annoncent que leur enfant « n’a plus rien au cœur ».

Quant à ses confessions, sur rendez-vous et liste d’attente, elle se déroulent dans une ambiance à mi-chemin entre la garde à vue et le comptoir de bistro. « Tu ne m’oublies pas un péché, là ? » dit-il en cuisinant ses repentis. Et, lisant en eux à livre ouvert, il leur rappelle une faute ancienne qu’ils ont évacuée de leur conscience. À l’inverse, il les vire sans gêne quand il n’y a pas lieu d’absoudre. Ainsi, une prostituée vieillissante qui, sachant les semaines d’attente nécessaires pour avoir accès à un confesseur si demandé, a pris ses précautions en s’inscrivant deux fois, se fait-elle jeter en ces termes : « Tu es déjà venue hier, qu’est-ce que tu me veux encore ? – Depuis hier, je pourrais avoir péché de nouveau… – Ne te vante pas. Avec la tête que tu as, ce n’est pas si facile que tu crois, de pécher ! Allez, file ! »

Plus le prodige qu’il accomplit est grand, plus il y met d’humilité cassante et blagueuse pour le rendre « naturel ». Un jour, une femme entreprend de lui amener son bébé mourant : le voyage est trop long et l’enfant décède dans le train. Brisée mais discrète, elle cache la petite dépouille dans une valise pour que le capucin puisse tout de même lui donner sa bénédiction. Des heures plus tard, elle arrive devant Padre Pio, qui l’engueule sans lui laisser le temps de prononcer un mot. « Ça va pas, de le faire dormir dans une valise ? Tu veux qu’il s’étouffe ? » Il ouvre la valise. Le bébé est vivant1.

De pareils tours de passe-passe avec le temps, l’espace, la vie, la mort, il en accomplit à la pelle. Des milliers de témoignages semblant tout aussi fantaisistes émanent de personnes sensées, souvent attestés par des médecins, mais aussi par des soldats. Ses bilocations lui permettent en effet d’intervenir sur plusieurs champs de bataille à la fois pour épauler

l’armée de terre, la marine ou l’aviation. Quand les « rescapés » viennent le remercier en lui racontant son exploit, il leur intime le silence. « Mais vous m’avez sauvé ! – Je ne veux pas le savoir ! »

Une de ses prouesses aériennes lui attira beaucoup d’ennuis durant la Seconde Guerre mondiale. Alors que la Royal Air Force bombardait l’Italie alliée à Hitler, des pilotes anglais déclarèrent que, chaque fois que leur escadrille approchait de Pietrelcina, « un moine stigmatisé leur apparaissait dans le ciel en étendant ses bras, alors ils faisaient demi-tour ». Tous les villages de la région furent touchés par les bombes, sauf celui où était né Padre Pio. Ce miracle un peu trop « personnalisé » fut versé dans le dossier que l’Église instruisit contre lui.

 

________

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article